Propulser sa productivité: le succès passe par l’accompagnement
Mia Homsy|Mis à jour le 18 juin 2024«Lors de la reprise, ce sont les entrepreneurs qui n’auront pas arrêté d’investir leur temps, leur talent et leur audace dans des projets de croissance qui en sortiront gagnants.» (Photo: 123RF)
EXPERTE INVITÉE. Générer de la croissance dans un contexte de ressources naturelles, humaines et énergétiques limitées implique de faire mieux avec moins et de faire des choix plus ciblés et stratégiques. Pour générer de la croissance durable, des gains de «productivité durable» deviennent inévitables. Ainsi, au lieu de viser la création d’emplois, il faut viser la création de valeur générée par heure travaillée ou par unité d’énergie consommée.
Bien que l’écart de productivité entre le Québec et l’Ontario persiste, il s’est notablement réduit, surtout après la pandémie, qui a eu une répercussion plus marquée sur l’Ontario. Cet écart est passé de 4,80$ par heure travaillée en 2019 à 3,40$ en 2023. Malgré cette progression, le Québec occupe la dernière position en termes de productivité comparativement aux pays du G7.
Une question s’impose et suscite les passions des économistes depuis des décennies: comment accroître la productivité de la main-d’œuvre? En agissant sur trois composantes, soit l’intensité du capital (en adoptant de meilleurs outils pour accomplir le travail), la composition du travail (en augmentant le niveau de compétence et de formation de la main-d’œuvre) et la productivité multifactorielle (en optimisant le capital et la main-d’œuvre).
Sur tous ces fronts, beaucoup de gains restent à faire. Selon le plus récent Baromètre industriel de STIQ, en 2023, on comptait 27% des entreprises qui ont investi moins que le minimum prescrit par la loi 90 en formation de leurs employés (1% de leur masse salariale) ou qui n’ont pas investi du tout en formation. Ce pourcentage est 4 points plus élevé que celui de 2022, alors qu’il est bien documenté qu’augmenter le niveau de compétence et de formation de la main-d’œuvre est une des composantes clés pour améliorer la productivité.
Près de trois répondants sur quatre (73%) considèrent actuellement l’implantation des technologies numériques comme étant une priorité assez ou très importante, un pourcentage similaire à la moyenne observée au cours des trois années précédentes. Ce pourcentage est supérieur chez les plus grandes entreprises et celles qui ont plusieurs technologies numériques déjà implantées ou planifiées. Incidemment, les entreprises peu avancées dans le virage numérique accordent peu d’importance à l’enjeu de la numérisation.
S’il existe une multitude de solutions de financement pour réaliser ces investissements, ce n’est pas le seul gage de réussite. Un facteur clé entre le succès, un résultat mitigé, ou même l’échec lorsqu’une entreprise se lance dans une démarche de transformation: c’est l’accompagnement.
Et cet accompagnement, pour être efficace, doit aborder en symbiose l’accompagnement technologique et l’accompagnement pour les besoins en main-d’œuvre.
En matière d’accompagnement technologique, il existe plusieurs joueurs dans l’écosystème pour soutenir nos entreprises dans leurs démarches. C’est le cas notamment de mes collègues d’Investissement Québec Innovation, des experts qui «marchent» les planchers d’usines, et réalisent des plans d’action de productivité et de performance environnementale industrielle. Ils identifient les procédés à automatiser, les bons équipements, et les bonnes solutions technologiques à implanter, bref, ils définissent les bons projets à mettre en place pour faire des gains de productivité.
Ces experts peuvent également élaborer des plans d’action pour amener les entreprises à réduire leur empreinte environnementale, et évaluer les réductions potentielles de gaz à effet de serre (GES) de leurs principales sources d’émissions industrielles. Cependant, nombreux sont les cas d’entreprises qui implantent de nouvelles technologies, de nouveaux logiciels ou un nouveau robot et qui ne sont pas en mesure de les utiliser – ou de les utiliser à leur plein potentiel – parce que la formation ou la requalification de leurs employés n’a pas été planifiée en parallèle. Un virage technologique réussi s’accompagne invariablement par une meilleure utilisation des ressources humaines disponibles, pour ultimement améliorer sa productivité.
Un parcours d’accompagnement sur mesure pour les entreprises
Ce constat milite en faveur du développement d’un parcours d’accompagnement concerté pour les volets technologiques et les besoins de main-d’œuvre.
Dans le cadre de ce parcours, l’entreprise est prise en charge et guidée par des experts dans l’établissement d’un plan d’action qui inclut d’une part l’intégration de solutions numériques et l’identification d’opportunités d’automatisation et de robotisation, et d’autre part, l’optimisation de certaines pratiques en gestion des ressources humaines, les besoins de formation et de requalification et même le recrutement à l’international pour des postes et des secteurs très spécifiques.
Par exemple, on doit analyser l’organisation du travail, le flux de matières et l’aménagement de l’usine, les différents systèmes en place, ou encore la circulation d’informations entre les différents départements. Suivant cette étape, une liste d’opportunités d’amélioration est développée pour l’entreprise.
En parallèle, grâce aux programmes et au soutien des ministères et organismes impliqués, on effectue un prédiagnostic de la fonction ressources humaines pour déterminer s’il faut soutenir la mise en œuvre d’initiatives en rehaussant les compétences ou en effectuant une gestion du changement dans le cadre des recommandations technologiques.
On ne le répétera jamais assez, en ces temps de ralentissement économique, la pire chose à faire est de mettre ses projets et ses ambitions en suspens, et d’attendre pour voir venir. Lors de la reprise, ce sont les entrepreneurs qui n’auront pas arrêté d’investir leur temps, leur talent et leur audace dans des projets de croissance qui en sortiront gagnants.
Les défis liés à la main-d’œuvre sont là pour rester. Pour les surmonter et générer une croissance durable, plusieurs entreprises décident d’accélérer leur virage numérique. Mais ce virage ne peut se faire sans considérer les ressources humaines disponibles, leurs qualifications, ni en omettant de les inclure dans l’opération