Les meilleurs candidats ne sont pas toujours visibles. Il faut sortir des bassins traditionnels et des profils standards. (Photo: 123RF)
À LA CHASSE. Dans mes chroniques de juin 2018 et d’octobre 2019, je vous présentais Mya. Mya est un robot recruteur que j’ai baptisé «recrubot» qui permet d’automatiser 75% d’un processus de sélection. J’écrivais que, grâce à elle, le taux de succès des candidats sélectionnés augmentait de 63% à 80%. Je prédisais que le recrutement serait composé de «75 % d’intelligence artificielle contre 25 % d’intelligence émotionnelle». J’y crois toujours. La règle du 80/20 ici s’applique: 20% des interventions créent 80% de la valeur.
Mais… on est en février 2023, le taux de chômage au Québec est de 4%. Mya et ses collègues «recrubot» seront-ils détrônés par ChatGPT, nouveau chouchou au nom moins joli certes, mais qui fait les manchettes ces derniers temps? On veut tous aller plus vite, en mieux, et ne pas «s’enfarger» dans des processus de recrutement trop lourds et complexes. On veut recruter, combler nos vides actuels et futurs, ici… et maintenant. L’intelligence artificielle va nous sauver! J’ai interrogé ChatGPT justement cette semaine pour lui demander qui était la ou le meilleur(e) PDG (imaginez si je règlais par le fait même un mandat illico!).
Il m’a donné neuf noms, dont Elon Musk, Jeff Besos, Tim Cook, Tobi Lütke et Galen Weston. Désolée ChatGPT, votre liste ne passe pas le test de la diversité.
Comme j’ai une approche empirique, j’ai questionné LinkedIn. Sur neuf réponses, seulement une femme! On dirait que l’IA est rendue «poche» dans le domaine de la diversité. On sait désormais que les algorithmes comportent des biais et qu’il n’est pas encore garanti que Mya et ChatGPT soient totalement impartiaux.
Si Mya fait de la sélection de profils de masse et se substitue potentiellement au recruteur, ChatGPT livre directement la réponse et la solution prémâchée.
J’ai dit, un jour (oui… toutes mes excuses de vous avoir offensé), que les recruteurs étaient devenus «paresseux» avec les réseaux sociaux en cherchant seulement à un seul endroit ceux qui souhaitent se faire appeler au lieu de chasser le candidat de manière «empirique». Cela veut dire: comparer les données, parler à la communauté, chasser les meilleurs talents et, ultimement, utiliser son jugement.
Les meilleurs candidats ne sont pas toujours visibles. Il faut sortir des bassins traditionnels et des profils standards.
Les organisations ont grandement besoin de se préparer à miser sur des profils et des employés innovants qui vont apporter non seulement de la diversité, mais de nouvelles perspectives et des compétences transférables d’une industrie à l’autre.
Est-ce que ChatGPT sera le prochain recruteur de la décennie? Mya va-t-elle perdre sa job au profit de ChatGPT? Possiblement, mais ce qui est certain, c’est que chaque avancée technologique fait peur autant qu’elle stimule et suscite l’engouement. Oui, l’humanité et les communautés en bénéficient. Jusqu’à la limite du jugement humain que rien ne peut remplacer. L’outil reste un outil. La question est de s’adapter pour en tirer profit tout en «gardant la main» sur le volant.
Un grand investisseur me confiait récemment que le jugement d’un analyste sur un titre boursier ne vaut seulement que si l’analyste se déplace pour rencontrer la direction et voir les opérations. Malgré les algorithmes et les modèles financiers complexes. Tout est dans la combinaison de la science et de l’humain. Même chose pour le recrutement. Mya, ChatGPT, les algorithmes et leurs amis sont au service des humains. Ils ne peuvent s’y substituer… jusqu’à preuve du contraire.
Notre grand défi réside à ne pas livrer sans condition nos employés et nos candidats à des outils trop puissants. Le jugement caractérise l’humanité et le recrutement est un exercice et un processus qui exige une démarche fondée sur cet aspect fondamental. Ne cédons pas à la paresse de l’innovation poussée à l’extrême et gardons toujours notre esprit critique.