Selon Miguel Ouellette, économiquement, il est très trivial de constater à quel point la décision de ne pas produire localement du gaz naturel de manière durable est dommageable. (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Quelque temps avant la guerre en Ukraine, le gouvernement du Québec avait décidé de bannir l’exploitation locale des hydrocarbures, notamment du gaz naturel, malgré la demande mondiale croissante et la pénurie qui s’installait. Si certains ont applaudi cette décision en évoquant la protection de l’environnement, nous pouvons aujourd’hui constater à quel point cette fermeture d’un secteur économique à grand potentiel est dommageable, tant pour le bas de laine collectif des Québécois, que pour le combat contre les changements climatiques. Québec doit revenir sur sa décision d’interdire l’exploitation du gaz naturel.
Déshabiller Paul pour habiller Robert
Économiquement, il est très trivial de constater à quel point la décision de ne pas produire localement du gaz naturel de manière durable est dommageable. Seulement pour les basses terres du Saint-Laurent, le potentiel économique du gaz naturel s’élèverait à 93 milliards de dollars (G$) pour notre PIB provincial, selon l’Institut canadien de recherche énergétique. D’ailleurs, les Abénakis de Wôlinak seraient disposés et intéressés à exploiter ce potentiel, de concert avec des entreprises d’extraction.
Sachant que la demande mondiale augmentera d’environ 29 % d’ici 2040 selon l’Agence internationale de l’énergie et que des pays européens comme l’Allemagne cherchent présentement des fournisseurs de gaz naturel, il est clair que le Québec pourrait tirer son épingle du jeu. Ce n’est pas pour rien que des entreprises comme Ressources Utica avaient acquis de nombreux permis auprès du gouvernement pour exploiter le gaz naturel au Québec, avant de se faire exproprier.
La totalité du gaz naturel que nous consommons au Québec provient de l’Ouest canadien et des États-Unis. Ce sont plus de 5G$ annuellement que nous envoyons à ces deux régions pour notre consommation locale de gaz naturel et de pétrole, selon le Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles. La production de gaz naturel au Québec pourrait combler une bonne partie de la demande domestique, ce qui favoriserait l’enrichissement des Québécois via les impôts perçus. Sans oublier qu’avec le réseau souterrain d’Énergir de plus de 11 000 kilomètres, qui distribue environ 97 % du gaz consommé au Québec, nous aurions un distributeur local de confiance et efficace.
Avec la pénurie mondiale de gaz naturel actuelle, deux phénomènes se produisent. Des pays comme le Qatar et les États-Unis – qui ne sont pas en mesure de produire du gaz naturel de manière aussi écologique que nous le pourrions au Québec grâce entre autres à l’hydroélectricité – augmentent leur production pour répondre à la demande. Et plusieurs pays comme la Chine et l’Inde décident de revenir au charbon comme source d’énergie étant donné le manque de gaz naturel sur les marchés mondiaux. N’oublions pas qu’en seulement 14 heures et 53 minutes, la Chine émet autant de GES que l’objectif de réduction du Québec de 1990 à 2020. Un retour au charbon pour ce pays est extrêmement néfaste pour l’environnement.
Ainsi, en interdisant l’exploitation du gaz naturel local, le Québec nuit à la croissance économique de la province et contribue à augmenter les opportunités économiques pour d’autres pays plus pollueurs. En déshabillant Paul, on a habillé Robert. Le hic, c’est que Robert ne se soucie pas autant de la protection de l’environnement et n’hésitera pas à saisir toutes les opportunités qui se présentent à lui.
La lutte aux changements climatiques, un combat mondial
Dans un monde idéal, nous produirions seulement des sources d’énergie 100 % propre, et nous émettrions beaucoup moins de GES dès maintenant. Toutefois, afin de se rendre à cet idéal, nous devons passer par une transition pour éviter de diminuer radicalement nos niveaux de vie et de nuire aux pays en voie de développement. Le gaz naturel nous permet justement de passer d’énergies plus polluantes comme le charbon et le mazout aux énergies plus écologiques.
En 2020, il y avait deux fois plus d’énergie produite par des centrales au charbon que par les énergies renouvelables dans le monde. Sans compter que la pénurie actuelle de gaz naturel a favorisé l’augmentation de la consommation mondiale de charbon, qui devrait atteindre 8 milliards de tonnes en 2022, soit un record historique. Pourtant le gaz naturel est bien moins polluant que le charbon. De 2010 à 2018, la conversion de centrales électriques au charbon vers le gaz naturel a diminué les émissions mondiales de 500 millions de tonnes de CO2, ce qui équivaut à remplacer 200 millions de voitures à essence par des voitures électriques.
Même en matière de chauffage, le gaz naturel émet 32% moins de GES que le mazout quand nous prenons en compte l’ensemble de son cycle de vie, selon le Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG). Même conclusion pour le transport routier, où le gaz naturel émet 16% moins de GES que le diesel.
Je n’affirme aucunement ici que le gaz naturel est la source d’énergie la plus propre et celle qui devrait constituer notre objectif final, mais bien qu’elle soit une excellente énergie de transition. En percevant les changements climatiques comme un phénomène national, le gouvernement du Québec fait fausse route. Si nous nous accaparions d’une partie de la demande mondiale en gaz naturel, ce sont des pays comme la Qatar qui devront ralentir leur production, ce qui serait avantageux sur le plan environnemental.
Malheureusement, le Québec donne un coup d’épée dans l’eau qui est dommageable pour ses citoyens, et pour la planète. La protection de l’environnement ne devrait pas découler d’analyses dogmatiques, mais bien pragmatiques. Le ministre Julien doit revenir sur sa décision et permettre au secteur du gaz naturel québécois d’exploiter son plein potentiel, tout en encadrant sa production de manière bénéfique et durable pour l’environnement. Il doit le faire pour le Québec, mais aussi pour la lutte mondiale aux changements climatiques.