La transition énergétique passe par la décarbonation. Et elle ne se réalisera pas sans l’apport des minières. Ce sont les mines qui fourniront les matières premières pour créer les énergies renouvelables et développer les technologies climatiques. (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. Les mines doivent se réinventer, car la pression qu’exerce la transition énergétique sur l’industrie minière provoque des bouleversements significatifs.
Les changements s’opèrent sur deux fronts : 1) la course aux minéraux stratégiques et 2) la décarbonation de l’industrie. Sans surprise, toute cette activité se déroule dans le contexte de la rareté et de la diversité de la main-d’œuvre.
Mon billet précédent s’intéressait aux minéraux stratégiques. Le présent texte examine les défis reliés à la décarbonation et aux ressources humaines. Des réflexions qui sont tirées de la 20e édition du rapport de PwC sur les 40 plus importantes minières de la planète.
Les grandes minières dans le monde appuient la transition énergétique.
Elles évoluent majoritairement dans des environnements chauds, secs et éloignés des grands centres urbains. À ce titre, elles sont souvent aux premières loges pour constater les dégâts des changements climatiques.
Le plus récent exemple étant les feux de forêt d’une ampleur inégalée, qui ont un impact direct sur les projets dans les régions affectées.
Dans la 26e enquête mondiale de PwC auprès des PDG, 35 % des dirigeants du secteur minier déclarent que leur entreprise sera fortement ou extrêmement exposée aux risques climatiques au cours des 5 prochaines années.
Le double impératif de la décarbonation
La transition énergétique passe par la décarbonation. Et elle ne se réalisera pas sans l’apport des minières. Ce sont les mines qui fourniront les matières premières pour créer les énergies renouvelables et développer les technologies climatiques.
Selon l’Agence internationale de l’énergie, pour atteindre les objectifs mondiaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), il faudra davantage de produits miniers.
Cela signifie donc plus d’acier pour les éoliennes, plus de cuivre pour les lignes de transmission et les composants électriques, plus de lithium pour les batteries ou plus de terres rares pour l’électronique.
Par conséquent, les sociétés minières sont confrontées à un double impératif : augmenter la production de minéraux conventionnels et critiques, tout en décarbonant leurs propres façons d’extraire, de raffiner et de produire.
À ce chapitre, force est de constater que l’empreinte carbone de secteur minier est majeure. Selon GlobalData, les procédés miniers représentent de 4 à 7 % des émissions mondiales de GES.
La bonne nouvelle, c’est que les technologies et les méthodes existantes peuvent décarboner une part importante des activités minières.
Mieux encore : ces mêmes technologies et méthodes peuvent s’appliquer à l’ensemble de la chaîne de valeur des mines et des métaux pour réaliser d’importantes économies de coûts.
Il est même réaliste d’entrevoir des opportunités de création de valeur.
Les outils de la décarbonation
Plus la recherche évolue, plus les minières et les transformateurs ont accès à une gamme de technologies et de procédés à faibles émissions pour accélérer la décarbonation.
Parmi les options les plus rentables figurent l’électrification, les procédés d’amélioration de l’efficacité (véhicules sans conducteur, intelligence artificielle, etc.), les énergies renouvelables (l’éolien et le solaire) et l’hydrogène, parfois produit sur place dans le contexte minier.
Tous ces changements exigent des capitaux souvent considérables.
Ce n’est pas encore une panacée, mais de plus en plus d’investisseurs délaissent les actifs liés aux combustibles fossiles pour injecter des capitaux dans des projets plus durables.
À l’échelle mondiale, la valeur du marché des obligations vertes est passée d’environ 150 milliards de dollars américains (198 G$ CA), en 2017, à 450 G$ US (594 G$ CA), en 2022.
Les analystes prévoient une augmentation de 30 % cette année.
Dans le contexte où les 40 principales minières de la planète cherchent à décarboner leurs activités et à agrandir leurs mines pour répondre aux futurs besoins mondiaux en minéraux, le capital durable pourrait très bien répondre à leurs besoins de financement.
Des talents (manquants) pour préparer l’avenir
La plupart des industries souffrent du manque de main-d’œuvre, mais la problématique est hors du commun dans l’industrie minière. De fait, de nombreux travailleurs ne veulent pas d’emplois miniers.
C’est encore plus marqué chez les jeunes travailleurs, ce qui n’arrange rien!
Une récente enquête de Youth Insights a montré que seulement 11 % des répondants de la génération Z souhaitent travailler dans l’industrie minière.
Un autre sondage du Conseil des ressources humaines de l’industrie minière du Canada révèle que 70 % des 15 à 30 ans n’envisagent probablement ou certainement pas une carrière dans le secteur minier, la proportion la plus élevée de toutes les industries de l’enquête.
Outre ces données d’ensemble, la main-d’œuvre des mines présente de larges écarts entre les sexes, avec moins de 10 % des postes opérationnels et 14 % des postes de direction occupés par des femmes.
Évidemment, les patrons en sont conscients.
Selon la 26e enquête de PwC auprès des PDG au Canada, près des deux tiers des dirigeants du secteur minier estiment que la pénurie de talents aura un impact important ou très important sur la rentabilité de leur société au cours des 10 prochaines années.
Modifier les perceptions
Les stratégies pour attirer les talents dans l’industrie minière ne seront pas simples, mais elles débuteront certainement par des efforts pour changer les perceptions du secteur.
Les travailleurs de l’industrie ne sont plus des mineurs avec des pioches et des pelles, et ils ne conduisent pas nécessairement de gros camions et des chargeuses à longueur de jour.
Parlant de gros camions, les modèles « transport autonome » en service dans le monde sont passés de 769 à 1 068 unités au cours de la dernière année, ce qui correspond à une augmentation de 39 %.
De fait, les minières recherchent des talents dans les technologies. Le problème, c’est qu’elles ne sont pas les seules : les entreprises de plusieurs secteurs veulent aussi embaucher ces talents.
L’autre difficulté des minières est reliée aux sites d’exploitation qui sont souvent éloignés des centres urbains.
À ce titre, 73 % des entreprises interrogées lors d’un sondage du Forum économique mondial font état de lacunes de compétences sur le marché du travail local, une situation qu’elles identifient comme le plus grand obstacle à l’adoption de nouvelles technologies.
Comme on le voit, la destination s’annonce plutôt positive pour les minières dans le contexte de la transition énergétique, mais le chemin pour y parvenir comporte son lot de défis.
Sur ce, bon été!