Pierre Néron, fondateur et président de Cristal Innovation, compte installer d'autres stations de désinfectant au Québec dans les prochains mois. (Photo: François Normand)
S’ADAPTER À LA CRISE. La nécessité est mère de l’invention, dit l’adage. Celui-ci s’applique bien à des dizaines d’entreprises du Québec qui se sont littéralement «virées sur un 10 cents» pour diversifier leurs sources de revenus afin de limiter leurs pertes, voire de survivre.
C’est le cas de GLM Conseil, qui aide les PME manufacturières du Québec à exécuter leur virage numérique. La fermeture des entreprises jugées non essentielles, en mars et en avril, a bouleversé ses activités qui reposaient avant tout sur des visites dans les usines.
«Non seulement on offre des formations en ligne et on fait des «pitch de vente» à distance, mais notre plateforme abrite aussi la formation en ligne d’autres organisations», explique Benoit Cormier, associé de la firme de Longueuil.
Au début de la crise, GLM a mis à pied temporairement la plupart de ses 32 employés. Ce virage stratégique a toutefois permis à l’entreprise de générer de nouveaux revenus (elle prend notamment une quotepart sur les formations qui transitent par son site web).
«On récupère nos employés un par un, et on est en train de les former», dit Benoit Cormier, en précisant que la livraison de la formation à distance et l’hébergement d’autres formations d’entreprises vont demeurer dans son offre de service afin d’être une PME plus résiliente.
Se diversifier est clé
En 2015, la Banque de développement du Canada (BDC) a publié «Diversifier, diversifier, diversifier… une stratégie de croissance essentielle», une étude qui montrait à quel point la diversification est importante pour assurer la résilience des PME canadiennes.
«Non seulement les entreprises les plus diversifiées sont-elles de loin les plus performantes, mais celles qui sont quelque peu diversifiées ont aussi tendance à mieux performer que celles qui ne le sont pas du tout», écrit la BDC, qui a sondé 1 000 PME albertaines en 2015 (fabrication, construction, ressources) pour voir leur réaction à la baisse du prix du pétrole.
Un constat encore plus d’actualité aujourd’hui, en pleine pandémie de COVID-19, alors que plusieurs entreprises très nichées, mais non diversifiées, ont pâti dès les premiers jours du confinement de millions de Québécois.
Cristal Innovation, une PME de Saint-Bruno-de-Montarville, qui exploite un réseau de 54 stations lave-glace au Québec permettant de faire le plein de lave-glace avec un pistolet comme on le fait pour un plein d’essence, s’est retrouvée dans cette situation fâcheuse.
Le confinement et les fermetures d’entreprises ont fait tomber la demande en lave-glace au Québec. Pour compenser la chute de ses revenus, la PME a lancé un nouveau concept : des stations pour distribuer du désinfectant à main liquide à 70 %, approuvé par Santé Canada.
«On a une station dans notre stationnement arrière, dans le parc industriel de Saint-Bruno, et on vient d’en installer une autre dans le stationnement du IGA Lambert, à Chambly», dit Pierre Néron, fondateur et président de Cristal Innovation, qui emploie trois personnes et qui affiche des revenus oscillants entre 500 000 $ et 1 million de dollars.
L’entrepreneur compte installer d’autres stations de désinfectant au Québec dans les prochains mois, et, à terme, diversifier davantage son offre afin de vendre d’autres types de liquides en vrac (non comestibles).
Pivoter en toute agilité
La start-up montréalaise Shapeshift 3D s’est aussi retournée rapidement pour diversifier ses activités. Elle a lancé un prototype de masque de protection réutilisable personnalisé, «Beyond Fit», qu’elle veut vendre à la santé publique, mais aussi à entreprises privées.
«Nous sommes dans un scénario où l’on veut faire un pivot. Notre entreprise sera plus résiliente qu’elle ne l’était avant la crise», assure son fondateur et PDG, Jonathan Borduas.
La PME a développé un logiciel permettant d’aider des entreprises manufacturières à fabriquer des produits sur mesure, comme des orthèses ou des casques de football. Mais, selon Jonathan Borduas, la protection du personnel de la santé et des travailleurs est plus prometteuse.
«Nous avons actuellement un projet pilote avec Rio Tinto fer et titane, à Sorel-Tracy, et nous avons des discussions avec des cabinets de dentistes et une organisation qui emploie des travailleurs d’entretien», dit le PDG de Shapeshift 3D.
La diversification, c’est bien, mais encore faut-il qu’elle soit bien exécutée, insiste Henri-Jean Bonnis, associé et PDG d’Adsum Groupe Conseil, une firme qui aide les entreprises à exécuter leur vision stratégique et qui a elle-même recentré ses activités sur la gestion de la COVID-19.
«Les entreprises doivent se préparer à trois scénarios, soit l’optimiste, le réaliste et le pessimiste», dit-il. Le premier prévoit une reprise économique à l’automne 2020, le deuxième à l’automne 2021 et le troisième à l’automne 2022.
Même en temps de crise, il faut continuer de planifier à long terme, souligne Henri-Jean Bonnis.