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Pierre-Olivier Pineau

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Expert(e) invité(e)

Projet de loi Fitzgibbon: deux pas en avant, un saut sur le côté

Pierre-Olivier Pineau|Mis à jour le 18 juin 2024

Projet de loi Fitzgibbon: deux pas en avant, un saut sur le côté

Jeudi, le ministre de l’Énergie, Pierre Fiztgibbon, a déposé le projet de loi 69 «assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques». (Photo: La Presse canadienne)

EXPERT INVITÉ. Après une trop longue attente, le ministre de l’Énergie, Pierre Fiztgibbon, a déposé jeudi le projet de loi 69 «assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques». Si le nom est saugrenu (nous y reviendrons), le projet de loi présente deux avancées importantes.

Commençons par le premier pas, soit le Plan de gestion intégré des ressources énergétiques (PGIRE).

La transformation du système énergétique québécois pour en exclure les hydrocarbures demande une feuille de route beaucoup plus explicite que ce que nous avons. Ces hydrocarbures sont responsables d’environ 70 % de nos gaz à effet de serre (GES) et nous coûtent autour de 15 milliards par année en importations.

Nous brûlons quasi littéralement de l’argent pour polluer!

Pour sortir de notre dépendance au pétrole, principal hydrocarbure consommé, il faut donc pouvoir planifier les alternatives.

Le PGIRE envisagé va enfin permettre de considérer toutes les alternatives possibles et de faire des choix plus éclairés entre les options qui s’offrent à nous.

Ce plan devra évaluer les coûts de plus de production, les efforts de moins de consommation, la place du gaz naturel renouvelable (GNR) et des biocombustibles – pour établir notre trajectoire de décarbonation.

Sans plan, il est difficile d’atteindre nos objectifs de transition énergétique.

C’est donc une très bonne nouvelle que le gouvernement annonce, enfin, son intention de préparer ce plan. Il le fera en s’adjoignant Hydro-Québec et Énergir, en plus de promettre de consulter la population.

 

Recentrage du rôle de la Régie de l’énergie

Le deuxième pas en avant est la clarification du rôle de la Régie de l’énergie.

La transition énergétique entre enfin dans la mission de la Régie, et celle-ci se voit dotée d’un nouveau rôle d’information des consommateurs.

La prise en compte de la transition énergétique dans les activités de la Régie lui permettra de mieux soutenir la production et la vente de gaz naturel renouvelable. Des options tarifaires afin de mieux gérer la consommation d’électricité dans les périodes de pointe devront aussi être déployées.

Alors que le gouvernement avait fait passer la loi 34 en 2019 pour indexer les tarifs d’électricité à l’inflation – et éviter des causes tarifaires annuelles –, il était revenu à la fin 2022 sur ce choix en plafonnant les hausses tarifaires résidentielles à 3 %.

Le projet de loi actuel fait revenir la Régie à une évaluation tarifaire plus fréquente: tous les trois ans.

Les tarifs pourront évoluer selon la réalité des coûts d’Hydro-Québec, et non plus uniquement l’inflation.

C’est une bonne chose parce que l’inflation ne reflète pas forcément les coûts de la transition énergétique pour Hydro-Québec et ses clients.

Un petit tour de magie a cependant été prévu par le gouvernement pour maintenir la promesse du maximum de 3 % d’augmentation pour les clients résidentiels, sans freiner Hydro-Québec dans ses investissements.

C’est la création du Fonds d’aide à la clientèle domestique d’Hydro-Québec.

Au lieu de faire pleinement payer les clients résidentiels pour leur consommation, le gouvernement va prendre de l’argent des contribuables, ou augmenter la dette du Québec, afin de combler la différence entre la hausse tarifaire de 3 % et l’augmentation plus importante qu’il y aurait dû y avoir sans le plafond de 3 %.

C’est le truc du magicien qui fait disparaitre une pièce de 2$ et la fait réapparaitre dans l’oreille de son lapin.

 

Saut sur le côté: gouvernance en déclin

Pour accélérer le rythme de la transition, le projet de loi propose des modifications risquées.

Tout d’abord, le ministre de l’Énergie se donne la responsabilité de «stimuler et promouvoir la production d’énergie» et de «favoriser le développement d’Hydro-Québec».

Pas de nouvelles responsabilités cependant sur l’efficacité énergétique ou la réduction de la consommation.

De plus, Hydro-Québec n’est plus obligée de faire des appels d’offres pour ses projets de nouveaux approvisionnements. Elle n’a qu’à faire autoriser les contrats qu’elle souhaite par la Régie de l’énergie.

En revanche, la Régie pourrait avoir moins de capacité à jeter un œil sur ces contrats… parce que le nombre de régisseurs qui devait avant être de 12 doit maintenant être «d’au plus 12».

Possiblement moins d’yeux pour observer, alors que d’immenses investissements seront faits.

Le conseil d’administration d’Hydro-Québec, une instance d’apparat, mais qui est néanmoins indépendante, se trouve aussi amputé.

Le projet de loi le fait passer de 17 membres à simplement 9 à 13. Encore une fois, moins d’yeux pour regarder et possiblement voir d’autres tours de magie.

En somme, si le projet de loi fait progresser le Québec, il n’est pas du tout clair de comprendre en quoi il permet d’assurer une gouvernance plus responsable des ressources énergétiques.

Il sera possible pour le gouvernement d’améliorer ce projet loi lors des consultations qui auront lieu cet été ou cet automne.

Préparons-nous à demander des améliorations.