Québec et les municipalités: une relation à mieux définir
Jean-Paul Gagné|Édition de la mi‑juin 2022(Photo: 123RF)
CHRONIQUE. Les municipalités ne s’occupent pas seulement des aqueducs, des égouts, de la police, des incendies, des déchets ainsi que de l’entretien et du déneigement des rues.
Elles doivent aussi répondre à des attentes de plus en plus précises et diversifiées des citoyens en matière d’urbanisme, d’environnement, de transport, de culture et de loisirs et se préoccuper de sujets comme la pauvreté, l’itinérance, la santé (salubrité, qualité de l’air, bruit), l’accueil des immigrants, sans oublier les pandémies et les catastrophes naturelles.
On attend aussi des élus municipaux qu’ils aient de la vision, qu’ils prévoient les besoins de demain, gèrent les risques, planifient dans l’intérêt collectif, assurent la stabilité financière de leur municipalité, se préoccupent des changements climatiques et entretiennent les infrastructures.
Selon le Centre d’expertise et de recherche en infrastructures urbaines, les conduites d’eau potable et des eaux usées ainsi que les chaussées situées au-dessus d’elles qui sont à risque de défaillance élevée et très élevée avaient une valeur de remplacement de 33,6 milliards de dollars (G $) en 2021. Or, peu de municipalités ont pris des moyens pour les réparer et les entretenir. Pour sa part, Gatineau a créé à cette fin, en 2010, une taxe spéciale de 1% et une réserve «cycle de vie», qui lui ont rapporté 100 millions de dollars (M $) en 2021.
Mieux aménager et développer
Le développement du territoire ne s’est pas toujours fait de façon optimale. Il s’est même parfois réalisé dans l’anarchie, sans égard pour la protection du territoire agricole et l’étalement urbain, lequel, comme vient de le dire la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, «coûte une fortune». Pensons aux coûts de construction et d’entretien des infrastructures routières et municipales et aux services municipaux et autres (électricité, télécommunications) qui doivent mis en place et entretenus, et aux coûts directs pour les citoyens en frais de déplacement et en perte de temps qui en découlent.
Une meilleure planification par les municipalités, les municipalités régionales de comté, les communautés régionales et le gouvernement du Québec aurait permis d’éviter bien des erreurs, comme le développement effréné de Saint-Lin— Laurentides, où l’on ne s’est pas assuré d’avoir des réserves d’eau suffisantes avant de bâtir.
La politique d’aménagement du territoire de la ministre Laforest est un pas dans la bonne direction, mais il reste à voir les engagements que prendra le gouvernement pour sa mise en oeuvre.
Une fiscalité à repenser
En moyenne, les municipalités se financent par l’impôt foncier pour 70% de leurs dépenses. En 2019, elles ont obtenu du gouvernement Legault un nouveau pacte fiscal, qui leur a donné 1 % de la taxe de vente, soit 730 M $en cinq ans, et la création d’un Fonds régions et ruralité de 225 M $aussi sur cinq ans. François Legault refuse de renégocier un nouveau pacte, mais il est possible que de nouvelles ressources doivent être consenties aux municipalités.
Alors qu’on demande aux municipalités de densifier davantage, de protéger le patrimoine bâti, de faire plus de logements abordable et social, Québec ne peut pas se contenter de leur donner un pouvoir de préemption (priorité d’acheter avant les autres acquéreurs possibles) sur des bâtiments et des terrains et de modifier la Loi sur l’expropriation pour en accélérer les procédures sans leur donner de nouveaux moyens d’action. Les terrains industriels et commerciaux en zone urbaine qui pourraient être convertis en complexes résidentiels doivent être décontaminés, ce qui coûte cher.
Le logement abordable et social ne peut se développer sans une contribution financière de l’État. La pénurie de logements frappe partout et les taux d’inoccupation sont inférieurs à 2 % dans plusieurs villes. Dans la grande région de Montréal, plus de 200 000 ménages consacrent plus de 30 % de leur revenu brut pour se loger.
Les Villes pourraient être plus audacieuses en matière d’écofiscalité et de tarification, notamment pour l’eau potable, que l’on gaspille allègrement et que plusieurs municipalités négligent de tarifer selon le volume consommé, ce qui, en plus, est inéquitable. Il en va ainsi pour les ordures envoyées dans les centres de traitement et l’utilisation de la voie publique. La taxe sur le carburant pour financer le transport collectif est pertinente, mais les voitures électriques encombrent elles aussi la voie publique, d’où la pertinence d’une tarification kilométrique.
Les municipalités pourraient aussi faire payer par les promoteurs immobiliers les coûts des infrastructures nécessaires à leurs projets (aqueducs, égouts, rues et trottoirs) pour éviter de les faire payer par l’ensemble des contribuables. Moins de la moitié des municipalités du Québec s’en prévaudraient. Celles-ci peuvent aussi exiger des redevances sur des développements, comme on le fait à Montréal autour des stations de métro et du futur Réseau express métropolitain.
Autonomie
Une meilleure répartition des pouvoirs entre Québec et les municipalités et une plus grande responsabilisation de celles-ci permettrait d’éviter bien des dédoublements. La Ville de Gatineau a estimé que tout ce qui a été fait en double par ses fonctionnaires et les technocrates de Québec en 2016 a requis 74 000 heures de travail à 41 fonctionnaires. Cette maladie touche aussi les universités, les cégeps, les centres de service scolaires et les commissions scolaires. C’est dans cette direction que devrait regarder François Legault pour trouver les postes qu’il a promis de couper.
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J’aime
Le gouvernement canadien a interdit aux équipementiers chinois Huawei et ZTE de vendre leur infrastructure de télécommunications 5G aux sociétés de téléphonie mobile du Canada. Le gouvernement chinois, qui utilise abondamment ses infrastructures de télécommunications pour surveiller ses citoyens et même des ressortissants chinois à l’étranger, devient de plus en plus impérialiste sous la direction de Xi Jinping. L’État chinois, qui gère un vaste réseau d’espionnage industriel et de personnes, ne peut pas être considéré comme fiable. Ottawa a raison de penser qu’il y aurait eu un risque pour notre sécurité nationale et celles des Canadiens si on avait permis à Huawei de déployer chez nous cette infrastructure chinoise.
Je n’aime pas
Selon des informations obtenues par La Presse, le coût des 3480 places que devraient offrir les Maisons des aînés promises par le gouvernement Legault est rendu à 2,8 G $. C’est plus de 800 000 $pour chaque place. En octobre 2021, le rapport d’une commission créée par le gouvernement avait estimé que le coût de ces maisons était de 1,5 à 2 fois le coût des CHSLD traditionnels. La hausse des coûts de construction pourrait encore creuser cet écart, ce qui en ferait un projet extrêmement coûteux. Le gouvernement n’entend toutefois pas réduire ses intentions quant au nombre de places promises.