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Projet Onimiki: le dépôt de candidature doit être reporté

Le courrier des lecteurs|Publié le 22 juin 2022

Projet Onimiki: le dépôt de candidature doit être reporté

(Photo: Art Wall pour Unsplash)

Un texte de Louis Riopel, VP de Les amis de la rivière Kipawa, Pierre Cartier, président de l’Organisme de bassin versant du Témiscamingue, Norman Young, maire de Kipawa, Jacinthe Châteauvert, présidente du Conseil régional de l’environnement de l’Abitibi-Témiscamingue et Camilla Arbour, responsable de l’Association des riverains du lac Tee et du Moulin 

COURRIER DES LECTEURS. Deux mois après la publication d’un communiqué conjoint produit par Les Amis de la rivière Kipawa (LARK), l’Association des riverains des lacs Tee et du Moulin (ARLT), appuyés par l’Organisme de bassin versant du Témiscamingue (OBVT), ainsi que le Conseil régional de l’environnement de l’Abitibi-Témiscamingue (CREAT), les acteurs environnementaux concernés par le projet Onimiki demandent aujourd’hui aux promoteurs du projet Onimiki de reporter le dépôt du projet prévu à l’appel d’offres d’Hydro-Québec pour l’acquisition de 480 MW d’énergie renouvelable, dont l’échéance tombe le 21 juillet 2022. À ces acteurs environnementaux, s’ajoute maintenant la municipalité de Kipawa. 

Le lac Kipawa a la particularité d’avoir deux exutoires, soit l’exutoire naturel qui est la rivière Kipawa au nord, et le ruisseau Gordon, un exutoire artificiel, dans la municipalité de Kipawa. Bien que la modélisation des débits des rivières ne soit pas complétée, il nous semble inévitable qu’une partie du débit de la rivière Kipawa sera détournée vers le ruisseau Gordon. Toutefois, considérant qu’il n’y a pas eu de consultation publique et qu’aucune donnée concrète n’a été diffusée, les acteurs environnementaux s’inquiètent des répercussions sur le débit de la rivière Kipawa, qui coule dans un parc national d’Opémican. À l’inverse, un débit possiblement triplé dans le ruisseau Gordon comporte également son lot de préoccupations.

 

Historique du projet et des communications 

Le projet Onimiki, élaboré depuis plus de 20 ans, a connu plusieurs formulations. Sa version actuelle turbinerait les eaux de la rivière Kipawa par un détournement vers le ruisseau Gordon, produisant par deux centrales une quantité d’énergie estimée à 42 MW. Les détails du projet sont cependant difficiles à obtenir et, considérant l’échéance prochaine de l’appel d’offres d’Hydro-Québec et le manque d’échange avec les promoteurs du projet Onimiki, divers acteurs du territoire ont soumis fin 2021 une liste de préoccupations préliminaires en lien avec le projet. 

Puis, un communiqué a été envoyé le 6 mai dernier, exprimant de graves préoccupations au sujet du processus d’élaboration du projet, et de ses impacts potentiels. Une demande a également été adressée aux promoteurs du projet pour tenir une rencontre afin d’adresser les préoccupations. Aucune des deux communautés autochtones locales faisant partie des promoteurs n’a confirmé la réception de la demande. Quant à la MRCT, elle a répondu qu’elle donnerait suite à notre demande, réponse finalement obtenue plus de 6 semaines après la demande.

 

Candidature incomplète 

Les groupes environnementaux et la municipalité de Kipawa ne comprennent pas que les promoteurs souhaitent déposer leur projet alors que de nombreuses données sont encore indisponibles. Ils déplorent également d’apprendre les étapes du projet Onimiki seulement au travers des médias. Mme Claire Bolduc, préfète de la MRCT et agente de projet pour Onimiki, a souligné en entrevue à Radio-Canada le 18 mai dernier que l’évaluation environnementale du projet avait débuté récemment, suite à l’adoption d’un budget de 75k$ fraîchement octroyé par le conseil des maires. Des études sur le terrain auraient ensuite eu lieu dans le secteur du lac Tee pour évaluer la présence de tortues. Une équipe de biologistes s’est également présentée dans le secteur de Laniel afin de faire des relevés par drone. 

La plupart des études environnementales prennent entre un an et trois ans pour être réalisées. Dans le cadre du présent projet, les promoteurs déposeront un projet moins de deux mois après le début des études environnementales. Les acteurs du territoire sont convaincus que si une entreprise privée, qui souhaite développer un projet d’exploitation au Témiscamingue avait la même approche que les promoteurs du projet Onimiki, la MRCT trouverait cela inapproprié.  

 

Absence de concertation locale 

On peut encore lire sur le site Internet du projet Onimiki que «dans le cadre de la préparation de cette étude, les partenaires s’engagent à lancer une démarche volontaire et structurée de consultations visant à informer les communautés locales et surtout à considérer les préoccupations soulevées dans les études et la définition finale du projet. » Pourtant, à ce jour, aucune consultation publique n’a été réalisée, aucune séance d’information n’a été offerte et les préoccupations soulevées par les citoyens, élus et groupes environnementaux demeurent très largement sans réponse depuis plus d’un an déjà. Les acteurs se demandent comment les promoteurs peuvent affirmer (toujours selon le site Internet du projet) que le projet « respecte les critères les plus élevés en matière d’environnement et d’acceptabilité sociale » si personne n’a été consulté. Il est à déplorer que la MRCT avait prévu des consultations publiques en ligne sur le projet Onimiki dès 2020, mais cette démarche démocratique et nécessaire n’ait jamais eu lieu.

 

Éviter la situation vécue à Val-Jalbert 

Les groupes environnementaux sont très inquiets également que la MRC du Témiscamingue ait choisi de procéder à l’embauche de la société autochtone Pek (Pekuakamiulnuatsh Takuhikan) en raison de son expertise développée dans le dossier de la Centrale hydroélectrique à Val-Jalbert. Dans le cadre de l’évaluation du BAPE du projet Val-Jalbert, 73 % des 35 mémoires déposés mentionnaient des appréhensions et une opposition au projet, ce qui n’a pas empêché la réalisation du projet. Aujourd’hui, un débit esthétique seulement est conservé dans la rivière Ouiatchouan. La majestueuse chute de cette rivière ne coule plus qu’à la moitié de son débit normal lors des heures d’ouverture du site touristique, et son débit écologique respecté aujourd’hui est de seulement 2 % du débit moyen de la rivière, un débit accepté sans expertise ni contre-expertise, le promoteur ayant refusé de dévoiler ces chiffres en audience du BAPE. Quelle garantie avons-nous que la rivière Kipawa, un joyau naturel régional qui figure sur nos billets de 10 $, ne connaîtra pas le même sort ?

 

Incompatibilité avec le parc national d’Opémican

Enfin, les acteurs environnementaux aimeraient soulever l’incompatibilité du projet Onimiki avec le plan de conservation du parc national d’Opémican alors que la conservation demeure la mission première du parc. Les audiences publiques du BAPE tenues en 2012 ont mené à la création du parc national d’Opémican alors qu’une majorité de la population locale avait manifesté le désir de protéger ce territoire exceptionnel. À l’égard du fiasco de Val-Jalbert, les appréhensions des répercussions possibles sur la rivière Kipawa sont nombreuses. Le potentiel récréotouristique de la rivière Kipawa et du parc national d’Opémican serait certainement affecté, ainsi que la perte d’habitats et/ou de milieux humides pour la faune et la flore sur ce territoire théoriquement protégé.

 

Demande énergétique régionale à la baisse 

Le 13 juin dernier, Hydro-Québec annonçait qu’elle suspendait un projet de renforcement de plus de 600 millions de dollars du réseau de transport à 315 kilovolts (kV), constatant que la demande énergétique régionale n’est pas à la hausse, mais plutôt à la baisse. La production hydroélectrique au sud du Témiscamingue est-elle nécessaire? 

À la lumière des éléments mentionnés ci-haut, Les Amis de la rivière Kipawa (LARK), l’Association des riverains des lacs Tee et du Moulin (ARLT), l’Organisme de bassin versant du Témiscamingue (OBVT) le Conseil régional de l’environnement de l’Abitibi-Témiscamingue (CREAT) ainsi que la municipalité de Kipawa demandent aux promoteurs du projet Onimiki de reporter le dépôt du projet, c’est-à-dire de ne pas le déposer à l’appel d’offres du mois de juillet prochain, mais plutôt de respecter toutes les étapes du processus devant mener à un tel dépôt, comprenant une candidature complète, une démarche transparente et l’implication éclairée de la population.