Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires
  • Accueil
  • |
  • Restaurants et bars: il faut agir
Nicolas Duvernois

Chronique d'un entrepreneur

Nicolas Duvernois

Expert(e) invité(e)

Restaurants et bars: il faut agir

Nicolas Duvernois|Publié le 01 juin 2021

Restaurants et bars: il faut agir

Depuis plusieurs interminables mois, les restaurateurs et propriétaires de bars de la province ont vécu, pour la plupart, le pire moment de leur vie. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. L’historien Theodore Zeldin décrit la gastronomie comme étant l’art d’utiliser la nourriture pour créer le bonheur. En lisant cette citation, des frissons m’ont traversé le corps tellement j’étais en accord avec cette image.

Mariages, baptêmes, anniversaires, contrats à célébrer, funérailles… Peu importe le pays, la religion, la génération ou l’époque, partager un repas avec les siens fait partie intégrante de la vie.

Au Québec, les plus grandes décisions, les plus beaux moments et les plus festifs des réveillons se vivent tous, depuis des centaines d’années, dans les cuisines, à table, autour de l’îlot ou debout devant le frigo!

L’histoire du monde nous démontre à maintes reprises l’importance de ce moment. Du dernier repas de Jésus-Christ en passant par les banquets gargantuesques du moyen-âge et de l’iftar en passant par la préparation d’interminables recettes par nos grands-mères, la nourriture, ou plutôt le fait de la partager avec nos proches, est beaucoup plus que le simple acte de manger.

Depuis plusieurs interminables mois, les restaurateurs et propriétaires de bars de la province ont vécu, pour la plupart, le pire moment de leur vie, étant d’innocentes victimes collatérales des mesures sanitaires reliées à la pandémie. La fermeture obligatoire des salles à manger et des bars à plongé dans le coma une industrie qui donnait au Québec son unicité tant admirée aux quatre coins de notre planète. 

Malheureusement, depuis trop longtemps, le «syndrome Céline Dion» nous hante collectivement. Vous savez, ce syndrome qui nous oblige à prouver notre succès à l’étranger avant de pouvoir recevoir la moindre reconnaissance ici même, chez soi.

La légende Anthony Bourdain adorait notre province, surtout Montréal. Au fil des années, il a d’ailleurs été très élogieux en osant, en tant que New-yorkais, préférer les bagels d’ici plutôt que ceux de la Grosse Pomme, en disant haut et fort que le Canada sans Montréal serait «hopeless» et en étant le plus ardent promoteur de l’immense talent de chefs d’ici tels Dave McMillan, Fred Fortin et surtout Martin Picard, envers lequel il vouait une admiration sans bornes. 

Il en est de même pour nos bars à cocktails. Aucune autre ville au monde n’a vu l’émergence d’une scène cocktail/mixologie en aussi peu de temps. En une vingtaine d’années tout au plus, des bars à cocktails et des créateurs exceptionnels ont vu le jour à Montréal, Québec et ailleurs dans la province, rivalisant sans aucune gêne avec des villes telles New York, Londres ou Paris où certains bars à cocktails sont centenaires! 

Il est temps de réaliser que nous avons, ici même dans notre province d’à peine huit millions d’habitants, les meilleurs chefs, sommeliers, mixologues, pâtissiers, boulangers et autres, au monde!

Depuis quelques jours, j’ai le bonheur de me promener et de voir les terrasses bondées. Ce symbole, après 18 mois de pandémie, est puissant. Malgré les jours sombres qui sont, je l’espère, finalement derrière nous, entendre les rires, les verres qui trinquent, sentir les différentes odeurs, saliver en attendant mon assiette… La réouverture des terrasses est pour moi l’ultime image de la victoire.

En toute transparence, je pourrais avoir un goût amer de la restauration. En effet, ouvrir un restaurant, surtout le fermer on va se le dire, a été ma première expérience en affaires. Catastrophique certes, mais oh combien importante dans mon parcours entrepreneurial.

Depuis, je n’ai jamais réellement quitté cet univers passionnant. En devenant producteur de spiritueux, j’ai développé de superbes relations avec des restaurateurs et des propriétaires de bars dans tous les marchés où nos produits sont disponibles.

Passionnés, créatifs, persévérants, sont les mots qui me viennent en tête quand je pense à tous ceux et celles que j’ai le plaisir de côtoyer. S’il y a une industrie où l’importance du détail est essentielle, c’est bien celle-là. Horaires quasi inhumains, marges extrêmement petites, rareté de main-d’œuvre et insouciance de certains clients font partie de leur quotidien. En ajoutant la pression sans cesse exercée par les différents paliers gouvernementaux qui viennent allègrement piger dans la corbeille de pain en imposant toutes sortes de taxes et réglementations, je leur lève mon chapeau bien bas.

Maintenant, quoi faire? La pire erreur serait de se mettre la tête dans le sable et d’ignorer les conséquences humaines et financières comme la fuite des cerveaux, la perte de savoir-faire et tous les problèmes connexes que ces derniers mois ont amenés.

Quand le sommelier Hugo Duchesne du restaurant Le Coureur des bois brille lors d’une compétition internationale, c’est le Québec qui brille aussi. Quand le Toqué est reconnu comme l’une des plus grandes tables du monde, c’est le Québec qui brille aussi. Quand la photo de Barack Obama et Justin Trudeau attablés chez Joe Beef fait le tour du monde, c’est le Québec qui brille aussi.

Ce n’est pas d’une relance dont l’industrie a besoin, mais bien d’une renaissance. Il faudra agir vite, il faudra agir concrètement. Par exemple, il faut que des allègements réglementaires se fassent de toute urgence. Ce n’est pas normal qu’il soit plus compliqué d’avoir un permis de terrasse temporaire qu’un permis afin de démolir un triplex!

Permettre la vente de bouteille de vin, ne serait-ce que celle uniquement disponible en importation privée sans l’obligation d’acheter un repas, permettre la livraison de vins et cocktails pour les commandes maisons, alléger la complexité et supprimer les coûts afin d’avoir une terrasse saisonnière, plafonner les frais des différentes plateformes de livraison, ou permettre des frais de pénalité pour les «no shows» ne sont que des exemples dans l’océan d’idées que me partagent les acteurs de l’industrie.

Maintenant, il en revient aussi à nous, les clients, d’agir. Je vous souhaite donc tous un succulent repas au restaurant dans les prochains jours ou semaines à venir afin de démontrer votre support à cette industrie dont l’unique objectif est de nous faire passer de beaux et bons moments. Le célèbre chef français Paul Bocuse disait que le vrai luxe était de retrouver des plaisirs simples. Je vous souhaite donc à tous énormément de plaisirs simples tels que partager un délicieux moment sur la terrasse de votre restaurant préféré!