Une boutique Aritzia au centre-ville de Montréal (Photo: Denis Lalonde)
OÙ INVESTIR EN 2020. Pendant que les soldes de janvier battent leur plein, quatre détaillants retiennent l’attention en ce début d’année.
Bien que la conjoncture économique influence les ventes au détail, en Bourse les analystes s’intéressent davantage à la capacité des marchands à rentabiliser les investissements nécessaires dans la technologie, la chaîne d’approvisionnement ou le commerce en ligne à plus long terme.
Aritzia séduit les analystes
Malgré un bond de 29 % en 2018 et d’encore 16 % en 2019, le détaillant de collections exclusives de vêtements branchés Aritzia (ATZ, 25,21$) fait l’unanimité avec neuf recommandations d’achat.
Les analystes misent sur une ré-accélération de la croissance des bénéfices en 2021 après une année consacrée à l’ouverture de magasins et aux investissements stratégiques dans sa plateforme en ligne qui lui procure un plus du cinquième de ses ventes.
Aux yeux de Stephen Takacsy, gestionnaire de Gestion d’actifs Lester, le marchand verticalement intégré est tout simplement «l’un des mieux gérés» comme en font foi les ventes exceptionnelles de 1300$ au pied carré, les 21 trimestres de croissance des ventes par magasins comparables.
Irene Nattel, de RBC Marchés des capitaux est aussi catégorique: Aritzia est bien créative, exécute tous les éléments de sa stratégie et peut faire croître ses bénéfices de 15% par année comme prévu.
Le lancement récent d’une collection pour hommes, l’ajout de tailles pour les femmes et l’amélioration constante des ventes en ligne démarquent le détaillant de Vancouver des autres, ajoute-t-elle.
Brian Morrison de TD Valeurs mobilières croit même possible que le détaillant rachète des actions et verse un premier dividende modeste de 0,10$ par action en 2021. Aritzia devrait l’annoncer en mai lors du dévoilement du nouveau plan de trois ans.
Patricia Baker de Banque Scotia se dit aussi impressionnée par les solides réalisations du commerçant qui offre aussi un fort potentiel d’expansion aux États-Unis où il compte seulement 27 boutiques, fait-elle valoir. Un bilan sain et des flux de trésorerie excédentaires lui en donnent les moyens.
M. Morrison considère que le titre est attrayant en fonction de ses perspectives de croissance et du potentiel américain que la société finance à l’interne.
Roots Canada a besoin d’un coup de barre
À l’autre bout du spectre, la marque au castor Roots Canada (ROOT, 1,98$) a fort à faire pour regagner la confiance des financiers, comme en témoigne le plongeon de 83% du titre depuis le sommet de 2018.
Le détaillant de vêtements décontractés entré en Bourse en octobre 2017 au cours de 12$ n’a pas réussi à soutenir la notoriété de sa collection pour le 150e anniversaire du Canada en 2017 pour mousser ses ventes à l’étranger.
Déçue par une série de déceptions qui a usé sa patience, Janine Stichter de Jefferies n’en recommande plus l’achat et vient de réduire son cours cible de 5 à 2$.
Un plan de relance s’impose qu’où la décision du principal actionnaire Searchlight Capital Partners de reprendre les choses en mains à la suite du départ de plusieurs cadres clés.
Le président vient d’être remplacé par intérim par la nouvelle chef de finances qui elle-même est entrée en poste en août. Meghan Roach était au conseil depuis 2015 et représente Searchlight qui détient 49% des actions.
La responsable de la mise en marché vient de quitter après sept mois en poste tandis que la nouvelle chef de finances entrera en fonction seulement à la fin du premier trimestre de 2020.
«Le changement de la garde est prometteur à long terme, mais les perspectives restent incertaines à plus court terme», écrit Mme Stichter.
En plus, le rodage du nouveau centre de distribution perturbe l’approvisionnement, les ventes de ses partenaires en Asie reculent tandis que les sept magasins américains sont peu productifs.
Pour couronner le tout, Roots est très endettée, si bien qu’elle priorise les flux de trésorerie maintenant qu’elle a complété les dépenses en infrastructure.
«Au cours actuel, le titre est intéressant, mais il est clair que la société doit corriger le tir», évoque M. Morrison de TD Valeurs mobilières.
L’analyste ajoute la cote «risque élevé» à sa recommandation d’achat parce que la dette nette de 286 millions de dollars représente 4,5 fois le bénéfice d’exploitation.
Jugeant que le potentiel et les risques du redressement s’équivalent, Matt Bank, de CIBC Marchés mondiaux, est neutre envers le titre pour lequel il fixe sa cible à 3$.
Sleep Country provoque un peu d’insomnie
Le principal marchand de matelas au pays Sleep Country (ZZZ, 21,35$) soit aussi refaire ses preuves en raison de résultats plus inégaux qu’avant.
La croissance de 8 à 12% des ventes comparables observée entre 2016 et 2017 est tombée dans une nouvelle fourchette oscillant de moins 3,4% à plus 5% depuis le début de 2018, note Sabahat Khan, de RBC Marchés des capitaux.
L’analyste garde espoir que cette performance reprenne du mieux grâce à l’ajout de matelas traditionnels à son offre en ligne qui se limitait jusqu’ici aux matelas Endy et Bloom dans une boîte et aux accessoires.
«Au fil du temps, nous suivrons aussi l’impact des ventes en ligne sur la productivité des magasins», écrit-elle.
Un troisième trimestre inférieur aux prévisions n’inquiète pas Patricia Baker de Banque Scotia puisque le détaillant investit pour renforcer son premier rang des matelas à long terme.
«Nous sommes déçus par le rythme plus modeste des ventes comparables et des bénéfices, mais la croissance solide des revenus totaux devrait se répercuter sur les bénéfices une fois la phase actuelle d’investissement terminée», dit-elle.
Matt Bank, de CIBC, croit que le multiple actuel de 11,3 fois le bénéfice de 1,81$ par action prévu en 2020 est attrayant pour un détaillant qui dégage autant de flux de trésorerie excédentaires.
Il s’attend à ce que l’entreprise rachète plus activement ses actions maintenant qu’elle a intégré la start-up de la vente en ligne de matelas dans une boîte Endy.
Canada Goose doit se remplumer
Les plumes, la fourrure et les prix des parkas de Canada Goose (GOOS, 44,85$) suscitent parfois la controverse, mais ce sont des perspectives moins roses qu’avant qui ont fait tomber son titre à un plancher d’un an.
Au quatrième trimestre, les analystes prévoient une croissance de 12% des ventes, le rythme le plus faible depuis 2017.
La transformation du fabricant en marchand crée des soubresauts lorsque les résultats dévient des attentes, mais la marque de luxe amorce une longue période de croissance, croit Kate Fitzsimons, de RBC Marchés des capitaux.
L’analyste de New York prévoit que les ventes grimperont d’un milliard de dollars en 2019 à 1,4 milliard de dollars, en 2022. Les ventes directes aux consommateurs devraient atteindre au moins la moitié des revenus en 2021.
L’entreprise réalise 36% de ses profits bruts au troisième trimestre si bien que la hausse robuste des ventes accentue l’effet saisonnier même si le fabricant élargit sa gamme de vêtements, explique Mark Petrie, de CIBC Marchés mondiaux .
L’ouverture de magasins et la vente en ligne pourraient aussi gruger les ventes de gros que le fabricant aurait réalisé auprès des autres détaillants.
Le fabricant accroît aussi ses stocks afin de ne pas rater de ventes pendant qu’il rapatrie à l’interne la fabrication de ses parkas autrefois confiés à des sous-traitants.
«Il faudra probablement attendre 2021 avant que les gains d’efficacité se fassent sentir», croit tout de même Mark Petrie de CIBC marchés mondiaux.
Mme Fitzsimons juge que ces inquiétudes sont exagérées et assure que les ventes sont au rendez-vous, sans recourir aux soldes, et que les stocks ne sont pas excessifs.
Le titre n’a plus l’évaluation extrême qu’il avait en 2017, mais un multiple élevé de 26,5 fois le bénéfice prévu dans 12 mois rend tout de même son titre tributaire de l’humeur des investisseurs.