Prix des aliments: un délicat exercice pour freiner l’inflation
Sylvie Cloutier|Publié le 07 juin 2022Selon Statistique Canada, le prix des aliments en épicerie a augmenté de 9,7 % entre avril 2021 et avril 2022, soit la plus importante flambée des prix observée dans l’alimentation depuis septembre 1981. (Photo: ndr pour Unsplash)
Nous sommes actuellement bombardés d’informations sur la hausse des prix à la consommation qui font augmenter notre niveau de stress à la même fréquence.
Les dynamiques économiques ont une vie propre qui mène la vie dure aux consommateurs que nous sommes. Force est de constater cependant que la hausse des prix, si elle est généralisée, est particulièrement forte pour les aliments.
Et cette tendance ne semble pas fléchir dans un horizon à court ou moyen terme.
Depuis quelque temps, les nombreux articles et témoignages qui sont publiés sur l’inflation nous étourdissent surtout quand on parle du prix de l’essence ou des aliments.
Quand Statistiques Canada confirme une augmentation du prix des aliments en épicerie de 9,7 % entre avril 2021 et avril 2022 (la plus importante flambée des prix observée dans l’alimentation depuis septembre 1981), cette statistique percutante ne nous donne pourtant pas un portrait réel et complet de l’ampleur de la problématique actuelle, surtout pour l’industrie alimentaire.
Je discutais récemment avec un groupe d’entrepreneurs du secteur de la boulangerie-pâtisserie. Ils m’ont confié leur vive inquiétude face à cette hausse des prix qui affecte tout le domaine de la transformation alimentaire et de ses conséquences, et ce, au Québec et au Canada.
Voici quelques données (Groupe Prestige, regroupement d’achats qui réunit des PME du secteur de la transformation alimentaire en boulangerie, pâtisserie, confiserie et autres domaines connexes) sur des intrants utilisés dans la fabrication d’aliments qui vous permettront de visualiser les hausses de prix de ces 16 derniers mois, de janvier 2021 à avril 2022 :
- Farine + 80 %
- Shortening d’huile végétale + 130 %
- Huile de canola + 115 %
- Sucre + 23 %
- Levure + 35 %
- Beurre + 50 % (prix du secteur industriel)
- Crème + 45 % (prix du secteur industriel)
- Œufs + 75 % (incluant les retombées de la grippe aviaire)
- Emballages divers + 25 % à 35 %
- Pétrole (Distribution/transport) + 100 %
- Gaz naturel (cuisson, séchage) + 215 %
La liste est éloquente! C’est sans compter les problématiques de main-d’œuvre, de bris dans la chaîne d’approvisionnement, de certaines matières non disponibles ou carrément discontinuées, etc., etc.
Ces deux dernières années, la planète a été prise à partie dans une gestion de la pandémie qui a entraîné des conséquences extrêmement sérieuses sur notre économie, conséquences dont on commence à peine à réaliser les effets à long terme.
La guerre en Ukraine ajoute à la problématique et, comme je le mentionnais dans mon blogue de novembre dernier, une famine pointe le nez.
Insécurité alimentaire: 193 millions de personnes à risque
La FAO (un organisme relevant de l’Organisation des Nations unies) le confirme maintenant : 193 millions de personnes dans 53 pays d’Afrique, du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud-est, sont confrontées à une insécurité alimentaire critique.
Le nombre de Canadiens qui fréquentent les banques alimentaires est en forte hausse, et nous devons être généreux et vigilants.
La semaine dernière, la Banque du Canada prévoyait que son taux directeur pourrait augmenter jusqu’à 3 % d’ici la fin de l’année.
Il est clair que, pour la famille moyenne au Canada, dont l’endettement a atteint récemment un niveau record et qui consacre un pourcentage important de son budget à son logement et à l’énergie (au Canada, c’était en moyenne 11 % en 2020, mais 15 % pour les ménages à faible revenu), les impacts de cette hausse seront ressentis beaucoup plus lourdement dans son budget hebdomadaire alimentaire.
Avec tous ces enjeux, certains évoquent des mesures protectionnistes afin de garder nos grains, nos céréales, nos viandes, à l’instar de l’Indonésie pour son huile de palme, de l’Inde pour son blé, et offrir à nos concitoyens une plus grande sécurité alimentaire et aussi contrôler les coûts des aliments pour notre propre population.
Mais à quel prix?
Est-ce que le Canada sera tenté par la vente à prix très élevé de certaines ressources fortement en demande sur la planète au détriment de l’approvisionnement et de la stabilité économique de sa population?
Nous sommes face à un délicat exercice d’équilibre puisque chaque province canadienne est riche de sa production et que nos exportations représentent des revenus substantiels au pays.
Par exemple, en 2021, la valeur totale des exportations internationales de produits bioalimentaires, pour le Québec seulement, s’élevait à plus de 10,3 milliards de dollars (G$).
Il s’agit d’une crise mondiale, mais si on essayait d’avancer des solutions régionales comme encourager davantage l’achat local ou encore abaisser les taxes d’accise sur le carburant?
Comment les gouvernements peuvent-ils aider leurs citoyens à faire face à cette très importante inflation sans nous plonger dans une récession?
Il faut se pencher sur des propositions à court terme et qui auront des impacts positifs durables.
Ces propositions devront préserver une économie forte, saine et concurrentielle, en s’assurant que les consommateurs ne soient pas plus durement impactés qu’ils ne le sont déjà.