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Sylvie Huard

Espace famille en affaires

Sylvie Huard

Expert(e) invité(e)

Quand le ton monte au sein des familles en affaires

Sylvie Huard|Publié le 28 avril 2020

Quand le ton monte au sein des familles en affaires

(Illustrations: Karine Lequy et Florence Lemay)

BLOGUE INVITÉ. La communication au sein d’une famille en affaires n’est pas toujours facile. Trop souvent, les membres de la famille prêtent, inconsciemment, de mauvaises intentions à leurs proches. Puisqu’ils se connaissent par cœur, ils croient être en mesure de deviner ce qu’il y a dans leur tête, ce qui mène à une série de non-dits. Et ces non-dits génèrent, inévitablement, des conflits.

Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’en prêtant inconsciemment de mauvaises intentions à leurs proches, les membres d’une famille en affaires participent à la construction de biais qui les déchirent.

Audrey et Théo en conflit: deux faiblesses qui se rencontrent

Les mauvaises intentions qu’on prête aux autres mènent les membres d’une entreprise familiale sur une pente glissante, celle des émotions qui débordent. Et quand les émotions prennent le dessus, forcément, le ton monte. Lors d’une discussion entre Audrey et Théo, Audrey aborde un non-dit concernant le directeur non apparenté, Gilles.


Cliquez sur le dessin pour le voir en grand format. (Illustrations: Karine Lequy et Florence Lemay)

Dans cette scène, Audrey et Théo se prêtent, sans s’en rendre compte, de mauvaises intentions. Ils n’arrivent qu’à voir les défauts de l’autre. Audrey pense que son père se montre trop expéditif et qu’il ne souhaite qu’une chose, c’est-à-dire garder la même façon de travailler sans rien remettre en question pour avancer plus vite. Théo, pour sa part, pense que sa fille s’enfarge dans les fleurs du tapis et se concentre sur des aspects qui ne sont pas importants pour le moment dans l’entreprise.

Théo et Audrey se sentent inconfortables dans leur relation. Ce malaise les rend moins aptes à communiquer et, par le fait même, crée un potentiel de non-dits, voire de conflits. Habités par ces non-dits, Audrey et Théo manquent de temps pour s’introspecter afin de dire à l’autre ce qu’ils ressentent et ce dont ils ont besoin. Ces non-dits créent alors un tourbillon intérieur d’émotions négatives. Ils se sentent mutuellement frustrés et irrités devant l’attitude de l’autre, qu’ils considèrent comme fermée.

Pourtant, si Audrey et Théo tentaient de décortiquer les émotions qui les animent, ils comprendraient que ces émotions révèlent des besoins importants. Audrey aimerait que Théo prenne le temps de lui fournir les clarifications dont elle a besoin tandis que Théo aurait besoin qu’elle devine ce qui doit être fait. Ces besoins ne sont toutefois pas comblés lors des discussions père-fille, ce qui crée des malentendus. Théo considère qu’Audrey s’arrête à des détails tandis qu’Audrey, désemparée, trouve son père expéditif.


Cliquez sur le dessin pour le voir en grand format. (Illustrations: Karine Lequy et Florence Lemay)

Vous voyez le problème ? Théo et Audrey, habités par deux besoins opposés, ne prennent pas le temps de communiquer. Or, la situation n’est pas désespérée pour autant.

Un exercice efficace pour désamorcer les conflits

C’est en fouillant sur le web, à la recherche d’une solution pour amorcer la discussion avec son père, qu’Audrey a découvert un outil pour l’aider à communiquer ses besoins.

1. Elle s’aperçoit que, le plus important, c’est de trouver un moment opportun pour communiquer, un moment où ils seront tous deux disponibles. Ça paraît simple, mais c’est l’un des plus grands défis. Elle est convaincue qu’ils auraient intérêt à choisir un moment qui leur permet de se parler calmement, sans que l’un ou l’autre soit pressé de partir.

2. Pour cette rencontre, Audrey apporte la roue des émotions et la roue des besoins: deux objets-clés qu’elle a trouvés en ligne et qui les aideront, son père et elle, à communiquer.

3. Audrey et Théo s’entendent ensuite sur l’ordre de parole, qui ira du plus jeune au plus sage.

4. Dans un premier temps, Audrey, à l’aide de la roue des émotions, identifie l’émotion que lui ont fait vivre leurs discussions, c’est-à-dire de la frustration. Puis, quand elle se penche sur la roue des besoins, elle comprend que cette émotion révèle un besoin important, celui d’échanger. Elle aimerait que Théo communique davantage pour lui apporter de la clarté.

5. Théo se prête ensuite au même exercice. Il réalise que l’émotion qui l’habite est la même: la frustration. Or, dans son cas, cette émotion révèle un besoin tout autre, celui d’être compris. Il aimerait que sa fille le comprenne sans qu’il ait à parler.

6. Il est temps de tirer des conclusions. Chacun mentionne ce qu’il retient de ce moment. Audrey comprend la difficulté de son père à communiquer et tentera de faciliter la communication à l’avenir. Théo, pour sa part, comprend le besoin de clarté de sa fille et tentera de s’ouvrir davantage.

Audrey et Théo arrivent donc à la même conclusion. Leur échange s’est bien déroulé puisqu’en suivant ce processus, ils n’ont pas basculé dans l’émotion. Ils ont respecté le besoin de l’autre.


Cliquez sur le dessin pour le voir en grand format. (Illustrations: Karine Lequy et Florence Lemay)

Verbaliser ses besoins : synonymes de complicité

Prendre son courage à deux mains pour aborder un biais n’est certes pas facile, mais décider de le faire peut réellement permettre à une relation parents-enfants/frères-sœurs de grandir. Pour éviter d’adopter un ton désagréable, rappelez-vous les qualités que vous voyez en la personne qui est en face de vous — sa bienveillance, son intelligence, etc. — et, si ce qu’elle vous dit vous paraît absurde, questionnez-vous pour essayer de la comprendre, car ce ne l’est sûrement pas. Les familles ont cette opportunité unique que les autres entreprises n’ont pas. Elles peuvent pousser encore plus loin leur complicité.

Cette complicité est d’ailleurs grandement facilitée quand le cédant, intuitif de nature, comprend l’importance de communiquer. Dans le prochain billet de blogue, je m’attarderai à l’identité de ce bâtisseur. Que peut-il faire après une vie aussi passionnée et investie?

 

*Ce deuxième billet est écrit en collaboration avec Jade Bélanger. 

C’est à l’arrivée de Jade Bélanger en 2016 qu’Harmonie Intervention est devenue une entreprise familiale. Sa créativité et son audace font d’elle une gestionnaire et une repreneure allumée. Membre expert du Groupement des chefs, Jade est animée par une sensibilité qui lui permet de porter un jugement juste sur toute situation, qu’elle exprime avec authenticité et caractère. Cette lucidité qui l’habite se cultive grâce aux doutes qui la font grandir et qui génèrent parfois chez elle un sentiment d’imposteur : une réalité qu’elle partage avec plusieurs repreneurs.