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Retour à la normale: frapper un mur… en Plexiglas

Maxime Bilodeau|Édition de la mi‑septembre 2021

Retour à la normale: frapper un mur… en Plexiglas

Il faudra bien tôt ou tard disposer des panneaux qui ont été installés dans les commerces, usines et espaces de bureau depuis le début de la pandémie. (Photo: 123RF)

LA COMPÉTITIVITÉ VERTE. Lorsque le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charrette, a affirmé, en juin, qu’il est impossible de revaloriser le Plexiglas au Québec, le président de Go Zero, Éric Éthier, est tombé en bas de sa chaise.

« Ben voyons donc ! Il existe des débouchés pour cette matière, notamment auprès des manufacturiers de plastique québécois qui l’importent d’Asie à l’heure actuelle », affirme-t-il.

De fait, la PME de Magog lancera « sous peu » un programme de recyclage de panneaux de plastique analogue à celui qu’il a déjà déployé partout au Québec pour les masques faciaux, les gants, les équipements de protection oculaire et les jaquettes de protection.

Le problème est majeur ; il faudra bien un jour disposer des divisions et des séparations qui ont pris d’assaut les commerces, usines et espaces de bureau au début de la pandémie. La tâche ne s’annonce toutefois pas simple. Parmi les nombreux défis à relever, il y a celui de la collecte de ces panneaux auprès des entreprises. « On ne peut pas simplement mettre des boîtes de collecte à leur disposition, comme nous avons fait avec les équipements de protection individuelle, explique Éric Éthier. Nous risquons d’y aller avec des palettes disposées dans des centres commerciaux ou des écoles, par exemple, où les entreprises pourront déposer leurs panneaux. »

 

Peu de joueurs

Une fois acheminés dans les centres de traitement de Go Zero, les panneaux seront dégarnis des boulons, des pièces de métal et d’autres autocollants dont ils sont parsemés. Puis, ils seront séparés selon la matière qui les compose. « Plexiglas, acrylique, lexan : à l’œil, ce sont toutes des matières transparentes qui se ressemblent, précise son président. Nous avons mis au point un procédé pour les différencier. »

Après avoir été broyé, le produit final sera vendu à des fabricants de plastique québécois « qui ont manifesté un grand intérêt à recevoir une belle matière recyclée dont on est capable d’attester de la provenance et de la qualité », jure Éric Éthier.

Outre Go Zero, Groupe Lavergne serait aussi sur les rangs pour donner une deuxième vie à ces panneaux de plastique, selon « Le Journal de Montréal ». L’entreprise montréalaise n’a toutefois pas donné suite à nos demandes d’entrevue.

L’identité d’autres éventuels recycleurs de panneaux de plastique demeure inconnue. Un appel de proposition doté d’une enveloppe budgétaire de 910 000 $ a justement été lancé par Recyc-Québec en juin dernier. Il vise le développement de « débouchés pour certaines matières résiduelles difficiles à gérer et qui ont rarement fait l’objet d’aides financières spécifiques », comme des divisions et des séparations transparentes « faites de polymère ». La première date limite de dépôt de demande a été fixée au 15 septembre.

Il faut dire que s’engager dans cette voie est risqué. Les milliers de panneaux de plastique installés depuis une année et demie représentent après tout une manne temporaire de matière à revaloriser. « C’est un peu comme un gisement appelé tôt ou tard à se tarir. Est-ce qu’une entreprise va investir là-dedans ? Je ne pense pas », affirme Karel Ménard, directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED).

 

Rapport attendu du BAPE

L’épineuse question des déchets générés par la pandémie se pose au moment où le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) tient une enquête et une audience publique baptisées L’état des lieux et la gestion des résidus ultimes. Le rapport qui y est associé, qui sera déposé au plus tard le 22 décembre prochain, brossera le portrait actuel de l’élimination des matières résiduelles au Québec, ainsi que celui anticipé pour les deux prochaines décennies.

Chose certaine, les industries, commerces et établissements scolaires et de santé devront faire leur bout de chemin pour améliorer le bilan du Québec. Leurs activités sont à l’origine de 45 % à 50 % des matières résiduelles générées au Québec, peut-on lire dans un mémoire du FCQGED déposé dans le cadre des audiences du BAPE. Le taux de recyclage de matières organiques de ce secteur atteint à peine 5 %, selon le Bilan 2018 de la gestion des matières résiduelles au Québec publié par Recyc-Québec.

« Les coûts d’élimination des matières résiduelles au Québec sont trop bas. Si les entreprises et établissements payaient le coût réel pour disposer de leurs déchets, sous la forme d’une taxe à l’enfouissement, par exemple, il y a fort à parier que leur bilan s’améliorerait », fait valoir Karel Ménard. Cela risque peu d’arriver, toutefois. Au contraire : il est plutôt question d’agrandir plusieurs lieux d’enfouissement technique, comme ceux de Sainte-Sophie (Laurentides), de Lachenaie (un secteur de Terrebonne, dans Lanaudière) et de Bury (Estrie).

Dans le cas de celui de Saint-Nicéphore — un secteur de Drummondville —, c’est chose faite. En juillet, le ministre Benoit Charette a imposé le projet par décret, après des années d’opposition citoyenne et de démarches judiciaires. « Si on agrandit ces sites d’enfouissement, ne rend-on pas caduques les futures conclusions du BAPE, qui sont censées couvrir les 20 prochaines années ? » s’interroge Karel Ménard.