Même s’il est en baisse, le type de transfert familial est encore courant. [Photo: 123RF]
TRANSFERT D’ENTREPRISE — Un homme proche de la quarantaine avec un diplôme universitaire : voilà le portrait robot de ceux qui se portent acquéreurs dans un transfert d’entreprise, selon Vincent Lecorne, PDG du Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ). Sauf que… «si on sort des chiffres et des moyennes, on a de tout», précise-t-il.
Il peut s’agir de candidats plus jeunes, qui veulent «être leur propre patron», mais qui n’ont pas encore le réseau ou l’expérience pour lancer leur propre projet. Ou bien des entrepreneurs plus âgés qui veulent se départir de leur entreprise pour s’occuper d’une autre de moins grande envergure avant de partir à la retraite.
«[On voit] de plus en plus de travailleurs, de professionnels qui ont accumulé des sommes d’argent, qui ont la fibre et qui décident de regarder dans l’investissement [de ces sommes]», résume Julie Morand, vice-présidente adjointe, Transfert d’entreprise à la Banque Nationale.
Un portrait en mutation
Des changements liés à un bouleversement démographique et générationnel sont en cours. Alors que les familles comptent de moins en moins d’enfants, le nombre de candidats pouvant reprendre l’entreprise familiale est par conséquent à la baisse lui aussi. Ainsi, près de 50 % des cédants potentiels prévoient vendre à un acheteur externe, selon un récent sondage de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante.
Les reprises en équipe sont quant à elles en hausse, parce que des entrepreneurs préfèrent répartir les risques, mettre en commun leurs talents et garder un niveau de vie intéressant à l’extérieur du travail, une préoccupation de plus en plus présente chez les jeunes. «Ça permet de garder un équilibre», estime Mme Morand.
Pour M. Lecorne, s’il existe une diversité de plus en plus grande de cas, une chose unit tous les repreneurs : la fibre entrepreneuriale. «Il n’y a pas d’âge pour être repreneur», ajoute-t-il.
Nathalie Proulx, avocate spécialisée en fusions et acquisitions chez Spiegel Sohmer, renchérit : elle dit constater la présence de plus en plus de jeunes qui veulent délaisser les voies «traditionnelles», d’immigrants qui sont motivés et qui ont une bonne tolérance au risque et de femmes qui ont l’occasion de prendre du galon.
Quatre catégories de repreneurs
L’avocate répartit cette grande diversité de gens dans quatre catégories qui permettent de mieux comprendre l’origine de la plupart des acquéreurs et leur relation avec l’entité qu’ils veulent acheter.
> L’actionnaire. Souvent, une personne déjà impliquée dans la gestion d’une entreprise va vouloir augmenter ses parts de façon à devenir le seul ou le principal propriétaire. Il s’agit donc nécessairement d’une personne qui est déjà au fait des rouages internes d’une entreprise. «Ils connaissent déjà la business, le dirigeant a confiance en eux», selon Mme Morand.
> L’employé clé. Il fait partie de la «famille» qu’est l’entreprise depuis longtemps, il la connaît très bien et est prêt à prendre le relais en sachant ce que représente le travail sur le terrain. Vu l’importance de la mission et des valeurs dans une PME, un individu qui connaît la culture a de meilleures chances de mener à bien un transfert.
> Le membre de la famille. Même s’il est en baisse, ce type de transfert est encore courant. Il présente en outre des aspects financiers distincts.
> Le tiers parti. Ça peut être «un client, un compétiteur, un partenaire stratégique – d’ici ou d’ailleurs -, un entrepreneur qui a des liquidités à investir et qui veut transmettre son savoir sans nécessairement avoir une grande implication», résume Mme Proulx.
Des conditions favorables dans un marché bien rodé
Pourquoi racheter plutôt que fonder sa propre jeune pousse ? «En démarrage, c’est très difficile de passer le cap des cinq ans. La reprise offre un cadre qui existe, des clients, un réseau, des distributeurs, une comptabilité…», explique M. Lecorne.
Et le marché est à l’avantage des acheteurs. Le Fonds de transfert d’entreprise du Québec (FTEQ) évalue que d’ici 2020, 98 000 entrepreneurs prendront leur retraite, mais qu’il n’y a que 60 000 repreneurs potentiels.
C’est cet écart qui a mené à la création du FTEQ et du CTEQ dans les dernières années. Si le Québec veut demeurer un des endroits où les entreprises survivent le plus au départ de leur fondateur – la province est au deuxième rang mondial en la matière, selon une enquête du Global Entrepreneurship Monitor effectuée en 2017 -, il faudra éviter une pénurie d’acquéreurs. À qui la chance ?