Aujourd'hui, les entreprises doivent se doter d'individus dotés d'un haut niveau d'intelligence émotionnelle pour faire face aux transformations et embrasser le changement, et ce, dans un marché de plein emploi. (Photo: 123RF)
À LA CHASSE. Depuis une quinzaine d’années, le concept de la pleine conscience a vraiment trouvé un écho dans nos organisations. Janice Marturano, fondatrice de l’Institute for Mindful Leadership, inspirée par les travaux du professeur Jon Kabat-Zinn sur la réduction du stress, a ouvert la voie à un mouvement qui allie une meilleure connexion entre nos quotients intellectuel et émotionnel pour développer notre conscience de soi dans le moment présent. Appliqué au management dans les organisations, le leadership conscient fait la promotion de comportements au travail empreints de compassion et d’écoute. Il est temps de le mettre en application à la science du recrutement.
Lorsque j’ai commencé ma carrière de recruteuse, en France, au début des années 1990, il était courant de recruter sous pression dans des processus qui ressemblaient à un parcours du combattant. Ceux qui s’en sortaient indemnes repartaient avec une offre d’emploi en poche, mais non sans cicatrices.
Je me souviens encore de mon processus d’embauche pour mon premier poste de professionnelle. Du chasseur de têtes qui m’avait approché au directeur des ressources humaines, l’objectif était de me faire plier, idéalement de voir si j’allais fondre en larmes lors des entrevues. Pour tester ma force de caractère, ma résilience ou encore pour faire la démonstration de leur pouvoir ? Je me demande encore… Je n’ai jamais pleuré, j’ai obtenu le poste, un soulagement tout au plus et un arrière-goût en prime. À l’époque, avec un taux de chômage qui flirtait avec les 10 %, trouver un emploi dans son domaine d’étude relevait de l’exploit. Aujourd’hui, sans doute, j’aurais quitté le bureau du recruteur et du directeur des ressources humaines en déclinant le poste. À l’époque, c’était toutefois la norme.
C’est exactement à ce moment-là que j’ai décidé d’être dissidente dans ma façon de recruter et, sans le savoir, j’appliquais les principes du recrutement pleine conscience. Je peux dire, 25 ans plus tard, que cela m’a servi. J’y ai gagné le respect de mes clients et des candidats, incluant ceux qui n’avaient pas été retenus au bout du compte. Mais attention, pleine conscience ne rime pas avec complaisance.
Trois éléments pour trouver ses leaders conscients
1 Authenticité
Recruter sans parti pris en sachant déterminer ses préjugés conscients et inconscients pour procéder à une évaluation juste et équitable. Être transparent autant sur le mandat que sur le contexte du poste sans chercher à minimiser ou à cacher la réalité. Donner une rétroaction constructive au candidat et le préparer aux entrevues pour qu’il donne le meilleur de lui-même et lui expliquer les raisons pour lesquelles il n’a pas été retenu.
2 Ouverture
Écouter vraiment le candidat, s’intéresser à lui, à son parcours, à sa vie, à ses rêves et à ses ambitions. Bref, voir au-delà du CV. Suspendre son jugement sans chercher à analyser chaque geste ou parole et être pleinement présent dans l’échange. Le recruteur conscient posera plus de questions pour comprendre l’individu et l’amener à réaliser autant son potentiel que ses limites.
3 Présence et connexion
Le recruteur conscient sait respirer et donner du souffle à l’entrevue en utilisant les silences pour laisser place à une écoute en profondeur. Parfois, ce qui ne se dit pas est plus révélateur qu’un long discours. Écouter sa voix intérieure et l’utiliser pour approfondir ce qui nous irrite ou, au contraire, ce qui nous charme.
Recruter, c’est avant tout bâtir des relations. C’est aussi faire prendre la meilleure décision au gestionnaire comme au candidat, parfois à leur insu, en les faisant cheminer vers des compromis.
Si nous voulons plus de leaders conscients, cela passe inévitablement par des processus qui reposent sur les mêmes valeurs. Aujourd’hui, les entreprises doivent se doter d’individus dotés d’un haut niveau d’intelligence émotionnelle pour faire face aux transformations et embrasser le changement, et ce, dans un marché de plein emploi. Cela requiert du courage et de l’humilité.