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Quand c’est la faute des autres en Bourse

Stéphane Rolland|Édition de la mi‑mai 2021

Quand c’est la faute des autres en Bourse

(Photo: 123RF)

ANALYSE. Il arrive parfois que les mouvements d’une action en disent plus sur une autre société que sur l’entreprise en question. Ce pourrait être le cas pour l’entreprise de télémédecine Dialogue (CARE, 13,16 $), qui a perdu près du tiers de sa valeur depuis son sommet d’avril.

Le secteur de la télémédecine, aux États-Unis, a baissé significativement en Bourse dans les dernières semaines. David Kwan, de Valeurs mobilières TD, attribue cela à l’intensification de la concurrence, aux investisseurs qui ont choisi de prendre des profits parmi les titres gagnants de la pandémie et aux inquiétudes quant au potentiel de croissance de certaines sociétés.

Par exemple, Teladoc (TDOC, 139,39 $US) a perdu près de 54 % de sa valeur depuis son sommet de février. La société doit composer avec une augmentation de la concurrence, notamment celle d’American Well (AMWL, 12,52 $US) et d’Amazon (AMZN, 3 232,28 $US). La direction a dit s’attendre à ce que le nombre de ses abonnés croisse faiblement au cours de la prochaine année.

Même si son titre a également reculé, Dialogue serait relativement isolé de ces préoccupations, croit David Kwan. Il note que la concurrence est moins forte au Canada qu’aux États-Unis, que la société offre un profil de croissance supérieure, que son bilan est solide et que la direction gère bien l’entreprise. Pour sa part, Adam Buckman, de Banque Scotia, anticipe que les revenus de Dialogue pourraient augmenter à un rythme annuel de 68 %, contre 45 % pour la moyenne de l’industrie.

 

Défendre sa place

David Kwan croit, en fait, que le recul du secteur est une bonne nouvelle. La baisse des évaluations pourrait faciliter les acquisitions, selon lui. Il note que la société dispose de 125 millions (M$) en liquidités et peut utiliser son titre pour financer de plus grosses transactions. D’éventuelles acquisitions ne constitueraient pas seulement un catalyseur à court terme, mais aussi un moyen de défendre sa place dans le marché, selon lui.

Malgré les inquiétudes par rapport au secteur, Dialogue a affiché des résultats relativement bons au premier trimestre. Les revenus ont été multipliés par plus de quatre fois, à 15,2 M$.

Le nombre de membres a augmenté de 534 %. La perte avant intérêts, impôts et amortissement de 5 M $a été légèrement supérieure au consensus de 4,7 M $, mais ne constitue pas une source d’inquiétude à ce stade-ci du plan de croissance.

 

Des atouts

Au-delà des nouvelles plus récentes, plusieurs éléments semblent favorables à l’entreprise montréalaise. Si certains ont pu voir la télémédecine comme un thème d’investissement lié au confinement, la majorité des analystes semblent croire que le secteur est promis à un bel avenir, même après le retour à la normale.

La pandémie a accéléré les choses, mais l’adoption des soins virtuels est une tendance à long terme, croit Endri Leno, de la Financière Banque Nationale. Il note que le nombre de consultations en télémédecine affiche une progression annuelle de 25 % depuis une décennie au Canada. Cette tendance devrait se poursuivre tandis que les sondages montrent un fort intérêt chez les patients âgés de 18 à 54 ans.

Le modèle d’entreprise de Dialogue qui se concentre sur la clientèle des employeurs plaît à l’analyste. Il note que les contrats de un à trois ans amènent de la visibilité et une base de revenus récurrents. Adam Buckman ajoute que près de 87 % des revenus prévus en 2021 devraient être récurrents.

La société offre une plateforme intégrée comprenant la télémédecine, mais aussi des services en santé mentale et en gestion du stress ainsi que des programmes d’aide aux employés. Cette diversité de services lui permet de faire des ventes croisées à ses clients existants, poursuit David Newman, de Desjardins Marché des capitaux.

 

Le prix de l’espoir

La plus grande difficulté pour l’investisseur quand il se trouve face à un titre de croissance comme celui de Dialogue est d’évaluer sa juste valeur en fonction du potentiel bénéficiaire à l’avenir. Même avec une stratégie claire et des commentaires d’analystes bien informés, l’étendue des possibles demeure large.

Pour un analyste comme Adam Buckman, qui juge que l’évaluation de Dialogue est méritée, on en trouvera un autre comme Douglas Miehm, de RBC Marchés des capitaux, qui pense que le potentiel se reflète déjà pleinement dans le titre. Leurs commentaires sur le modèle d’entreprise sont utiles pour comprendre la société, mais leurs prévisions n’apportent pas nécessairement l’éclairage souhaité.

Il faut toujours demeurer prudent quand on investit dans une entreprise à fort potentiel, mais qui ne réalise pas de bénéfices. Parfois, on peut être grassement récompensés, comme dans le cas de Shopify (SHOP, 1 365,65 $US), qui a multiplié la valeur de son action par 35. Parfois, les corrections, qu’elles soient temporaires ou permanentes, peuvent être rapides et brutales. Heureusement, cette fois, la baisse de Dialogue semble être causée par les problèmes d’un autre.