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John Plassard

Préparé pour le futur

John Plassard

Expert(e) invité(e)

Rachats d’actions: conséquences et opportunités

John Plassard|Mis à jour le 18 juin 2024

Rachats d’actions: conséquences et opportunités

De nombreux cadres recevant l’essentiel de leur rémunération sous forme d’options d’achat, le retour des rachats n’est-il pas un moyen de gonfler leurs rémunération? (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Le mois d’avril a marqué le premier mois de baisse pour le S&P 500 depuis novembre dernier. Une adaptation du consensus à un moins grand nombre de baisses de taux de la Fed en 2024, une prise de bénéfices ou encore des tensions géopolitiques à leur apogée ont poussé les investisseurs à se demander si le momentum haussier des marchés était «cassé». C’était sans compter sur une «aide artificielle»: les rachats d’actions ou les «Share buybacks» en anglais. Synthèse, analyse et mécanisme.

 

Les faits

Dix sociétés du S&P 500, dont Alphabet, RTX et Meta Platforms, ont racheté 91 milliards de dollars de leurs propres actions au quatrième trimestre 2023, selon des données récemment publiées par S&P Dow Jones Indices. Cela vous impressionne? Attendez seulement.

Apple a annoncé jeudi dernier le plus important rachat d’actions jamais réalisé aux États-Unis, en déclarant que son conseil d’administration a approuvé un montant supplémentaire de 110 milliards de dollars pour le rachat d’actions. Avec cette annonce, le fabricant d’iPhones dépasse son propre record de la plus grande valeur de rachat annoncée aux États-Unis. En 2018, le géant de la technologie a autorisé 100 milliards de dollars de rachats d’actions, selon les données compilées par la société d’études de marché Birinyi Associates reprises par l’agence Bloomberg.

C’est simple, Apple a racheté pour 625 milliards de dollars d’actions au cours des dix dernières années, ce qui est supérieur à la capitalisation boursière de 492 entreprises du S&P 500!

 

 

Les rachats d’actions sont populaires, même si le Congrès leur a imposé une taxe de 1% en 2023.

 

 

Quelle est concrètement la «puissance de feu»?

Les entreprises du S&P 500 devraient racheter 925 milliards de dollars de leurs propres actions cette année, ce qui représente un gain annuel de 13%, alors que Goldman Sachs prévoyait initialement un gain de 4%. Les rachats devraient ensuite augmenter de 16% en 2025, pour atteindre 1,075 milliard de dollars pour la première fois, alimentés par les bénéfices importants des grandes entreprises technologiques ont déclaré les stratèges de Goldman Sachs.

 

 

«La croissance des bénéfices est le principal moteur des rachats d’actions au niveau de l’indice, expliquant environ la moitié de la variation d’une année sur l’autre», ont déclaré les stratèges Cormac Conners et David Kostin de Goldman Sachs. Selon eux, Goldman a récemment revu à la hausse ses prévisions de bénéfices pour 2024 et 2025 pour le S&P 500 «en raison de l’amélioration de l’environnement de croissance économique et de marges ainsi que de bénéfices plus élevés que prévu pour les mégacaps technologiques».

La croissance de la technologie sera alimentée par «de fortes dépenses de consommation et une demande accrue de produits liés à l’intelligence artificielle», ont-ils ajouté.

Par ailleurs, la baisse des rendements des bons du Trésor par rapport à leur niveau record d’octobre est bénéfique. Les réductions de taux de la Fed, qui devraient commencer à la mi-2024, «devraient entraîner un certain relâchement des conditions d’ici à 2025».

 

Qu’en dit… Warren Buffett?

En mars dernier, Warren Buffett a défendu les rachats d’actions dans la lettre annuelle de Berkshire Hathaway, s’opposant à ceux qui s’insurgent contre cette pratique qu’il estime bénéfique pour tous les actionnaires. «Lorsqu’on vous dit que tous les rachats sont nuisibles aux actionnaires ou au pays, ou particulièrement bénéfiques aux PDG, vous écoutez soit un analphabète économique, soit un démagogue à la langue d’argent (des caractères qui ne s’excluent pas mutuellement)».

Les médias se sont emparés de cette citation sans prendre le temps de lire ce que Warren Buffett a réellement écrit dans sa lettre annuelle.

«Le calcul n’est pas compliqué : lorsque le nombre d’actions diminue, votre intérêt pour nos nombreuses activités augmente. Chaque petit geste compte si les rachats sont effectués à des prix qui augmentent la valeur de l’entreprise.

Il est tout aussi certain que lorsqu’une entreprise paie trop cher ses rachats, les actionnaires restants sont perdants. Dans ce cas, les gains ne profitent qu’aux actionnaires vendeurs et au banquier d’affaires sympathique, mais onéreux, qui a recommandé ces achats insensés.

Il convient de souligner que les gains provenant de rachats qui augmentent la valeur de l’entreprise profitent à tous les propriétaires, à tous les égards».

 

À SUIVRE: Qu’est-ce que la période de blackout?

Qu’est-ce que la période de blackout?

Certaines entreprises suspendent temporairement leurs programmes de rachat d’actions pendant les périodes de blackouts lors de la publication des résultats pour des raisons réglementaires.

Ces périodes commencent généralement quelques semaines avant la publication des résultats et se terminent quelques jours après la publication des résultats.

Selon la théorie du blackout, on s’attend à ce que la performance de certaines entreprises diminue parce que les entreprises ne peuvent pas racheter d’actions avant la publication des résultats, ce qui déprime le soutien des prix.

 

 

On constate dans le graphique ci-dessous de Deutsche Bank que la période de blackout correspond exactement à la baisse des marchés d’avril. Hasard?

 

 

Les effets sur les marchés

Pendant la majeure partie du XXe siècle, les rachats d’actions ont été considérés comme illégaux, car ils étaient assimilés à une forme de manipulation du marché boursier. Mais depuis 1982, date à laquelle ils ont été légalisés par la SEC, les rachats d’actions sont devenus l’outil d’ingénierie financière le plus populaire dans la boîte à outils du chef d’entreprise.

Les rachats d’actions sont souvent cités comme un soutien clé pour le marché des actions.

En effet, de manière technique, les rachats diminuent le nombre d’actions en circulation d’une société, ce qui augmente les bénéfices par action et fait baisser le ratio cours/bénéfices.

Ce ratio indique aux investisseurs combien de fois une action se négocie par rapport à son bénéfice, indiquant si l’action est chère ou non. Étant donné que les bénéfices d’une société ne seront pas directement influencés par le nombre d’actions en circulation, le rachat d’actions augmentera le bénéfice par action.

Si le cours de l’action demeure inchangé, le ratio cours/bénéfice diminuera alors, donnant l’impression que l’action semble moins dispendieuse.

Différents ratios tirés du bilan sont également influencés positivement par cette transaction. Ces ratios sont souvent utilisés pour évaluer la qualité et la rentabilité d’une entreprise. Les entreprises utilisent une partie de leurs actifs (trésorerie et équivalents de trésorerie) pour racheter des actions, ce qui réduit les actifs et les capitaux propres.

 

Quels secteurs en particulier?

Sans surprise, il y a 3 secteurs qui se distinguent lorsqu’on parle de rachats d’actions :

• Technologie: Les entreprises technologiques génèrent souvent d’importants excédents de trésorerie et peuvent avoir recours à des rachats d’actions pour redonner de la valeur aux actionnaires.

• Biens de consommation de base: Les entreprises de ce secteur ont tendance à avoir des flux de trésorerie stables et peuvent recourir aux rachats d’actions pour améliorer leurs ratios financiers ou gérer les actions en circulation.

• Secteur financier: Les banques et autres institutions financières peuvent procéder à des rachats d’actions pour améliorer leurs ratios d’adéquation des fonds propres.

 

Les questions

Si on peut s’accorder pour dire que les rachats d’actions sont techniquement positifs pour le marché des actions, cela laisse cependant plusieurs questions en suspens.

• Pour une société qui achèterait des actions considérées comme surévaluées ne serait-il pas préférable de verser cette somme sous forme de dividende afin que les actionnaires puissent l’investir plus efficacement?

• L’augmentation technique des BPA (bénéfices par action) suite aux rachats d’actions reflète telle vraiment la valeur fondamentale de l’entreprise?

• Le recours aux rachats d’actions au détriment de la partie R&D (recherche et développement) ne réduit-il pas la productivité de l’entreprise?

• De nombreux cadres recevant l’essentiel de leur rémunération sous forme d’options d’achat d’actions, le retour des rachats (d’actions) n’est-il pas un moyen de gonfler la rémunération de certains actionnaires?

• Est-il juste qu’une entreprise puisse recourir à l’endettement pour financer des achats d’actions qui augmentent ses bénéfices?

• Dans certains cas, n’est-il pas risqué pour une entreprise d’utiliser les rachats d’actions par effet de levier comme moyen de repousser un raid hostile? Rappelons que certaines entreprises s’endettent lourdement pour racheter des actions. Ces rachats par effet de levier peuvent réussir à déjouer des offres hostiles en augmentant la valeur des actions (si tout va bien) et en ajoutant une grande partie de la dette indésirable au bilan de l’entreprise.

 

Comment observer la thématique?

Il y a plusieurs façons de suivre la thématique.

La première est de regarder les valeurs qui historiquement annoncent le plus de rachats d’actions, au nombre de celle-ci: Apple. Meta, Alphabet, Bank of America, Oracle

Sinon, il y a plusieurs FNB qui suivent la thématique.

Synthèse

Il y a les pros et les antis rachats d’actions. Certains analystes craignent que l’accumulation des «share buybacks» ne se fassent au détriment de la partie recherche et développement (R&D) d’une entreprise, alors que d’autres apprécient que l’on «récompense» les actionnaires. Quoi qu’il en soit, tout le monde est d’accord sur le fait que ces annonces ont un effet positif sur le cours de l’action d’une entreprise et plus globalement d’un indice.

 

 

 

Ce texte est tiré de l’infolettre quotidienne de John Plassard, gracieuseté de Mirabaud

 

** Veuillez prendre note que les visuels de notre expert sont présentés en anglais à titre informatif et ne peuvent être traduits par notre équipe. Merci de votre compréhension.