De sommets en sommets. (Source: Charlie Bilello, de Pension Partners)
Les sommets boursiers – trois depuis septembre 2018 – suscitent toujours autant de méfiance.
En soit, les doutes confèrent à la Bourse un potentiel d’appréciation puisque les sceptiques pourraient revenir en Bourse.
Les stratèges sont en effet nombreux à répéter que des billions de dollars dorment dans les portefeuilles des pros qui ne croient pas que le marché haussier puisse durer encore bien longtemps.
Même l’optimiste Michael Hartnett, de Bank of America Merrill Lynch, prédit une dégelée plus tard cet été, après le retour des investisseurs frustrés d’avoir raté le rebond de 25% depuis Noël.
«L’appétit du risque, qui se manifeste surtout dans les obligations de sociétés et les paris contre la volatilité, se déplacera bientôt aux actions», croit le stratège américain en chef qui prévoit que le S&P 500 franchira la barre des 3000 points, au cours des prochains mois.
Le stratège de New York attend toutefois que l’appât du gain refasse surface avant d’annoncer la fin des festivités en Bourse.
Pour l’instant, aucun de ses indicateurs d’optimisme ou ceux qui mesurent la répartition en actions des gestionnaires de portefeuille et des négociateurs ne signalent l’excès de confiance qui précède historiquement les pointes de marché.
Actuellement, le nombre croissant de banques centrales accommodantes ainsi que la modération de l’économie et de l’inflation (qui freine la hausse des taux) soulèvent les cours, explique-t-il.
Le secteur de la technologie aurait pris beaucoup plus d’altitude (melt-up) que le S&P 500 depuis le début de l’année 2019 si ce n’avait été de la force du dollar américain qui déprécie les revenus que ces entreprises réalisent à l’étranger (59%), croit-il.
Le billet vert est à un sommet en 23 mois parce que l’économie américaine se porte bien mieux que celle de bien d’autres pays, ce qui attire des capitaux tant à la Bourse que dans les obligations.
Les sommets boursiers du 27 avril proviennent davantage de la faible inflation observée (1,3% pour l’indice PCE en rythme annuel) que du rebond inattendu de la croissance économique à 3,2%, au premier trimestre (le meilleur taux en quatre ans).
En d’autres mots, le regain de 25% du S&P 500 depuis le 24 décembre repose surtout sur l’apaisement des craintes de récession et non pas sur le pari d’une reprise en force de l’économie et des profits.
M. Hartnett en déduit que, paradoxalement, une ré-accélération mondiale et un rebond des taux pourraient jouer les trouble-fête puisque tant d’investisseurs semblent miser sur une longue pause – et certains même sur une baisse des taux – par la Fed.
Les contrats à terme accordent une probabilité de 70% à ce que la Fed abaisse son taux directeur d’ici janvier 2020.
Ce stratège boude les actions américaines
D’autres stratèges ont déjà tourné le dos aux actions américaines pour le motif contraire.
C’est le cas de Martin Roberge de Canaccord Genuity qui estime que les profits ne viendront pas à la rescousse de la Bourse, comme l’espèrent les investisseurs.
Le S&P 500 a-t-il trop pris d’avance par rapport à l’économie et aux profits, se demande Martin Roberge de Canaccord Genuity.
Contrairement aux reprises de 2013 et de 2016 en Bourse, l’élan économique et la croissance des bénéfices ralentissent encore.
«Lors de ces deux épisodes, nous avions recommandé de profiter des replis pour acheter les actions parce que les indicateurs économiques et les prévisions de profits avaient cessé de se détériorer. Ce n’est pas le cas actuellement», prévient le stratège quantitatif.
Si les bénéfices du premier trimestre surpassent les attentes diminuées, peu de dirigeants misent sur une reprise au deuxième semestre, renchérit-il.
À son avis, le taux de croissance de 7% des bénéfices prévus dans 12 mois est donc trop élevé.
«Le S&P 500 nous semble trop en avance sur le cycle des bénéfices pour que l’élan haussier actuel dure», conclut-il.