Isabelle Lajeunesse, directrice générale de la Fondation Y des femmes de Montréal (Photo: courtoisie)
PHILANTHROPIE. La philanthropie basée sur la confiance, peut-être parce qu’il s’agit d’une approche si nouvelle, est sujette à plusieurs idées reçues. Les Affaires a tenté de rectifier les quatre principales d’entre elles avec Isabelle Lajeunesse, directrice générale de la Fondation Y des femmes de Montréal.
Mythe #1: le financement rigide sert mieux le bien commun.
Réalité: le financement flexible permet de mieux répondre aux besoins.
Isabelle Lajeunesse note que la flexibilité du financement permet de réagir aux situations avec plus d’agilité, et ainsi, de mieux répondre aux besoins. Durant la crise sanitaire, par exemple, son organisme a négocié avec une institution financière qui la soutient, de sorte à pouvoir utiliser des fonds qui devaient financer un autre projet afin de se doter d’outils pour poursuivre sa prestation de service en télétravail. «On a toutefois pu faire ça seulement parce qu’on avait déjà établi un lien de confiance, reconnaît-elle. Et ç’a payé, parce que c’est seulement grâce à ça qu’on a pu continuer de répondre aux besoins immédiats et émergents de notre clientèle.»
Mythe #2: le donateur a avantage à cibler une intervention précise
Réalité: les organismes sont plus au fait des besoins du terrain.
Les donateurs n’ont pas toujours le portrait complet des problèmes qu’ils désirent résoudre, par conséquent, ils n’ont pas toujours la meilleure perspective pour proposer des solutions. «Deux entreprises nous soutenaient financièrement pour que l’on aide les femmes à perfectionner leur employabilité, raconte Isabelle Lajeunesse. Sauf qu’elles ne réalisaient pas que ces femmes-là vivent souvent d’autres problèmes, et ont donc aussi souvent besoin de soutien et d’accompagnement psychologique.»
Son organisme a donc approché ses bailleurs de fonds pour leur faire part de sa compréhension de la situation. La stratégie a payé, car «ils ont accepté de financer aussi une intervention psychosociale».
Mythe #3: plus la reddition de compte est détaillée, mieux c’est
Réalité: plus la reddition de compte est détaillée, mieux c’est… pour freiner l’impact de l’organisme.
La reddition de compte est prenante: il faut parfois l’équivalent d’une personne à temps plein, voire plus, pour remplir la paperasse. Idem pour les demandes de financement. Sauf que les personnes qui remplissent les documents, ce sont celles qui devraient offrir les services de l’organisme, remarque Isabelle Lajeunesse. «C’en est parfois presque ridicule, dit-elle. Ça fait un an, par exemple, que l’on fait des allers-retours avec une entreprise qu’on a approchée pour du financement. On a rempli un premier questionnaire, ils nous reviennent, puis on doit envoyer d’autres documents. Pendant ce temps, on ne sert personne!»
Pour cette raison, la Fondation Y des femmes de Montréal ne fait plus de demande si prenante. «On essaie d’abord d’approcher le bailleur de fonds en privé pour bâtir un lien de confiance et sonder le terrain, explique-t-elle. Sachant qu’en moyenne, seulement une demande sur trois est acceptée, ça nous sauve beaucoup de temps et d’argent.»
Mythe #4: l’apport d’un donateur est le financement qu’il offre
Réalité: l’apport d’un donateur est son engagement général aux causes qu’il soutient.
Bien des donateurs sont contents de soutenir financièrement une cause, sans toutefois réellement s’y impliquer. Toutefois, l’implication d’un bailleur de fonds au-delà du financement est un signal fort de son engagement envers une cause. «On a récemment demandé à une grande entreprise manufacturière de soutenir un projet lié aux inégalités sociales et de genre, illustre Isabelle Lajeunesse. À notre grande surprise, avant d’accepter, ils ont fait un exercice interne de réflexion pour nous expliquer ce qu’ils faisaient eux-mêmes pour ouvrir les portes aux femmes.»
L’une approche basée sur la confiance permet de solidifier les relations. «C’est la première fois que ça m’arrivait, dit-elle. J’ai fait « Wow ! » Ça montre leur engagement. Ils ne veulent pas seulement que l’on change la société pour eux. Ils veulent aussi participer au changement.»