Les start-ups peuvent apprendre des déboires financiers de grandes compagnies technologiques comme Twitter.(Photo : Souvik Banerjee)
BLOGUE INVITÉ. Après une euphorie totale dans le domaine de la technologie, nous assistons maintenant à la descente rapide de la majorité des grandes sociétés technologiques. Qu’on pense à l’acquisition de Twitter par Elon Musk qui parle déjà de la possibilité d’une faillite ou encore des 11 000 salariés qui ont perdu leurs emplois chez Meta, société mère de Facebook dans les dernières semaines. Je pourrais malheureusement continuer la liste longtemps.
Maintenant, que pouvons-nous retirer de cette crise des techs? Voici trois leçons que nous pouvons apprendre de cette situation.
1 – Prévoir la demande des clients pour vous aider à choisir où vous allez investir l’argent.
La structure de coûts des Big Techs a été mal gérée par rapport à d’autres industries, car l’embauche n’était plus dictée par le potentiel de la demande et du chiffre d’affaires, mais plutôt par le désir d’attirer de nouveaux talents, avant leurs concurrents. Dans le domaine de l’intelligence artificielle, plusieurs alléguaient même que la valorisation des entreprises était directement reliée au nombre de détenteurs de doctorat embauché, sans aucun lien avec la qualité du produit ou les revenus de l’entreprise. Cette pression concurrentielle à embaucher à tout prix et le plus rapidement possible à conduit à une mauvaise allocation des ressources pour les Big Techs et cela se voit dans leurs bénéfices!
Idéalement, les start-ups embauchent en fonction de la nécessité, motivée par la demande des clients. Par exemple, la grande majorité des investisseurs en capital de risque vont refuser d’investir dans une start-up qui cherche à lever de l’argent pour générer plus de demande avant d’avoir une certaine validation du marché. C’est ce qu’on appelle dans le milieu « le product-market-fit » qui est en soi la corrélation entre le produit et la demande réelle de clients à payer pour ce produit.
Embaucher une masse de talents, même s’ils sont parmi les plus intelligents du marché, sans vraiment savoir ce que vous allez faire risque fortement d’amener à un échec ou vous mettre dans la même situation que les Big Techs qui doivent rapidement procéder à des coupures massives. Pensons par exemple à Element AI qui durant un moment était perçu comme la prochaine licorne et abritait les plus grands cerveaux de l’intelligence artificielle de Montréal. Le problème : elle embauchait sans arrêt, en se disant probablement que cela finirait par donner des produits géniaux. Malgré tous les talents qui s’y trouvaient, l’entreprise n’a jamais réussi à créer un produit avec un vrai potentiel commercial et, après des centaines de millions investis (incluant beaucoup d’argent public), elle fut vendue au rabais pour environ 500 millions de dollars à ServiceNow, soit nettement moins que sa dernière valorisation.
2 – Créer un plan détaillé pour atteindre vos objectifs de revenus
Quelle est la meilleure manière de prévoir la demande des clients? C’est certainement d’avoir un plan détaillé pour atteindre vos objectifs de revenus. Trop de Big Techs ont profité de la faiblesse du coût des capitaux ainsi que de la pandémie sans bien planifier leurs objectifs de revenus. Beaucoup d’entreprises ont estimé l’augmentation de leurs revenus basée sur « l’acquisition de nouveaux comportements » durant la pandémie plutôt que là sur la mise en place d’un plan pour s’assurer d’atteindre leur revenu. C’est le cas de Shopify qui, après avoir vu l’augmentation très rapide des ventes sur ses plateformes de commerce électronique, avait faussement cru que cette tendance deviendrait un acquis et se poursuivrait après la pandémie. Résultat : elle embaucha massivement et fit des prévisions de revenus très optimistes, qu’elle n’a pu évidemment pas atteindre.
Par exemple, chez Connect&GO, nous prévoyons doubler nos revenus en 2023, malgré la possible récession. C’est un objectif très ambitieux et qui demande beaucoup de planification. Il est facile pour le président de lancer : «nous devons doubler nos revenus l’an prochain», mais il l’est beaucoup moins de planifier comment nous allons nous assurer d’atteindre la cible.
C’est aussi cet exercice qui nous permet de rapidement voir si notre hypothèse est vraiment plausible, ainsi que de prévoir des scénarios pouvant affecter de manière importante à la baisse ou à la hausse la prévision (par exemple : si au premier trimestre, nous n’avons pas X revenus signés, nos chances d’atteindre la cible seront réduites de 50% et nous devrons par conséquent prendre immédiatement les décisions nécessaires).
Bien qu’il soit presque impossible de prévoir parfaitement le chiffre d’affaires que nous allons réaliser l’an prochain, avoir un plan clair augmente nos chances de l’atteindre, mais le plus important : ne pas faire comme les Big Techs et attendre qu’il soit trop tard avant de prendre les décisions nécessaires.
3 – Les modèles de revenus récurrents sont plus utiles en période de ralentissement
Une grande partie des sociétés technologiques qui en arrachent en ce moment ne sont pas basées principalement sur des modèles de revenus récurrents. Effectivement, si on pense à Facebook, Twitter, Snap et plusieurs autres, leur principal modèle d’affaires relève de la publicité en ligne et n’ont presque pas de revenus récurrents garantis. Dans le cas de Shopify, outre l’abonnement à la plateforme (qui les aide), une autre portion des revenus sont basés sur un pourcentage des transactions sur ses sites de commerce en ligne. Une baisse de leurs performances affectera immédiatement sa propre performance!
Les cycles économiques plus difficiles tels que celui que nous connaissons en ce moment nous rappellent pourquoi les investisseurs sont aussi obsédés par les modèles de revenus basés sur les abonnements. Bien que les modèles de tarification basés sur la valeur commençaient à gagner du terrain et ont encore du sens dans de nombreuses entreprises, il est certain que dans les prochains mois les investisseurs apprécieront à nouveau de plus en plus la certitude des revenus récurrents.
Ne faites donc pas comme Elon Musk et Twitter qui tentent à la va-vite d’imposer à leurs utilisateurs un modèle de revenus récurrents, mais pensez plutôt dès le début comment votre projet pourrait générer des revenus stables, prévisibles et récurrents. Cela vous aidera fortement à traverser n’importe quelle crise!
De votre côté, avez-vous d’autres apprentissages ou observations sur la chute actuelle des grandes sociétés technologiques? N’hésitez pas à m’écrire pour me donner votre point de vue!