(Photo: 123RF)
CHRONIQUE. Le centre-ville de Montréal est désert, comme dans les premiers jours de la tempête du verglas en 1998. Mais les hôtels qui avaient de l’électricité étaient alors bondés de familles qui s’y étaient réfugiées.
Montréal est aujourd’hui victime d’une crise beaucoup plus grave. Six mois après le décret qui a contraint les gens à rester chez eux, les hôtels et les tours de bureaux du centre-ville ne sont occupés que de 10 % à 15 % de leur capacité. La situation sera bientôt intenable pour plusieurs dizaines de restaurants et de commerces de détail.
Craignant une résurgence des cas de COVID-19, d’importants employeurs interdisent toujours l’accès à leurs bureaux, alors que d’autres permettent un accès bien inférieur au taux d’occupation de 25 %, pourtant jugé sécuritaire par la Santé publique et souhaitable pour l’économie de Montréal.
Cette résistance s’explique par la peur de la COVID-19 et la crainte des transports en commun, mais aussi par les économies d’argent et de temps, l’efficacité, la flexibilité dans la gestion du temps et la conciliation famille-travail offertes par le télétravail.
Le télétravail est là pour de bon
Plusieurs employeurs avaient expérimenté le télétravail avant la pandémie, mais celui-ci restait marginal. Certaines entreprises avaient innové dans le réaménagement des espaces de travail commun et dans leur partage. Quelques employeurs technos avaient même expérimenté la formule des bureaux virtuels (Sococo, Pragli, Tandem, etc.), qui remplacent les espaces physiques et qui fournissent à tous leurs employés des espaces virtuels propices aux communications au sein de l’organisation.
Après six mois d’usage intensif à cause de la pandémie, le télétravail s’est installé. Il n’est plus perçu comme un accommodement plus ou moins désirable. La productivité ne semble pas en souffrir, les employeurs y voient des économies et beaucoup d’employés le préfèrent.
Il est même devenu un mode d’organisation du travail pertinent. On a découvert que les employés n’ont pas besoin de travailler côte à côte pour communiquer avec les clients et les fournisseurs, faire de la comptabilité, vendre, rédiger des rapports, faire des plans et devis, etc.
Toutefois, le télétravail ne fera pas oublier les bienfaits de la présence des employés dans un même lieu de travail. L’être humain a besoin de socialiser. Il y a des avantages à se voir en personne, à échanger autour de la machine à café, à prendre du temps pour brasser des idées.
Le travail dans un même lieu est aussi un avantage pour le développement d’une culture d’entreprise, l’appropriation des valeurs, la qualité des relations interpersonnelles, le savoir-être et l’engagement des employés. Ceux-ci ont besoin de savoir que leur entreprise est dirigée par un être vivant et non par une image qui s’anime sur un écran.
À terme, on en arrivera à une organisation du travail hybride, composée à la fois d’activités en présentiel et d’activités à distance, selon des proportions qui dépendront des besoins de l’employeur et des préférences des salariés.
Évidemment, le télétravail n’a pas que des bienfaits. Il peut aussi nuire à la productivité, favoriser l’isolement, créer de l’anxiété, encourager la dépendance, accroître indûment le temps de connexion, dérégler la gestion du temps, ouvrir la voie à l’exploitation et même au harcèlement.
D’où la pertinence de la révision du cadre réglementaire du travail annoncée par le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet. Des définitions, des notions et des normes seront à revoir en matière de conditions de travail (gestion du temps travaillé, droit à la déconnexion, accidents du travail, équipements, ergonomie, etc.) et de sécurité informatique. Et puisque le diable est dans les détails, l’État et les partenaires du marché du travail devront alors s’assurer de protéger la flexibilité du télétravail et veiller à ne pas ajouter à la complexité de la réglementation.
Un défi pour Montréal
La pandémie cause d’importants dommages collatéraux dans toutes les grandes villes. Il faut se préoccuper particulièrement de Montréal, qui fait face à un déficit de plus de 500 millions de dollars. À cause du télétravail, son centre-ville a besoin d’un élan de solidarité des propriétaires et des locataires d’immeubles qui s’y sont installés.
Grâce aux mesures de sécurité efficaces mises en place dans les tours de bureaux, il est devenu opportun d’y encourager le retour progressif de leurs occupants. Parallèlement, il faut chercher à rendre le transport collectif plus sécuritaire et accroître l’attractivité du centre-ville. L’État a aussi un rôle à jouer, notamment sur le plan fiscal.
Le centre-ville de Montréal est à la fois une référence et un joyau. Il faut continuer d’y investir, de l’embellir, de le rendre encore plus convivial et de rehausser son prestige.
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J’aime
Steven Guilbeault, ministre canadien du Patrimoine, a exprimé, dans une entrevue au National Post, son désir d’introduire au Canada des mesures similaires à celles que l’Australie a décidé d’imposer à Google et à Facebook, qui utilisent gratuitement le contenu des médias australiens pour accroître leur auditoire, à qui ils vendent de la publicité. Google et Facebook auraient réalisé l’an dernier en Australie des revenus d’environ 5 milliards de dollars canadiens, soit 70 % de la publicité vendue sur Internet. Une part de 10 % de ces revenus procurerait des redevances de 500 millions de dollars aux médias australiens. Les deux géants menacent de renoncer au contenu des médias australiens, ce qui a été qualifié de chantage par un ministre.
Je n’aime pas
Alors qu’on la croyait imminente il y a quelques mois, l’entente sur la construction de logements sociaux que les gouvernements fédéral et québécois négocient depuis trois ans est toujours compromise. Cette chicane se fait sur le dos des mal-logés et des itinérants. La Ville de Montréal, où la pénurie de logements abordables est catastrophique, paie des loyers à des familles incapables de se loger. La Ville vient d’exercer un «droit de préemption» pour acquérir au coût de 6,5 M $ un immeuble de Parc-Extension qu’elle revendra à un organisme communautaire qui y aménagera environ 40 logements abordables.