Quand les tendances passent par les têtes grises
Anne-Marie Tremblay|Édition de la mi‑septembre 2019Les nouveaux « aînés-lescents », ces aînés à l’affût qui s’adaptent aux modes plus rapidement qu’avant, constituent une cible de choix pour les spécialistes du marketing. (Photo: 123RF)
MARCHÉS DES AÎNÉS. Si, autrefois, les jeunes établissaient les tendances, aujourd’hui, les personnes plus âgées sont aussi à l’avant-garde. Un changement qui est lié aux technologies, lesquelles ont permis d’abolir certaines frontières, estime Stéphane Mailhiot, vice-président principal, Stratégie de marque chez Havas Montréal. «Avant, les retraités devaient compter sur leur réseau – leur famille ou leurs amis, par exemple – pour être au courant des nouveautés. Or, avec Internet, elles sont maintenant beaucoup plus connectées au reste du monde.»
Branchés et à l’affût, les aînés adoptent donc les différentes tendances plus rapidement qu’avant, constate le spécialiste. Dans la même veine, si de nombreux jeunes se tournent vers l’économie de l’expérience, c’est aussi le cas des retraités, remarque-t-il. «Ils ont un grand appétit pour le voyage, les spectacles et ont du budget pour s’amuser.»
Ainsi, ces véritables «aînés-lescents», comme les appelle M. Mailhiot, constituent une cible de choix pour les spécialistes du marketing. «Bien entendu, ce n’est pas le cas pour tous les aînés, mais plusieurs vivent plus vieux, sont plus en santé et plus riches que les générations qui les ont précédées.»
Certaines entreprises ont d’ailleurs décidé de mettre de l’avant des visages plus matures pour les séduire. C’est notamment le cas de L’Oréal Paris, qui compte parmi ses égéries des vedettes comme Helen Mirren et Jane Fonda, âgées respectivement de 74 et 81 ans. Une façon d’attirer les clientes d’un certain âge, tout en présentant l’image de femmes fortes. «On s’éloigne de plus en plus des clichés dépeignant des retraités sur un voilier, par exemple», observe M. Mailhiot.
La génération des retraités a massivement adopté la tablette électronique. (Photo: 123RF)
L’âge d’or au numérique
Les aînés ont aussi adopté en grand nombre la tablette électronique, constate Edouard Reinach, consultant en stratégie de transformation numérique chez Adviso. «Il y a un marché qui s’est créé autour de cet outil, surtout composé de retraités qui n’avaient pas envie de s’installer derrière un ordinateur ni d’utiliser un téléphone intelligent», explique-t-il. Cette plateforme se révèle également plus intuitive pour ceux qui sont moins familiers avec les technologies.
Une notion dont il faut tenir compte quand on s’adresse aux internautes de l’âge d’or. Il faut effectivement savoir s’adapter à son public, en se mettant à leur place, explique Jean-François Renaud, associé et cofondateur d’Adviso. «Nous avons par exemple travaillé avec la Société de transport de Montréal pour créer un site qui sera facile à consulter pour différents types de clientèles. Pour comprendre les besoins de chacune d’entre elles, il y a eu 300 rencontres avec des étudiants, de nouveaux arrivants, des seniors, etc. Nous voulions nous assurer que les contenus étaient accessibles à chacune de ces clientèles.»
La simplicité au menu
Ainsi, si la mode est aux sites web épurés, il faut revenir à la base pour donner un coup de pouce aux internautes les plus âgés avec des menus simplifiés, de l’aide à la navigation, des liens soulignés en bleu, etc. Comme certains aînés ont des problèmes de vue, mieux vaut miser sur les contrastes, ajoute M. Reinach. «Il faut aussi penser à créer une interface qui permettra à l’internaute de grossir les caractères sans que le design ne soit déformé», précise-t-il.
De plus, même si le nombre de transactions en ligne augmente, les internautes plus âgés sont parfois réticents à acheter sur le Web ou éprouvent des difficultés à le faire. «Pour l’un de nos clients, qui est détaillant de vêtements, nous avions remarqué que beaucoup d’utilisateurs remplissaient leur panier d’achat virtuel, mais ne terminaient pas leur transaction, raconte M. Renaud. Maintenant, le site propose un numéro de téléphone et un code de commande. Les acheteurs peuvent donc appeler quelqu’un qui les aidera à finaliser la transaction, avec leur carte de crédit, sans repartir à zéro.»
Une réalité que constate aussi l’équipe d’Incursion Voyages, qui a abondamment recours à Internet pour déceler les tendances et décortiquer le comportement des voyageurs, précise son coprésident, Liroy Haddad. L’entreprise mise sur le marketing électronique pour séduire ses clients, composés d’une majorité de retraités. «Les retraités passent beaucoup de temps en ligne et prennent leurs décisions d’achat sur le Web, mais préfèrent traiter avec une vraie personne quand vient le temps d’acheter, que ce soit au téléphone ou dans nos bureaux», explique-t-il. D’où l’importance d’une bonne équipe de conseillers en voyage, qui maintient le dialogue ouvert. «C’est une discussion constante avec nos clients, que ce soit virtuellement ou dans la réalité.»