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Prédire pour mieux réduire

Simon Lord|Édition de la mi‑janvier 2019

Prédire pour mieux réduire

Grâce à l’intelligence artificielle, des données météorologiques pourraient être couplées à des algorithmes pour ajuster les systèmes de chauffage, de climatisation et de ventilation des bâtiments en fonction de la température prévue pour les heures à venir. [Photos : 123RF]

Les bâtiments sont toujours plus complexes et leurs systèmes de contrôle produisent une quantité astronomique de données. Celles-ci sont toutefois rarement utilisées à leur plein potentiel – une mine d’or inexploitée. L’intelligence artificielle promet maintenant de les rentabiliser.

« En aidant l’équipe d’exploitation à régler les anomalies et à améliorer le fonctionnement des composantes du bâtiment, l’intelligence artificielle permettra d’améliorer son efficacité énergétique », dit Stéphan Gagnon, le coordonnateur du service d’accompagnement en transition énergétique chez Transition énergétique Québec.

Pour le moment, les équipes d’exploitation n’utilisent qu’une faible proportion des données disponibles, se laissant guider par leur expérience et leur degré d’expertise, afin de déceler des anomalies dans le fonctionnement des composantes du bâtiment ou encore pour améliorer celui-ci. D’ici quelques années, par contre, l’intelligence artificielle devrait permettre de faire ressortir automatiquement les données les plus pertinentes, de détecter les anomalies et même de proposer des solutions ou des améliorations.

Un exemple ? Les données météorologiques en temps réel pourraient être couplées à des algorithmes pour ajuster les systèmes du bâtiment en fonction de la température prévue pour les heures à venir, illustre M. Gagnon. Plutôt que de démarrer le chauffage à 5 h tous les matins durant l’hiver pour assurer une température de 22 °C à l’arrivée des employés vers 8 h, l’algorithme pourra repousser le démarrage à 5 h 30, 6 h 30 ou 7 h, selon les prévisions météorologiques.

Diminuer les inefficacités

Les systèmes des bâtiments, notamment ceux de chauffage, de climatisation et de ventilation, sont notoirement énergivores. Si cela est en partie normal considérant la nature de leur fonction, ces systèmes présentent aussi souvent des anomalies qui augmentent leur consommation, explique Stanislaw Kajl, un professeur au département de génie mécanique de l’ÉTS qui s’intéresse à l’application de l’intelligence artificielle aux systèmes de contrôle des bâtiments.

« Sur notre campus, par exemple, le système de refroidissement requiert un appel de puissance de peut-être 0,5 mégawatt en plein été, au maximum, dit-il. Sauf que parfois, nous réalisons que cette machine fonctionne toute la nuit sans raison, ou que les ventilateurs qui acheminent l’air qu’elle produit continuent de tourner même quand elle est éteinte. »

Ces inefficacités ne sont pourtant pas le résultat d’une mauvaise gestion de l’énergie, explique M. Kajl. Le campus de l’ÉTS est 64 % plus performant que la moyenne québécoise du point de vue énergétique, et se positionne parmi les meilleures universités en Amérique du Nord à ce chapitre. De telles anomalies sont simplement relativement courantes.

« L’intelligence artificielle permettra bientôt de surveiller en continu les anomalies pour les réduire, dit Stanislaw Kajl. En somme, je crois que l’on pourrait réaliser ainsi des économies d’énergie de 10 %, selon la taille et la complexité des systèmes. »

Nouveaux outils, nouvelles économies

Si la question de l’intelligence artificielle intégrée aux bâtiments intéresse pour le moment davantage les chercheurs que le milieu des affaires, certains outils et logiciels commencent à apparaître.

Maxen, par exemple, est une start-up montréalaise fondée en 2016 qui développe actuellement des logiciels infonuagiques. Ceux-ci se connectent à distance aux systèmes de gestion des immeubles (ou Building Management Systems) pour collecter et analyser les données du bâtiment. Grâce à l’intelligence artificielle, les logiciels de l’entreprise optimisent ensuite automatiquement le contrôle du chauffage et de la climatisation en vue d’améliorer l’empreinte environnementale et l’efficacité énergétique de l’immeuble.

« Les gestionnaires d’immeubles ont beaucoup d’enjeux à s’occuper. Analyser leurs données massives est rarement leur premier réflexe », dit Samuel Nadeau-Piuze, le fondateur et PDG de Maxen. C’est sans compter qu’ils n’ont pas toujours les outils et les infrastructures informatiques pour le faire à l’interne.

« Nous réalisons par ailleurs qu’il y a depuis quelques années une grande mode des bâtiments connectés, et qu’aujourd’hui, plusieurs d’entre eux sont effectivement dotés de capteurs, sauf que les données restent souvent inexploitées », dit M. Nadeau-Piuze. Maxen vise maintenant à faire l’analyse des informations déjà existante, sans installer de capteurs supplémentaires.

Quels sont les gains potentiels réalisables ? Maxen affirme que sa technologie permet de réaliser des économies d’énergie de 10 % à 20 % pour le système de climatisation, chauffage et ventilation. Pour un immeuble de sept étages et de 10 000 mètres carrés, cela correspond à l’énergie utilisée par 130 voitures électriques, ou 15 tonnes de CO2.

Faire travailler ses neurones

Richard Gagnon, un conseiller et analyste en efficacité énergétique et énergies renouvelables chez Transition énergétique Québec, explique qu’il est désormais facile d’obtenir de l’information sur l’appréciation du confort des occupants d’un bâtiment en utilisant l’Internet des objets et les téléphones intelligents.

« En utilisant ces données, on peut entraîner un réseau de neurones qui arrive à prédire le degré de confort dans une zone, par exemple, ou la consommation énergétique d’un équipement », dit-il. Ce réseau peut ensuite servir à faire du contrôle prédictif et à optimiser la consommation énergétique et le confort des occupants.

Marcel Macarulla, un chercheur espagnol, a par exemple démontré que l’utilisation de réseaux de neurones, combinée à une stratégie de contrôle prédictif, permet de réduire la consommation énergétique d’une chaudière à gaz de 20 % sans compromettre le confort des occupants.

« Dans l’avenir, les agendas des occupants pourraient même être connectés au système de contrôle, anticipe M. Gagnon. En connaissant et en anticipant l’occupation des locaux, il devient beaucoup plus facile d’optimiser l’opération des systèmes. »

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