(Photo: 123RF)
ANALYSE. Depuis la crise de 2008 (et bien avant aussi), les économistes ont tenté, sans grand succès, de prévoir la direction des taux d’intérêt. Pourquoi est-ce si difficile ?
Tout d’abord, il faut distinguer les taux d’intérêt à court terme des taux à long terme. Les taux d’intérêt à court terme sont dictés en bonne partie par la politique monétaire de la banque centrale. En fixant le taux directeur, soit le taux du financement à un jour des principales institutions financières, elle contrôle essentiellement les taux d’intérêt à court terme.
En temps normal, on devrait s’attendre à ce que les taux à court terme montent en période de croissance soutenue de l’économie. C’est alors une façon d’augmenter les coûts d’emprunts, de limiter la croissance des investissements, bref de freiner l’économie afin d’éviter une surchauffe.
Un tel contrôle vise ultimement à contraindre le niveau d’inflation à l’intérieur d’une fourchette cible de 1 % à 3 %, soit un des principaux objectifs de la Banque du Canada. Inversement, en période de ralentissement, il est normal de s’attendre à une baisse du taux directeur afin de stimuler l’économie. C’est ce qui est arrivé en 2008 et de façon encore plus spectaculaire en 2020. Depuis quelques années, la difficulté de prévoir adéquatement les taux à court terme s’explique en grande partie par des chocs imprévus à l’économie (crise financière, pandémie).
Pour leur part, les taux d’intérêt à long terme (de 10 à 30 ans) sont généralement dictés par le marché, par les perspectives économiques d’un pays, par sa capacité perçue à rembourser sa dette.
Toutefois, depuis quelques années, plusieurs banques centrales interviennent massivement dans le marché des obligations à long terme afin d’en faire baisser les taux. C’est aussi une façon de stimuler l’économie, mais les effets à long terme sont incertains. Cette pratique s’est d’ailleurs accentuée en 2020, particulièrement au Canada, où les actifs de la Banque du Canada ont explosé, passant d’environ 120 milliards de dollars (G$) en mars 2020 à près de 550 G$ à la fin de 2020, la majeure partie de cette croissance étant dirigée à l’achat d’obligations du gouvernement du Canada.
Réduire la volatilité des portefeuilles
Historiquement, la baisse des taux d’intérêt à long terme pendant les périodes de turbulence économique a permis de réduire la volatilité des portefeuilles. Les obligations prenaient de la valeur pendant que les actions en perdaient. Le fameux portefeuille 60/40 (actions/obligations) fonctionnait à merveille. Maintenant que les taux d’intérêt sont à des niveaux très bas, il est plus difficile d’envisager que cette protection puisse encore jouer aussi bien son rôle. Il est en effet peu probable que les taux d’intérêt baissent autant qu’au cours des dernières décennies.
Le recul des taux a eu des effets importants sur la valeur accordée aux différents actifs financiers. Puisque plus les taux sont bas, plus les investisseurs sont prêts à payer cher maintenant pour un même revenu futur, tous les actifs financiers (actions, obligations, immobiliers) sont à des niveaux records. Une remontée soudaine des taux d’intérêt pourrait avoir l’effet inverse sur tous ces actifs financiers et donc un effet dévastateur sur votre portefeuille. Dans le contexte actuel, peu de catégories d’actifs des fameux portefeuilles 60/40 seraient à l’abri d’une remontée rapide des taux d’intérêt.
Si votre portefeuille n’a pas évolué depuis 20 ans, vous êtes probablement plus à risque que vous le pensez. Mieux vaut détenir un portefeuille bien diversifié qui tient compte d’une éventuelle remontée des taux d’intérêt. Pour les prochaines années, la direction des taux d’intérêt est possiblement le plus grand risque pour vos placements et pour votre niveau de vie à la retraite.
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Le gouvernement fédéral doit-il s’endetter autant ?
Lorsque le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, affirme qu’il est préférable que ce soit le gouvernement qui s’endette plutôt que les particuliers, il n’a pas tort. Ottawa peut emprunter à des taux plus avantageux. Toutefois, dépenser sans compter n’est certainement pas la meilleure approche à long terme et risque, entre autres, d’entraîner une hausse significative de l’inflation au Canada. Un jour, il faudra rembourser collectivement cette dette et ça ne se fera pas sans effort considérable.