Qui est le plus touché psychologiquement par la COVID-19?
Olivier Schmouker|Publié le 10 juillet 2020Une partie très précise de la population... (Photo: Sharon McCutcheon/Unsplash)
CHRONIQUE. La pandémie du nouveau coronavirus nous affecte tous, ne serait-ce qu’en raison du fait que notre quotidien a changé du tout au tout : se tenir à deux mètres de distance les uns des autres; travailler également à distance; porter un masque en lieu public fermé; se laver les mains à tout bout de champ; etc. Sans surprise, cela affecte directement notre santé mentale : bouffées d’angoisse à l’idée de tomber soi-même gravement malade, ou que cela arrive à l’un de nos proches; vagues d’anxiété à l’idée de perdre notre emploi, et de peiner à en trouver un autre à cause de la récession économique; etc.
Résultat? Tous, oui tous, nous voilà atteints d’une santé mentale chancelante. Bien entendu, certains parviennent à y faire face mieux que d’autres, étant plus à même de tirer du positif à partir du négatif. Néanmoins, il faut nous rendre à l’évidence que chacun de nous est, en vérité, fragile. À tout le moins nettement plus que ce qu’on pouvait croire avant que la pandémie ne sévisse.
La question saute aux yeux : y aurait-il, par hasard, une certaine catégorie de personnes plus fragiles que d’autres? Et donc, certaines personnes qui mériteraient une plus grande attention de la part des gouvernements, des instances dirigeantes, ou encore des employeurs?
La réponse, je l’ai dénichée dans une étude de Statistique Canada, et elle devrait en surprendre plus d’un…
C’est que la chercheuse Melissa Moyser a eu la curiosité de regarder l’impact psychologique sur les Canadiens en fonction d’un seul critère, leur sexe, et cela lui a permis de découvrir qu’il y en avait un qui était nettement plus touché que les autres, celui… des «diverses identités de genre» (DIG), c’est-à-dire les personnes qui ne s’identifient ni entièrement au genre masculin ni entièrement au genre féminin.
Ainsi, les trois quarts (70%) des DIG déclarent avoir, depuis le début de la pandémie, une santé mentale «passable» ou «mauvaise». En guise de comparaison, c’est également le cas pour le quart (25,5%) des femmes et pour le cinquième (21%) des hommes.
Comment expliquer que la santé mentale des DIG soit plus vacillante que celles des autres? «Leur moins bon état de santé mentale depuis le début de la pandémie peut s’expliquer en partie par leur âge, note Mme Moyser. Des recherches ont révélé que la santé mentale des jeunes Canadiens a été particulièrement touchée par la pandémie et le confinement. Or, la moitié des DIG (55%) ont moins de 30 ans, par rapport à 22% des femmes et à 21% des hommes.»
Une pandémie dévastatrice
La proportion des DIG ayant déclaré des symptômes «modérés» ou «graves» correspondant au trouble anxieux généralisé – agitation ou surexcitation ou nervosité; difficultés de concentration; irritabilité; sommeil perturbé; etc. – est deux fois plus élevée (62%) que celle des femmes (29%) et trois fois plus élevée que celle des hommes (20,5%).
Qu’est-ce qui inquiète particulièrement les DIG? Des répercussions potentielles très précises, comme:
– La santé des personnes vulnérables;
– L’engorgement du système de santé;
– La santé de la population mondiale;
– La santé de la population canadienne;
– La capacité à coopérer et à s’entraider après la crise.
(Source: Statistique Canada, 2020.)
Autrement dit, les DIG se montrent nettement plus anxieux que les autres concernant d’une part l’impact global du nouveau coronavirus sur la santé, d’autre part la faible résilience de notre société face à la situation extrême que nous connaissons tous. C’est bien simple, ils craignent que les ravages sanitaires ne soient dévastateurs et que cela mette en péril la cohésion sociale. Ni plus ni moins.
À cela s’ajoute le fait que la «mise sur pause» de l’économie consécutive à l’arrivée du nouveau coronavirus a eu des conséquences économiques directes sur eux:
– Emploi. 14% des DIG se disent «d’accord» ou «tout à fait d’accord» avec l’énoncé selon lequel ils pourraient fort bien perdre leur emploi au cours des quatre prochaines semaines; pour les femmes, la proportion est de 11%, et pour les hommes, de 12,5%. D’ailleurs, ils sont également plus nombreux à avoir perdu leur emploi au cours des quatre semaines ayant précédé le sondage (15% par rapport à 9% pour les femmes et 8% pour les hommes).
– Finances personnelles. 40% des DIG disent que la COVID-19 a des répercussions «modérées» ou «majeures» sur leur capacité à respecter leurs obligations financières ou à répondre à leurs besoins essentiels (ex.: le loyer ou les paiements hypothécaires, les services publics, l’épicerie,…). Pour les femmes et les hommes, la même proportion est de respectivement 23,5% et 24%.
Bref, les DIG ont été plus touchés que les autres en matière d’emploi et de finances personnelles. Et ils se montrent plus anxieux que les autres à l’idée que la pandémie fasse des ravages dans la société, tant sanitaires que sociaux. Si bien que la conclusion saute aux yeux : les DIG méritent la plus grande attention qui soit, ces temps-ci; et ce, tant de la part des gouvernements que celle des instances dirigeantes et des employeurs. À bons entendeurs, salut!
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Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l’actualité économique à la lumière des grands penseurs d’hier et d’aujourd’hui, quitte à renverser quelques idées reçues.
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