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ANALYSE. Peu d’histoires boursières québécoises ont été aussi ennuyeuses que celle de Power Corporation (POW, 26,60 $) depuis une dizaine d’années.
Pendant que l’investissement des actionnaires à long terme du conglomérat de la famille Desmarais a fait du surplace, la presse financière et les professionnels de l’investissement ont porté leur attention ailleurs.
Or, le mot commence à circuler à Bay Street que l’action de Power Corporation devient une aubaine difficile à ignorer. L’évaluation bon marché du titre (8,5 fois les prévisions de bénéfices des analystes pour les 12 prochains mois), le rendement du dividende de presque 7 % et la simplification de la structure du conglomérat ravivent l’optimisme des analystes pour la suite des choses.
Le principal argument du camp optimiste est l’écart croissant entre le cours du titre et sa valeur comptable. Graham Ryding, de Valeurs mobilières TD, estime que l’action s’échange 27,3 % sous sa valeur comptable. Il est normal qu’un conglomérat s’échange sous sa valeur comptable, car cette structure est plus complexe. L’aubaine est toutefois importante par rapport à l’écart moyen de 20,5 % des dix dernières années, souligne-t-il.
Par ricochet, le fait que le prix du titre est bas enfle le rendement du dividende, qui avoisine les 7 %. Un dividende élevé n’est pas nécessairement une bonne nouvelle en soi. Ce peut être le signal qu’il n’est plus viable, parlez-en aux actionnaires qui ont acheté des actions de Cominar (CUF-UN, 7,13 $) en 2017.
Nik Priebe, de Marchés mondiaux CIBC, juge toutefois que le dividende n’est pas à risque. «Il est soutenu par les dividendes prévisibles que Power reçoit de ses filiales et par ses liquidités», estime-t-il.
La société avait d’ailleurs 1,4 milliard de dollars en liquidités à la fin du trimestre, note Doug Young, de Desjardins Marché des capitaux. Un si grand coussin n’est pas nécessaire, selon lui, mais cette réserve démontre la prudence de la direction.
Une nouvelle stratégie
Power Corp. veut envoyer le message d’un changement de cap en rapatriant la Financière Power dans son giron en février dernier. Les frères Paul Desmarais Jr et André Desmarais ont quitté la direction (ils conservent leurs postes de président et de président délégué au conseil d’administration) et ont cédé les rênes du conglomérat au PDG de la Financière Power, Jeffrey Orr.
L’un des buts est de simplifier la structure du conglomérat afin de le rendre plus facile à évaluer et de réduire les coûts. Le plan de création de valeur comporte trois axes : une stratégie de croissance interne pour les principales filiales, les acquisitions et la simplification du conglomérat, résume Graham Ryding. La société veut aussi se concentrer sur les services financiers.
Malgré le regroupement, une partie des éléments qui ralentissaient la croissance de la société demeure. C’est le cas des activités de gestion de portefeuille à la Financière IGM (IGM, 33,01 $), dont Power détient 62,1 %, note Rajiv Bhatia, de Morningstar. La filiale chapeaute les firmes IG Gestion de patrimoine et Placements Mackenzie. La concurrence des fonds négociés en Bourse (FNB) indiciels représente un grand défi pour l’industrie de la gestion de patrimoine. «Nous avons été peu impressionnés par la filiale depuis la crise financière», commente l’analyste.
Une «bonne part» des bénéfices de Power Corporation proviendront encore de sa participation de 66,9 % dans l’assureur Great-West (GWO, 26,38 $), poursuit Rajiv Bhatia. L’analyste de Morningstar juge que la Great-West est la mieux gérée parmi les trois grands assureurs canadiens, avec un rendement des capitaux propres de 14 % en moyenne au cours des cinq dernières années. «L’assurance-vie demeure peu différenciée d’une société à l’autre, nous ne nous attendons pas à de forts rendements. L’évaluation disciplinée des risques et la gestion serrée des dépenses permettent à l’assureur d’afficher de bons résultats.»
L’avenir dira si la stratégie de Power Corporation réussira à la faire sortir de sa léthargie. Le rendement du dividende à presque 7 % offre toutefois un prix de consolation, si l’histoire demeure ennuyeuse.