«Ces employés que vous solliciterez seront plus qu'heureux de vous partager leur savoir», d'après Daniel Lafrenière. (Photo: courtoisie)
EXPERT INVITÉ. Les employés sont souvent les dernières personnes à qui l’on parle lorsque l’on veut améliorer l’expérience client. Il s’agit selon moi d’une grave erreur. Qui de mieux placé que l’employé qui interagit au quotidien avec le client pour le connaître ? Explications.
La voix du client
Pour recueillir la voix du client, il va de soi de lui parler. Sondages plus ou moins longs, entrevues, observations sur le terrain, mesure de l’IRC (indice de recommandation client ou NPS en anglais) font partie de l’attirail de toute personne qui veut comprendre quantitativement et qualitativement le client. C’est d’ailleurs ce que font – ou devraient faire – nombre d’organisations, privées et publiques, pour prendre le pouls. Mais il existe une technique complémentaire qui permet de recueillir un maximum de données qualitatives au sujet du client en un minimum de temps : l’entrevue d’employés (ou l’entrevue de tiers).
Parler à l’employé pour connaître le client
Imaginez la situation suivante. Vous voulez connaître les objectifs, les attentes, les ressentis positifs et négatifs, les incompréhensions, les questions fréquemment posées, les fausses croyances et les perceptions de tous les clients, dans tous les cas de figure. Vous pouvez bien entendu élaborer un sondage et demander à vos clients d’y répondre.
Vous pouvez aussi parler à des personnes qui interagissent avec des clients chaque jour, c’est-à-dire vos employés. Le personnel sur le terrain est à même de capter toutes ces informations, que ce soit au téléphone, en point de vente ou de services, ou sur les canaux numériques (courriel, clavardage, médias sociaux). En leur parlant, on obtient un concentré inestimable d’informations. Lorsque, par exemple, on demande à un préposé aux renseignements ou à un employé du service technique quels sont les sujets ou les questions qui reviennent le plus souvent, la réponse vient plutôt rapidement. Et c’est normal puisque ces personnes parlent à des centaines de clients par semaine, voire des milliers depuis des années. Qui, dans votre organisation, connaît mieux vos clients que vos employés? Personne!
C’est d’ailleurs pour cette raison que certaines entreprises reconnues pour la qualité de leur prestation sollicitent leurs employés pour mieux connaître et comprendre les clients. Fait intéressant, ces rencontres avec les employés permettent aussi d’identifier des pistes de solution pour améliorer l’expérience client et l’expérience employé. On le sait tous, elles sont intimement liées. Comment voulez-vous qu’un employé mal formé, mal outillé – sans systèmes ni processus adéquats – puisse offrir une bonne expérience client ?
Le risque de biais
J’entends à l’occasion des gens se prononcer contre le fait de parler à des employés. On évoque souvent le risque de biais, comme s’il n’en existait pas lorsque l’on s’adresse directement au client. Si je demande à un groupe de personnes si elles se lavent toujours les mains après être allées aux toilettes ou si elles font un usage quotidien de la soie dentaire, j’obtiendrai fort probablement une réponse affirmative. Or, force est de constater que ce n’est pas toujours le cas si je me fie à l’observation que j’en fais dans les toilettes publiques ou lorsque je parle à mon hygiéniste dentaire.
Revenons aux entrevues d’employés. Pour réduire les biais, il suffit d’interviewer ces personnes de façon individuelle, de s’attarder à la répétition des informations et d’exclure les données anecdotiques. Dans les faits, lorsque vous pouvez deviner les réponses à vos questions, vous avez atteint ce que l’on appelle le point de saturation, c’est-à-dire le moment où la collecte de nouvelles données n’apporte rien de nouveau ou peu.
Et les groupes de discussion ?
Sauf exception, l’approche des groupes de discussion, qu’on appelle communément des focus group, n’est pas recommandée. Malgré l’apparence de recueillir la voix du client, cette technique produit souvent plus d’opinions que de faits, les propos étant potentiellement influencés par l’animateur, la dynamique du groupe, un participant à l’opinion polarisante – ce que j’appelle une «grande gueule» – ou le désir d’adhésion ou de conformité sociale des participants.
Comprenez-moi bien, je n’ai rien contre les groupes de discussion. Mais dans un contexte de recherche qualitative pour améliorer l’expérience client, je me permets d’exprimer quelques réserves. D’autant plus que le résultat sera directement influencé par la prestation de l’animateur et la qualité des participants.
Mieux que de naviguer au pif
Est-ce que l’entrevue d’employés est une approche parfaite ? Bien sûr que non. En passant, il n’existe aucune méthode parfaite. Étudier et comprendre le client – un humain – n’est pas sans défi. Cela dit, c’est nettement mieux que ce que font nombre d’organisations depuis des décennies, c’est-à-dire de naviguer au pif, à l’intuition et aux perceptions, ou en utilisant des opinions et non des faits.
Il serait dommage de se priver d’informations concernant le client quand il s’agit simplement de les demander aux employés. Et vous savez quoi? Ces employés que vous solliciterez seront plus qu’heureux de vous partager leur savoir et de contribuer à l’amélioration de l’expérience client. Allez-y, parlez-leur!
Sur ce, je vous souhaite un bel été. On se reparle au mois d’août.