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Quand ça vaut le coût de vider son REER d’un coup

Daniel Germain|Publié le 06 mars 2019

Quand ça vaut le coût de vider son REER d’un coup

La question peut paraître saugrenue: est-ce une bonne idée de vider son REER d’un coup, ou sur deux ans, avant de commencer sa retraite, ou juste après?

Une telle opération vient généralement avec une douloureuse facture d’impôt. Vous savez bien que tout ce qu’on sort du REER s’ajoute à ses revenus imposables. Plus le morceau extrait du compte est gros, plus le risque est grand de toucher des paliers d’imposition supérieurs, donc de perdre au change.

Sauf qu’il peut arriver que la facture fiscale soit moins élevée en vidant d’un trait son REER (ou son prolongement, le fonds enregistré de revenu de retraite – FERR), plutôt qu’en dégarnissant son compte graduellement par de petites ponctions, tout au long de la retraite.

C’est le cas des personnes admissibles au Supplément de revenu garanti (SRG). C’est quoi ça? Il s’agit d’une aide financière du gouvernement fédéral destinée aux retraités à faible revenu. On le qualifie souvent de «l’aide sociale des personnes âgées». Il n’est pas question de sommes extraordinaires, mais combien essentielles quand on flirte avec la pauvreté ! Pour avoir droit au maximum du SRG, soit une prestation de quelque 900 $ par mois pour une personne seule, un retraité ne doit pas avoir d’autres entrées financières que la Sécurité de la vieillesse (PSV).

Le problème du SRG, comme la plupart des programmes sociofiscaux basés sur le revenu, est qu’il disparaît rapidement. Le taux de récupération est de 50%. Pour chaque dollar gagné par le retraité, comme celui qu’il retirerait d’un REER ou d’un FERR, le gouvernement fédéral coupe de 50 cents l’aide financière en question.

Pour un prestataire du SRG, c’est l’équivalent d’un impôt de 50% à la clé (auquel s’ajoute l’impôt sur le revenu, s’il y a lieu). Dans un régime fiscal qui se dit «progressif», la situation paraît absurde. D’où l’idée de planifier dans certains cas, avant la retraite, des prélèvements importants des REER afin de conserver le maximum possible du SRG.

Les gens qui ne roulent pas sur l’or devraient le plus souvent éviter le REER, mais on ne peut blâmer personne, on se fait tous laver le cerveau en janvier et en février. Bon, ça, c’est un autre sujet..

Notre lectrice Ginette, 68 ans, n’est pas tout à fait dans cette situation, mais un peu tout de même. Elle jongle avec la question. Voici un peu le portrait. Elle touche 335$ du Régime de rentes du Québec (RRQ), ce qui n’est pas énorme, plus sa pension de la Sécurité de la vieillesse. Elle a donc droit au SRG. Seulement, il y a un os: elle détient 33 000 $ dans un REER. Un impôt latent de plus de 50% pèse sur cette somme en raison de ce que je viens de vous expliquer.

Quelle est alors la stratégie à adopter? Y a-t-il moyen de sortir l’argent du REER sans qu’elle perde du SRG?

Pour avancer plus loin dans ce problème, une petite mise en place préalable est nécessaire. Il faut d’abord savoir que les montants auxquels a droit un prestataire du SRG sont calculés en fonction des revenus déclarés de l’année précédente. Ce que touche cette année notre lectrice en SRG est basé sur ce qu’elle a «gagné» l’année dernière, soit sa modeste rente du RRQ, la PSV n’est pas considérée aux fins du calcul.

Le calendrier des versements du SRG est décalé de six mois par rapport à l’année civile, comme c’est le cas de tous les programmes sociofiscaux dont la générosité est fonction de l’argent gagné. Les prestations basées sur la déclaration de l’année 2018 sont versées de juillet 2019 à juin 2020. La raison de ce décalage est d’ordre pratique; le gouvernement ne connaît nos émoluments et autres rétributions pour une année donnée qu’une fois qu’il a reçu notre déclaration, en avril de l’année suivante.

Si notre lectrice vidait son REER aujourd’hui, 33 000 $ s’ajouteraient à son revenu de 2019. En plus de payer de l’impôt sur cette somme, elle perdrait le SRG de juillet 2020 à juin 2021. Elle n’en a pas les moyens.

Mais il s’offre une porte de sortie. Un retraité peut plaider une baisse importante de revenu pour que le montant du SRG soit calculé sur une estimation de l’année en cours plutôt que sur les sommes déclarées de l’année précédente, explique le planificateur financier Martin Dupras.

Ginette pourrait donc décaisser toute son épargne enregistrée une année, puis la suivante, arguer une baisse significative de revenu de retraite pour que ses prestations soient calculées à partir d’une estimation de l’année en cours. (Désolé pour ces voyages dans le temps).

La manoeuvre ne s’improvise pas. Pour qu’elle soit conforme aux yeux des autorités fiscales, il faut démontrer qu’il s’agit d’une baisse de «revenu de retraite». Pour ce faire, on doit dans un premier temps convertir le REER en FERR d’où les sorties sont considérées comme un «revenu de retraite», ce qui n’est pas le cas des sommes décaissées du REER. Ensuite, il faut vider le FERR afin de démontrer qu’il n’y a plus rien à en tirer.

L’opération déclenchera un impôt normal, sans affecter le SRG, pour peu que le retraité ou son conseiller remplisse un formulaire démontrant cette baisse de revenu aux fonctionnaires fédéraux.

Le conseiller financier Denis Perrin, du réseau SFL Gestion de patrimoine, est un habitué des dossiers de candidats au SRG. Il a passé des heures au téléphone avec des fonctionnaires de l’Agence de revenu du Canada (ARC) pour démystifier la question. Il a testé à plusieurs occasions l’opération que je viens de vous décrire, il sait l’expliquer dans les moindres détails, avec tous les pièges que cela peut comporter.

Il mentionne notamment la tentation que pourrait avoir un retraité d’arrondir ses fins de mois en retournant travailler à temps partiel dans la période durant laquelle il tire des prestations du SRG basées sur les revenus anticipés de l’année en cours. «Quand il déclarera ses revenus supplémentaires, l’année suivante, il devra rembourser l’équivalent de 50 % des montants déclarés pour le SRG qu’il a reçus en trop, en plus de perdre un autre 50% sur les prochaines prestations du SRG, de juillet à juin de l’année suivante. Autrement dit, il perdra 100% du salaire gagné», explique-t-il.

Il se désole aussi que la possibilité qui s’offre à notre lectrice soit si méconnue. Non pas que les conseillers ne veulent pas s’informer; l’ARC, selon lui, ne se montre pas empressé de faire connaître ces options. Le site internet de l’ARC est nébuleux; le fameux formulaire (ISP3041), qui permet de déroger à la méthode de calcul habituelle du SRG, ne serait disponible que sous forme papier, dans les bureaux de l’agence, selon lui.

Ce n’est pas tout à fait comme la quête mentalement périlleuse du formulaire A38, mais tout de même, c’est compliquer pour rien la vie de bénéficiaires d’un revenu subsistance.

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Les éléments présentés ici sont d’ordre général. C’est le principe du «Courrier du portefeuille». Nos lecteurs sont invités à consulter un professionnel pour obtenir des conseils répondant à leur situation personnelle.

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