«La prolifération des outils numériques transforme les organisations et les dirigeants. Il y a une déprogrammation à faire dans les organisations, car les anciens modèles ne fonctionnent plus», selon Caroline Ménard, présidente de Brio. (Photo: courtoisie)
BLOGUE INVITÉ. Voilà plus de deux ans que le milieu des affaires et la société québécoise s’adaptent, comme ailleurs, à la pandémie et au télétravail. Les discussions sur les aléas de la santé publique et les choix des interventions du gouvernement pour limiter les contaminations sont encore très présents dans les médias. L’afflux de liquidités et la série de programmes au fédéral comme au provincial ont eu des répercussions sur le prix des biens de consommation, mais aussi sur les relations de travail. Avec un taux de chômage à 5,5%, le Québec est quasiment en situation de plein emploi.
Parallèlement, le pouvoir économique des femmes a augmenté dans les dernières années. On dit que les femmes sont aussi plus humbles et plus bienveillantes. Mais rien n’est plus abstrait que les bonnes intentions dans les relations de travail: le leadership est avant tout une question de personnalité.
L’humanisation des relations d’affaires ou la «féminisation du leadership» constituent aussi un soulagement pour les hommes qui osent faire preuve de transparence sur les réseaux sociaux quand il est question d’annoncer leur départ, un changement de cap ou leur intention de se retirer pendant quelques mois.
C’est aussi une évolution que rapportent plusieurs dirigeants dont la mission est d’accompagner les transitions de centaines de PME. «Tout le monde est occupé, on ne manque pas de travail. Les fournisseurs peuvent choisir des clients qui correspondent davantage à ce qu’ils attendent d’une relation d’affaires. On a besoin de simplicité, mais aussi d’authenticité. Le contexte des dernières années a amené plus de franchise dans les relations de travail. On fait moins de compromis», explique Caroline Ménard, qui a repris les actions de la fondatrice de Brio Conseil, Sylvie Charbonneau, il y a 5 ans. La cheffe d’entreprise n’est est pas à son premier exercice de gestion du changement. Elle est formelle: «La prolifération des outils numériques transforme les organisations et les dirigeants. Il y a une déprogrammation à faire dans les organisations, car les anciens modèles ne fonctionnent plus.»
L’entreprise, qui déploie des services de conseil en Europe et au Canada grâce à une équipe de 100 consultants, est en hyper croissance: le chiffre d’affaires a parfois grimpé de 60% durant les dernières années.
Annouk Bissonnette, a pris la tête d’Indice F chez Inno-centre en 2019 (Photo: courtoisie)
Même constat pour Annouk Bissonnette, qui a pris la tête d’Indice F chez Inno-centre en 2019: «L’analyse comptable des pertes et profits ou des résultats visibles aux états financiers de l’entreprise ne suffisent plus à définir la création de valeur. Avec l’avènement du numérique, les relations de travail évoluent et les équipes fonctionnent davantage en co-création.» L’entreprise, qui compte 20 employés, collabore avec 150 consultants qui conseillent plusieurs centaines de PME chaque année. Un échantillon assez significatif pour dresser bien des constats.
«Nous avons développé un projet de recherche pour documenter ce qui change en entreprise et dans les relations d’affaires. On sent que ça bouge, mais les observations restent anecdotiques. On sait déjà que les indicateurs de respect de l’environnement, d’influence sociale bénéfique et de saine gouvernance (ESG) s’imposent pour évaluer la pertinence d’un investissement. Les indicateurs financiers ne sont donc plus les seuls socles de la performance.»
Nombreux sont les dirigeants qui ont déjà choisi de travailler autrement. Les comptables de la firme Demers Beaulne travaillent maintenant seulement quatre jours par semaine. «Il y a longtemps que les employés et les clients du cabinet sont notre priorité. Ce qui est nouveau, c’est notre changement de perspective qui vise une vision systémique du bonheur, du sentiment d’accomplissement et de la performance, bien au-delà de nos emplois», a récemment déclaré dans un communiqué Dino Masciotra, associé directeur du cabinet.
S’il est difficile de quantifier une évolution qui échappe aux mesures statistiques traditionnelles, la tendance n’est plus une question d’intuition. Un mouvement collectif est déjà en marche, et c’est pour le mieux.