Pourquoi les banques US ne célèbrent pas le retour de milliards?
Dominique Beauchamp|Publié le 29 juin 2021JPMorgan Chase & Co. hausse son dividende 0,90 à 1 $US, mais n'a pas encore dévoilé la taille de son rachat. (Photo: 123RF)
Maintenant qu’elles ont passé le plus récent test de résistance financière des autorités, 23 grandes banques américaines dévoilent ce qu’elles entendent faire de leur surplus de capital, mais en Bourse leurs titres sont restés de glace.
Morgan Stanley (MS, 90,84$US) et Wells Fargo (WFC, 45,03$US) doublent toutes deux leur dividende tandis que la première veut racheter 12 milliards de dollars américains de ses actions et la deuxième 18 G$ US.
Comment est-ce possible que des dividendes en forte hausse et des rachats d’actions milliardaires ne soulèvent pas les cours du secteur bancaire?
Il y a bien sûr le fait que ces dividendes accrus et le retour des rachats d’actions étaient largement attendus depuis un bon moment déjà.
Les investisseurs ont l’habitude de devancer les nouvelles et d’encaisser des profits lorsqu’elles se matérialisent, comme le veut le dicton boursier «buy the rumor, sell the news».
«Ce jeu des anticipations a certainement joué un rôle, mais la Bourse vit aussi un mois chaotique qui a vu les investisseurs se déplacer des titres de valeur aux titres de croissance au jour le jour», explique Lilly Tzvetkova, gestionnaire, actions américaines, chez CWB Gestion de patrimoine,
Aussi, le secteur bancaire représenté par le fonds négocié en Bourse SDPR S&P Bank index (KBE, 51,66$ US) avait déjà grimpé de 78% depuis un an et de 25% depuis le début de l’année, en prévision justement de l’assouplissement des restrictions pandémiques.
James Fotheringham de BMO Marchés des capitaux propose même à ses clients de vendre les titres bancaires qu’ils jugent richement évalués sur une base historique.
«Les multiples d’évaluation de JPMorgan Chase & Co. et de Bank of America (BAC, 41,06$ US) sont au moins 30% plus élevés que leur moyenne historique en fonction des bénéfices prévus. La phase de réévaluation des grands groupes financiers est complétée. Les banques et les prêteurs spécialisés ont été réévalué à la hausse adéquatement. Le moment est venu de prendre ses profits», tranche cet analyste.
Le titre de Morgan Stanley a tellement monté que le rachat d’actions de 12 G$ US ajoute moins de 1% au bénéfice par action. L’impact pour Wells Fargo est aussi «négligeable», renchérit James Fotheringham.
Si le nouveau dividende de Morgan Stanley passe en tête du groupe, avec un rendement de 3,2%, celui de 1,7% de Wells Fargo reste modeste.
L’analyste est aussi déçu que JP Morgan, Bank of America, Citigroup (C, 70,88 $US) et Goldman Sachs (GS, 373,34 $US) n’aient pas chiffré leur futur rachat d’actions. Il faudra attendre les résultats du deuxième trimestre pour les connaître.
Quant à Capital One (COF, 154,62 $US), l’institution n’a dévoilé aucun plan de retour de capital bien que son surplus de capital représente 29% de sa valeur boursière, déplore l’analyste de BMO.
Le retour du capital récupère surtout l’année perdue
L’autre raison de l’indifférence apparente des investisseurs, à court terme tout au moins, tient au fait que les dividendes et les rachats rattrapent en quelque sorte une année perdue, sans changer la donne.
Le retour moyen de 9,1% du capital des banques en proportion de la valeur boursière, par le biais des dividendes et des rachats, reste inférieur à la barre de 11,4% de 2019.
Pour l’instant, les banques sont plutôt prudentes dans leurs pronostics. Plusieurs institutions ont prévenu que les revenus qu’elles tirent des marchés financiers se modéreront après un début d’année exceptionnel. D’autres ont signalé que la demande pour les prêts de la part de consommateurs est «tiède» alors que les dépôts sont bien garnis.
Le récent rétrécissement entre les taux à court et à long terme, qui compresse les marges d’intérêts des banques, n’offre pas de raison de relever les prévisions de bénéfices non plus.
Barry Schwartz, chef des investissements de Baskin Wealth Management ne partage pas le point de vue de James Fotheringham qu’il juge trop myope. «À mes yeux, les banques sont bien capitalisées, au moment où l’économie se déconfine ce qui devrait relever les taux. Dans une optique à plus long terme, l’évaluation de ces titres n’est pas chère», dit-il en entrevue en précisant que ses clients détiennent des actions de JP Morgan.
Lilly Tzvetkova croit aussi qu’il ne faut pas sauter aux conclusions parce que les titres ont peu réagi aux annonces de dividendes et aux rachats. «Il est vrai que titres avaient déjà fortement rebondi, mais c’est en bonne partie du rattrapage par rapport au marché. Les cours étaient à des niveaux très dépréciés il y a un an», rappelle la gestionnaire de Calgary.
Si la reprise cyclique se prolonge comme prévu, les banques les plus performantes pourront procurer encore de bons rendements en Bourse, ajoute la gestionnaire de portefeuille qui mise sur la qualité avec les titres de JPMorgan, Wells Fargo, Bank of America et les deux banques régionales M&T Bank (MTB, 145,85$US) et Bank OZK (OZK, 42,08$ US).
Comme c’est souvent le cas en Bourse, tout est une question de confiance et de visibilité.