L’immeuble Synergia, à Saint-Hyacinthe, est doté d’une structure apparente qui met en valeur différentes essences de bois d’épinette, de pin et de sapin. (Photo: Groupe Robin)
ARCHITECTURE. Les projets de construction de bâtiments en hauteur en bois ne cessent de se multiplier, tant au Québec qu’ailleurs dans le reste du pays et à l’étranger. Plusieurs immeubles résidentiels ou à bureaux sont devenus des projets phares visant à démontrer le bien-fondé de l’utilisation du bois. En voici quelques-uns.
Un pionnier
Le plus haut bâtiment du monde à avoir une structure 100 % en bois est québécois. Du haut de ses 13 étages, la tour d’habitation Origine accueille ses résidents depuis 2017 au coeur du nouvel écoquartier de Pointe-aux-lièvres, à Québec, sur un ancien terrain vacant aux abords de la rivière Saint-Charles. Avec ses 92 logements, Origine n’est pas seulement l’emblème de ce quartier à vocation environnementale, mais aussi un projet phare visant à démontrer qu’une structure en bois d’une telle envergure est réalisable, performante et sécuritaire.
«On avait la candeur de croire que le marché était prêt à utiliser le bois pour de plus grandes constructions. Mais, comme ce n’est pas le cas et que le Québec tarde à emboîter le pas, on a décidé d’être un catalyseur», explique Frédéric Verreault, porte-parole de Chantiers Chibougamau et de Nordic Structures.
L’entreprise a non seulement fabriqué le bois d’ingénierie nécessaire au projet, mais s’est aussi impliquée pour la première fois en tant que promoteur et copropriétaire d’un projet d’habitation en formant un consortium composé également du constructeur EBC et du promoteur immobilier Synchro.
Seuls le sous-sol et le rez-de-chaussée sont constitués d’une structure en béton armé. Le bois prend ensuite toute sa place avec une structure entièrement en bois massif. Les murs porteurs, les cages d’escalier et d’ascenseur, les planchers et la toiture sont constitués de panneaux de bois lamellé- croisé (CLT). Des poutres et des colonnes de bois lamellé-collé complètent le système structural. Les pièces de bois arrivaient préusinées sur le chantier, prêtes au montage, ce qui a permis de monter la structure en seulement quatre mois.
Or, au début du projet, en 2014, le Code de construction du Québec alors en vigueur ne permettait pas la construction de bâtiments en bois de plus de quatre étages. Il aura fallu à l’équipe de projet deux années de recherche et de développement pour démontrer qu’un bâtiment comme Origine pouvait notamment être de construction incombustible et répondre aux objectifs du Code.
Des bureaux écolos
Aux abords de l’autoroute 20, à Saint-Hyacinthe, se dresse depuis près de deux ans un nouvel immeuble de bureaux haut de gamme de six étages qui accueille notamment des firmes d’avocats, de comptables, des employés de Desjardins, de même que le siège social de son constructeur et propriétaire, le Groupe Robin. La particularité de l’immeuble Synergia est sa structure apparente qui met en valeur différentes essences de bois d’épinette, de pin et de sapin.
«On a choisi de faire un édifice en bois parce qu’on aime innover et faire les choses différemment», explique Nellie Robin, présidente de cette entreprise familiale fondée par son père en 1972 et qui a pris le virage de la construction verte en 2009. Le fait d’opter pour une structure de bois d’ingénierie fabriquée par Chantiers Chibougamau est ainsi cohérent avec la démarche environnementale du Groupe Robin, qui a aussi construit et qui exploite deux hôtels Holiday Inn Express & Suites ayant été certifiés LEED.
La structure de l’édifice Synergia, également certifié LEED, est composée d’un système poteaux-poutres et d’un plancher utilisé comme charpente de bois lamellé-collé, laissé apparent sous le système de plancher. Des éléments en bois lamellé-croisé sont utilisés pour les cages d’ascenseur et d’escaliers. Cette structure mixte en fait le premier projet non résidentiel du genre au Canada. «Il y a une esthétique et une chaleur qu’on ne retrouverait pas dans un bâtiment conventionnel construit en béton ou en acier», fait valoir Mme Robin, qui prévoit construire d’autres bâtiments en bois à l’avenir.
Un complexe résidentiel à deux pas du centre-ville
Le quartier montréalais de Griffintown prend de l’essor. Comme en témoigne la présence de nombreuses grues qui s’affairent, depuis plusieurs années déjà, à revitaliser l’un des plus anciens quartiers de la ville.
Au coeur de cette effervescence se trouve le plus vaste projet résidentiel en bois lamellé-croisé du monde. Le complexe Arbora, qui s’étend sur une superficie de près de 600 000 pieds carrés, comprend trois bâtiments de huit et de neuf étages construits à partir de planches d’épinettes noires provenant de la forêt boréale. Arbora s’est aussi approvisionné auprès de Nordic Structures, la société-soeur de Chantiers Chibougamau et seul fabricant québécois de bois CLT.
Lancé à l’automne 2015 au coût de 130 millions de dollars par LSR GesDev et Sotramont, le complexe Arbora totalise 434 logements qui se déclinent en 274 copropriétés, 130 logements locatifs et 30 maisons de ville, en plus de quelques commerces. «Pensé pour la ville, mais inspiré par la nature, Arbora est un développement écologique qui offre une expérience d’habitation unique. On voulait ainsi créer un milieu où l’omniprésence du bois et les espaces épurés nous branchent sur la nature», soulignait alors Annie Lemieux, présidente du gestionnaire et développeur immobilier LSR GesDev. Outre sa structure en panneaux de bois massif, les logements intègrent aussi des poutres et des colonnes apparentes en bois.
Même des gratte-ciel
Le Japon voit haut. En février 2018, l’entreprise Sumitomo Forestry y annonçait son intention d’y construire le plus haut gratte-ciel en bois jamais érigé. Implanté au coeur de la capitale, Tokyo, l’édifice de 70 étages abritera des boutiques, des hôtels, des résidences et des bureaux. Sa structure, composée à 90 % de bois, sera conçue pour résister aux vents violents et aux séismes, deux phénomènes auxquels le pays est régulièrement exposé. La tour culminera à 350 mètres et sera achevée en 2041. Juste à temps pour célébrer le 350e anniversaire de cette entreprise dont la devise est «Le bonheur pousse dans les arbres».
Les promoteurs de l’utilisation du bois dans la construction semblent en effet avoir opté pour la tendance Sky is the limit ! «Il y a présentement une course à la hauteur pour démontrer le bien-fondé de l’utilisation du bois. Il serait effectivement possible de construire des édifices en bois massif qui comptent au moins jusqu’à 30 étages sans problème», souligne Gérald Beaulieu, directeur du Centre d’expertise sur la construction commerciale en bois (Cecobois). M. Verreault, de Chantiers Chibougamau et de Nordic Structures, fait écho à ses propos. «La construction d’édifices en bois de plus en plus haut, de 20, 30 ou même de 40 étages est vraisemblable. Mais il faut s’assurer de ne pas bousculer les choses», estime-t-il.
En mars dernier, la Mjøsa Tower est devenue le plus haut immeuble majoritairement fait de bois du monde, avec ses 18 étages qui s’élèvent à 85,4 mètres dans la ville norvégienne de Brumunddal. L’édifice abrite entre autres un hôtel avec piscine, des bureaux et des résidences privées.