Même s’il ne remet pas en question les efforts de prévention, le PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), Charles Milliard, craint un alourdissement du fardeau pour certaines organisations. (Photo: courtoisie)
SANTÉ DES EMPLOYÉS. Avec son projet de loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (PL59) déposé fin octobre, le gouvernement du Québec souhaite réactualiser plusieurs lois et règlements en la matière, dont certains datent de plus de 40 ans. Les changements proposés misent notamment sur la prévention, en plus d’ouvrir la porte aux questions de santé mentale.
L’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) voit d’un bon oeil cette réforme attendue de longue date par les acteurs du milieu, qui permet de modifier au passage la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) et la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP), adoptées respectivement en 1979 et en 1985. À l’époque, la LSST avait en effet été conçue pour protéger les travailleurs exécutant des tâches très physiques.
Le PL59 propose d’élargir les mécanismes de protection à plus grande échelle, en fonction de la taille des entreprises et du niveau de risque de leurs activités. «Autrefois, seuls 25 % des employeurs étaient couverts par ces mécanismes de prévention. Avec le projet de loi, cette proportion pourrait grimper à 94%», mentionne Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des CRHA.
Fardeau?
Même s’il ne remet pas en question les efforts de prévention, le PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), Charles Milliard, craint un alourdissement du fardeau pour certaines organisations. «Plusieurs entreprises, dont celles de plus petite taille [20 employés ou moins], devront avoir à la fois une personne et un comité voués à la santé et à la sécurité au travail. Il n’y a aucune autre juridiction au monde où on impose ces deux mécanismes de prévention», fait-il valoir. Selon lui, il faudrait revoir le projet de loi pour éviter les dédoublements.
Parmi les autres changements proposés, les organisations devront maintenant déterminer les risques psychosociaux présents sur leurs lieux de travail. Une modification intéressante, mais pas si simple à appliquer, selon Manon Poirier. «Le Québec est composé d’une majorité de PME, et les plus petites entreprises n’ont pas toujours une personne consacrée à la santé et sécurité ou même un expert en ressources humaines capable de bien évaluer les risques psychosociaux», fait-elle remarquer. Il faudra donc s’assurer d’outiller et d’accompagner les organisations dans ces démarches, poursuit-elle.
D’autre part, la liste des maladies professionnelles reconnues par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) sera revue pour y inclure certains types de cancer, ainsi que le trouble de stress post-traumatique. Il s’agira de la première lésion en lien avec la santé mentale à figurer sur cette liste.
«Le gouvernement nommera aussi un comité scientifique responsable d’en faire la mise à jour régulièrement», précise la présidente de l’Ordre des CRHA. L’ajout des troubles de santé mentale est une ouverture essentielle, mais qui pourrait mener à une pente glissante, estime Charles Milliard. «Bien sûr, l’employeur doit assumer ses responsabilités, mais les problèmes de santé mentale sont souvent de nature multifactorielle», soutient-il.
La FCCQ et le Conseil du patronat du Québec (CPQ) aimeraient également que les modifications à la loi permettent d’améliorer le processus d’assignation temporaire des travailleurs ayant subi une lésion. «L’important, c’est de s’assurer que le processus de retour est bien encadré, pour permettre que le travailleur revienne rapidement au travail, ce qui limite les risques de chronicité», soutient Karolyne Gagnon, avocate et vice-présidente au travail et aux affaires juridiques au CPQ. Le fait que la consultation publique sur le projet de loi se déroule seulement sur trois jours, fin janvier, suscite également les critiques de groupes de travailleurs et de chercheurs, qui estiment ne pas avoir voix au chapitre.
Si tout se déroule comme prévu, le PL59 devrait être adopté d’ici la fin de l’année, et les changements qu’il prévoit mis en application, en 2022.