Première: Concordia se lance dans l’investissement d’impact
Diane Bérard|Mis à jour le 11 juillet 2024Les étudiants de Concordia pourront effectuer des stages dans les entreprises d'impact où l'université investira. (Photo: courtoisie)
La Fondation de l’Université Concordia (FUC), responsable de tous les placements de cette maison d’enseignement (sauf ceux de la caisse de retraite) revoit présentement sa politique de placement pour l’arrimer aux principes de la finance durable.
Ce virage fait suite à la signature des PRI (Principles for Responsible Investment) des Nations Unies, en 2018. En signant les PRI, la FUC s’engage à évaluer ses investissements à travers le filtre ESG, soit environnemental, social et de gouvernance.
En matière de finance durable, Condordia ne compte pas se limiter à l’investissement responsable, soit celui qui respecte les critères ESG.
L’université entend aussi réaliser des investissements d’impact.
Cette fois, on ne se contente pas à monitorer les performances ESG d’une organisation. L’investisseur d’impact, quant à lui, cherche des organisations dont l’intention de départ est de générer un impact social ou environnemental positif, en s’attaquant à un enjeu sociétal. Cet impact est donc le fruit des activités quotidiennes de l’entreprise et non pas un bénéfice indirect.
Pour son virage vers la finance durable, Concordia compte lancer de nouveaux fonds. L’un d’eux est orienté vers un horizon à long terme. Le CA de Concordia a voté qu’entre 0% et 10% des actifs de ce fonds seraient constitués d’investissements d’impact. «Ma cible est 5%», souligne Marc Gauthier, trésorier et chef de placement de l’Université Concordia.
Aujourd’hui (16 avril) dévoile son premier investissement d’impact, réalisé en partenariat avec Inergys Ventures, un fonds montréalais spécialisé en technologie propre. FUC investira dans trois entreprises. Cet investissement s’élève à 1,2M$. Chaque entreprise bénéficiera de 400 000$.
Voici les trois entreprises qui bénéficieront du premier investissement d’impact de Concordia.
AESP Énergie verte, de Montréal, existe depuis 2013. Elle approvisionne en énergie solaire les habitants de l’Afrique subsaharienne qui ne sont pas desservis par le réseau électrique. C’est un marché de 600 millions personnes. AESP compte aussi combler les besoins de 250 millions de citoyens de l’Inde et de l’Asie du Sud-est avec sa technologie. Cette technologie consiste en une cabine, installée au centre du village. On peut recharger ses batteries, son portable et accomplir plusieurs autres tâches. « Ce projet nous plaît parce qu’il comporte un aspect d’autonomisation, explique Marc Gauthier, trésorier et chef du placement pour l’université Concordia. Le modèle d’affaires repose sur des franchises locales, donc un transfert d’expertise et une création d’emplois.»
Stillgood intervient pour réduire le gaspillage alimentaire et favoriser la sécurité alimentaire. Cette entreprise de Montréal récupère chez des entreprises locales des ingrédients en surplus qui seraient jetés et les transforme en collations santé et protéinés tel des biscuits à la pulpe de carotte et au grain de malt et des carrés croustillants à la pulpe de betterave et au grain de malt. Ces produits sont distribués, entre autres, par les Fermes Lufa et quelques épiceries. Stillgood Foods s’inscrit dans la démarche de l’économie circulaire.
Goliath Wind souhaite démocratiser le recours à l’énergie éolienne. Pour l’instant, cinq grandes sociétés se partagent le marché. Elles peuvent donc imposer leurs conditions aux clients. Du coup, certains groupes, les petits agriculteurs, par exemple, ont besoin d’une aide financière pour profiter de cette énergie. Goliath Wind a conçu une éolienne dont le coût de production est la moitié de celui des cinq manufacturiers. Créée en Estonie, en 2008, Goliath Wind compte développer des activités à Montréal.
Ces trois investissements d’impact ont été réalisés par l’entremise d’Inergys Ventures. Toutefois, la FUC n’écarte pas la possibilité d’effectuer des placements directs dans des entreprises. «Depuis un an, je rencontre plusieurs entreprises et de fonds, explique Marc Gauthier. J’apprends beaucoup sur l’univers de la finance durable et du développement durable.»
On peut parler d’une courbe d’apprentissage rapide. En 2018, Concordia signe les PRI. En 2019, en plus de mettre l’orteil dans l’investissement d’impact, elle est la première université canadienne à se financer par l’entremise d’obligations durables.
En effet, comme je vous l’ai raconté dans cet article du 11 février, l’Université Concordia a créé un précédent pour financer son incubateur de recherche en sciences appliquées (Science Hub): elle a émis des obligations vertes et durables (20 ans, 3,626%). C’est Marc Gauthier qui a développé ces obligations vertes et durables.
Ces obligations sont vertes parce qu’elles financent un édifice certifié LEED, 35% plus efficient au plan énergétique que les édifices précédents. Elles sont durables parce que les activités menées à l’intérieur de cet édifice contribueront à l’atteinte de 3/17 des objectifs de développement durable (ODD) établis par les Nations-Unies en septembre 2015. Le savoir des chercheurs contribue à:
– développer des formes d’énergie propres à un coût abordable (#7);
-bâtir une infrastructure résiliente et à promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourage l’innovation (#9);
-la lutte aux changements climatiques (#13).
Les obligations vertes et durables et l’investissement d’impact de 1,2M$ s’inscrivent dans une stratégie plus vaste
«Ces outils font partie intégrante de notre stratégie de développement durable (DD)», dit Marc Gauthier.
Les entreprises ont longtemps approché le DD par silos. C’est souvent un concept rattaché aux opérations. Tranquillement, on réalise que toutes les activités d’une entreprise contribuent à l’empreinte environnementale et sociale de l’entreprise sur la société.
«Nous travaillons pour intégrer le développement durable dans nos quatre piliers: les opérations, les activités académiques, les placements (investissement responsable et investissement d’impact) et le financement (obligations vertes et durables) », explique le chef du placement de l’Université Concordia.
Chaque secteur a ses enjeux et ses occasions d’affaires particulières liées au développement durable.
Une université c’est d’abord une communauté d’étudiants que l’on prépare à leur future contribution à la société. «Nous allons donc profiter de nos investissements d’impact pour exposer nos étudiants et nos professeurs à ces entreprises qui explorent des solutions de marchés pour résoudre les enjeux sociétaux. Les entreprises où nous investirons deviendront des lieux de stages pour nos étudiants et des objets de recherche pour notre personnel académique», conclut Marc Gauthier.