Le vieillissement de la population touche aussi les dirigeants d’entreprises qui, passés la soixantaine, hésitent davantage à puiser dans ce qui constitue leur fonds de retraite afin d’investir. (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. On connaît trop bien le refrain: le Québec, tout comme l’ensemble du Canada, fait piètre figure en matière de productivité. Et ce, malheureusement, depuis maintenant plusieurs années. La première sous-gouverneure de la Banque du Canada, Carolyn Rogers, s’en est même inquiétée récemment. Avec raison, d’ailleurs: le problème de productivité au pays perdure en effet depuis trop longtemps déjà.
Depuis 2019, le Canada a enregistré le plus faible rythme de croissance de productivité parmi les pays du G7. Cette piètre performance est même pire que celle déjà peu reluisante affichée entre 2009 et 2019. En fait, la productivité au Canada a fortement reculé par rapport à ces pays au cours des quatre dernières décennies. Seule la productivité de l’Italie a régressé plus que la nôtre au sein du G7 au cours de cette période.
Aujourd’hui, la productivité canadienne est 28% plus faible que celle des États-Unis, et 18% plus faible que la moyenne des pays du G7. La productivité au Canada est non seulement très basse, elle ne va pas non plus dans la bonne direction. Il faut agir, soulignait encore Carolyn Rogers, faisant ainsi écho à un souhait maintes fois répété par de nombreux spécialistes au cours des dernières décennies.
Un problème chronique
Cette situation peu enviable est principalement attribuable à la faiblesse des investissements de la part des entreprises. Et ce problème ne date évidemment pas d’hier, comme le rappelait aussi Carolyn Rogers. Les entreprises d’ici accusent un retard chronique depuis au moins 50 ans, par rapport aux entreprises américaines, en ce qui a trait aux dépenses d’investissement par travailleur. Le problème s’est même accentué au cours de la dernière décennie. Aujourd’hui, les investissements des entreprises par employé au Canada sont inférieurs de 41% à ceux observés aux États-Unis.
La taille des entreprises est souvent invoquée pour expliquer l’écart de productivité avec les États-Unis ou d’autres pays. Les plus petites sociétés, qui peuvent moins tirer avantage des économies d’échelle dont profitent les plus grandes entreprises, investissent généralement moins. Le faible niveau de concurrence, attribuable entre autres au manque de nouvelles entreprises, n’incite pas non plus les entreprises à investir pour améliorer leur productivité et leur compétitivité.
Des entreprises de plus grande valeur
Autre raison: le vieillissement de la population touche aussi les dirigeants d’entreprises qui, passés la soixantaine, hésitent davantage à puiser dans ce qui constitue leur fonds de retraite afin d’investir. Or, ils ne réalisent pas que, par manque d’investissement, la valeur de leur entreprise et, par conséquent de leur fonds de retraite, sera aussi bien moindre lorsque viendra le temps de passer le flambeau.
La faible productivité a aussi pour effet de limiter la croissance et la profitabilité des entreprises. En étant moins efficaces, les entreprises laissent ainsi beaucoup d’argent sur la table. En faisant moins de profits, elles ont moins d’argent pour investir. En investissant moins, elles n’augmentent pas leur productivité ni leurs profits. C’est un cercle vicieux.
On ne saurait donc trop rappeler l’importance d’investir en machineries, en équipements et en technologies pour améliorer l’efficacité et la production dans les entreprises. Car, faut-il le rappeler, accroître la productivité ne veut évidemment pas dire qu’il faut travailler plus fort ou plus longtemps pour produire davantage.
Le Québec a la chance d’être un leader mondial en matière d’intelligence artificielle (IA) et de compter sur l’une des sommités dans ce domaine. Pourtant, les entreprises québécoises et canadiennes sont aussi à la traîne quant à l’intégration de l’IA dans leurs processus de gestion et de production.
L’amélioration de la productivité est non seulement bénéfique pour les entreprises, mais aussi pour l’ensemble de l’économie et la Banque du Canada. Une économie plus productive peut mieux croître sans provoquer d’inflation. D’où l’intérêt, pour la Banque du Canada qui lutte depuis quatre ans pour réduire l’inflation, de sonner aussi l’alarme et espérer, qu’enfin, les entreprises entendent le message.
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