(Photo: 123RF)
ANALYSE. «Est-ce l’apocalypse ?» me demande un ami par texto tandis que GameStop (GME, 92,41 $) défie les lois de la gravité en Bourse, entraînée par l’engouement des utilisateurs du forum WallStreetBets, sur Reddit. Comment dire… Ça fait un an que la pandémie chamboule nos vies. Il y a moins d’un mois, on assistait à une tentative de coup d’État à Washington. Cette bulle n’est pas la première chose qui saute à l’esprit quand on évoque la fin du monde.
Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas danger. Miser toutes ses épargnes sur un détaillant de jeux de vidéo en difficulté, qui est maintenant évalué à un multiple faramineux, est évidemment déconseillé.
Par contre, pour qu’une bulle fasse des dommages à l’économie, il faut qu’elle se forme dans des actifs largement détenus (comme le marché immobilier, par exemple) et qu’elle soit accompagnée d’un endettement important, note Neil Shearing, économiste en chef de Capital Economics. Ce n’est pas le cas ici.
D’ailleurs, même les fonds spéculatifs ne s’en sont pas si mal sortis. Les analystes de JP Morgan ont conçu un indice qui mesure la performance de ces fonds. L’indice aurait reculé d’à peine 2 % les 26 et 27 janvier, au moment où GameStop s’est imposée dans les manchettes. Bref, ceux qui ont massivement vendu le titre à découvert ont perdu des milliards de dollars, mais la vie des investisseurs professionnels et autonomes qui regardaient cette nouvelle de loin a suivi son cours.
Pour l’économie, le risque se situe plutôt du côté des matières premières. On en a un avant-goût avec l’argent, qui a été dans la mire de certains spéculateurs. Les adeptes de WallStreetBets peuvent faire monter le cours de ce métal précieux, mais le marché est trop grand pour qu’on obtienne une flambée comparable à celle enregistrée par GameStop. Par contre, les investisseurs autonomes ne sont pas les seuls à avoir les matières premières dans leur ligne de mire. S’ils devaient se lancer dans un pari déjà populaire auprès d’investisseurs institutionnels, ils pourraient «jeter de l’huile sur le feu»en contribuant à l’appréciation de certaines matières premières et, par ricochet, à l’inflation, prévient Neil Shearing. En réaction, les banques centrales pourraient être obligées de resserrer leur politique monétaire trop tôt pour contenir l’inflation, ce qui étoufferait la fragile reprise. L’économiste ne croit pas qu’on en soit rendu là, mais il pense que les excès qu’on observe servent d’avertissement contre des dérapages futurs.
Un coup de circuit
Reconnaissons tout de même que ceux qui ont lancé le pari sur GameStop, la chaîne de cinéma AMC (AMC, 8,97 $US) et BlackBerry (BB, 15,31 $) ont été astucieux. Quand un titre est largement vendu à découvert et peu liquide, il y a toujours un risque de liquidation forcée (short squeeze). C’est ce qui arrive lorsque des vendeurs à découvert doivent acheter le titre sous-jacent pour fermer leur position. En l’achetant, ils contribuent à son appréciation, ce qui accroît encore plus l’effet haussier.
Les utilisateurs de Reddit ne sont pas les premiers à profiter de ce phénomène. D’autres spéculateurs professionnels l’ont fait. Ceux qui ont eu la main heureuse sur GameStop ont tapé tout un coup de circuit. Reste à savoir s’ils sont sortis de cette bulle à temps.
Il faudra voir aussi comment les autorités réglementaires interpréteront la légalité de ces transactions. Il est interdit de se coordonner pour manipuler les marchés. Par contre, les investisseurs ont tout à fait le droit de partager des informations publiques et des opinions quant à une société cotée en Bourse. La question n’est pas si simple à trancher quand viendra le temps d’évaluer la responsabilité de tous les acteurs impliqués.
Parlons d’autres choses
L’époque où Netflix (NFLX, 539,45 $US) brûlait des liquidités pour financer ses films et séries est-elle révolue ? La direction du diffuseur en ligne affirme qu’elle générera des flux de trésorerie excédentaires dès l’an prochain et qu’elle n’aura plus besoin d’obtenir de financement pour poursuivre ses activités.
C’est une victoire pour le camp des optimistes, qui croit que l’augmentation de sa base d’abonnés procurera un effet de levier sur les bénéfices. Avant de quitter RBC Marchés des capitaux pour Evercore, à la mi-janvier, Mark Mahaney estimait que Netflix pourrait générer un bénéfice par action de 75$US en 2030, ce qui représenterait une croissance annuelle composée de 30 %. Cela voudrait dire que Netflix ne s’échangerait actuellement qu’à sept fois ses bénéfices 2030.
Le camp pessimiste n’est pas encore à court d’arguments. Bien des choses devront bien aller pour atteindre ce chiffre. À plus court terme, l’action s’échange à 465 fois les flux de trésorerie prévus l’an prochain.
Au moins, la viabilité du modèle d’entreprise ne semble plus remise en cause pour l’instant. Tant mieux ! Avec ce long hiver confiné, la dernière chose dont on aurait besoin est d’envisager un «Netflixapocalypse», si lointain soit-il.
Ça fait un an que la pandémie chamboule nos vies. Il y a moins d’un mois, on assistait à une tentative de coup d’État à Washington. Cette bulle n’est pas la première chose qui saute à l’esprit quand on évoque la fin du monde.
Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas danger. Miser toutes ses épargnes sur un détaillant de jeux de vidéo en difficulté, qui est maintenant évalué à un multiple faramineux, est évidemment déconseillé.