Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

Recherche mentors pour futures ingénieures

Maxime Bilodeau|Édition de mars 2020

Recherche mentors pour futures ingénieures

Louise Audy, ingénieure et membre bénévole du comité régional de ­Mauricie–Centre-du-Québec de l’OIQ (Photo: courtoisie)

MOIS DU GÉNIE. Ce printemps, Émilie Demers- Morin terminera son baccalauréat en génie électrique. Pourtant, l’étudiante de l’École de technologie supérieure (ÉTS) a bien failli ne jamais le débuter, et ce, malgré son intérêt manifeste pour les sciences. « À plusieurs étapes de mon parcours scolaire, il y a eu des adultes accomplis dans le domaine qui m’ont dissuadée de me diriger dans cette branche. Leurs questions et objections m’ont amenée à douter de ce choix de carrière », se souvient l’étudiante de 26 ans. Découragée, elle opte finalement pour des études en psychologie, qu’elle termine. Puis, elle se ravise et reconsidère ses premières amours.

« J’ai compris sur le tard que ces commentaires étaient dus, du moins en partie, à mon genre. […] Si je ne regrette pas mon parcours scolaire, force est de constater qu’il n’a pas été de tout repos », analyse-t-elle froidement. Sur les bancs de l’ÉTS, elle n’a d’ailleurs pu s’empêcher de constater qu’elle était souvent la seule fille dans sa classe. Sans parler de ces remarques aux forts relents misogynes lancées ici et là. « « T’es trop émotive »; « Tu te débrouilles bien pour une femme »… Je les ai toutes entendues. J’ai fini par me bâtir une carapace, mais ce n’est sûrement pas le cas de toutes les femmes », fait remarquer Émilie Demers-Morin.

Le mentorat à l’honneur

L’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) est bien conscient de cet enjeu. Depuis 2017, il appuie l’initiative 30 en 30 d’Ingénieurs Canada, qui vise à faire en sorte que 30 % des nouveaux ingénieurs soient des femmes en 2030. Il y a fort à faire : seulement 15 % des 65 000 membres de l’OIQ sont des ingénieures actuellement.

La situation dans les universités n’est guère mieux : chaque année, seulement 20 % des inscriptions dans l’un des programmes universitaires en génie de la province sont des femmes. « Il faut féminiser la profession afin qu’elle soit le reflet du Québec d’aujourd’hui », constate Kathy Baig, présidente de l’OIQ.

Après avoir lancé son Programme des ambassadrices l’automne dernier, lequel s’adresse aux jeunes filles du secondaire, l’OIQ s’apprête à mettre en branle un programme de mentorat pour les filles en génie (PMFG).

Dès le printemps, ce projet-pilote permettra aux jeunes femmes du Québec qui veulent devenir ingénieures d’être accompagnées tout au long de leurs études et au début de leur carrière. Il favorisera l’échange de connaissances et d’expériences entre le mentor, un ou une ingénieur(e) bénévole et la mentorée dans le but de faciliter le cheminement de cette dernière. L’OIQ travaille avec Mentorat Québec afin de préciser les tenants et aboutissants de cette relation.

Au terme de la campagne de recrutement, qui doit d’ailleurs débuter ce mois-ci, le PMFG permettra à 200 futures ingénieures d’être mentorées. Trouver des mentors ne devrait pas être une difficulté. Selon une récente enquête sur les femmes en génie réalisée par la firme Ipsos auprès des membres de l’OIQ, 76 % des répondantes et 70 % des répondants voient le parrainage de jeunes ingénieures d’un très bon oeil. « Nous pensons que cette expérience d’aide et de partage va amener l’étudiante à persévérer dans son cheminement, prévoit Kathy Baig. L’appartenance à la profession d’ingénieur devrait aussi s’en trouver renforcée. » Le projet- pilote doit s’échelonner jusqu’en décembre, après quoi sa pertinence sera réévaluée.

Faire la différence

Si l’on en juge le succès connu par le programme des ambassadrices, de telles mesures répondent à un réel besoin. Louise Audy peut en témoigner. Dans les derniers mois, cette membre bénévole du comité régional de Mauricie-Centre-du-Québec de l’OIQ a visité quatre écoles dans le cadre de cette initiative. Chaque fois, elle y a fait un tabac, raconte l’ingénieure électrique à la retraite. « Sans dire que l’on change du tout au tout la vie de ces adolescentes, on sent néanmoins qu’on fait la différence. Si ça peut aider ne serait-ce qu’une seule d’entre elles à préciser son choix de carrière, c’est déjà une victoire », affirme-t-elle.

Même son de cloche du côté d’Émilie Demers- Morin. « Je trouve cette idée de mentorat superbe. Te faire confirmer que tu es normale, ça peut faire toute la différence en matière de confiance en soi », souligne-t-elle. C’est d’ailleurs en s’impliquant qu’elle a finalement réussi à s’affirmer, reléguant son sentiment d’infériorité aux oubliettes. « Je me suis d’abord inscrite dans des clubs étudiants avant de mettre sur pied le projet SIVUMUARNIK, qui consiste à développer l’intérêt des étudiants inuits du Nunavik envers les domaines des sciences et du génie. En septembre, je dois justement présenter la robotique dans deux écoles du Grand Nord québécois», se réjouit-elle.