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Jean-Paul Gagné

Droit au but

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Analyse de la rédaction

Revoir la rémunération des hauts dirigeants de l’État québécois

Jean-Paul Gagné|Édition de la mi‑juin 2019

CHRONIQUE. Sans surprise, la vérificatrice générale (VG) du Québec, Guylaine Leclerc, vient ...

CHRONIQUE. Sans surprise, la vérificatrice générale (VG) du Québec, Guylaine Leclerc, vient de révéler des pratiques inacceptables dans la rémunération des hauts dirigeants de certaines sociétés d’État québécoises.

Voici quelques-uns de ses constats, observés dans trois sociétés d’État à vocation commerciale (SEVC), soit Investissement Québec, Loto-Québec et la Société des alcools, et trois sociétés d’État sans but lucratif (SESBL), soit la Société des établissements de plein air du Québec (SÉPAQ), la Société québécoise des infrastructures et le Musée national des beaux-arts :

> Encadrement déficient : alors que la rémunération des PDG est réglementée, celle des vice-présidents ne l’est pas. Résultat : les primes incitatives à la performance des trois SEVC varient entre 20 % et 37,5 %, alors que celle de leur supérieur est de 15 %. Qui plus est, ces primes sont versées la plupart du temps sans égard au rendement individuel et il arrive qu’on les incorpore dans leurs indemnités de départ. Sur 13 départs volontaires de vice-présidents de 2015-2016 à 2017-2018, un seul est passé au privé, comme quoi l’allégation de ces sociétés voulant que leurs vice-présidents soient sous-payés ne tient pas la route.

> Manque de transparence : sur 11 départs de hauts dirigeants qui ont été indemnisés dans les six sociétés d’État susmentionnées, seulement deux ont fait l’objet d’une divulgation de la somme accordée dans leur rapport annuel. La SAQ a versé une indemnité de départ de 18 mois à un vice-président qui a travaillé moins de deux ans, et la SÉPAQ en a versé une de cinq mois à un vice-président qui a été en poste pendant 15 mois. Ces paiements, qui sont loin de la norme gouvernementale d’un mois de compensation par année de service, s’expliquent en partie par le fait que ces sociétés n’ont pas de politique à cet égard. Des irrégularités semblables ont été constatées dans des commissions scolaires.

> Comparaisons discutables : à l’exemple des grandes sociétés privées, la SAQ et Loto-Québec utilisent des consultants en rémunération pour fixer celle de leurs vice-présidents, une pratique qui n’est pas encadrée par le gouvernement. Comme c’est le cas pour les sociétés inscrites en Bourse, les groupes de comparaison utilisés par ces consultants sont parfois étonnants. Par exemple, on retrouve, dans le groupe de comparaison de la SAQ, Esso, Postes Canada, Canadian Tire, Holt Renfrew, Cineplex, Hydro-Québec, etc., soit autant de sociétés qui ont peu à voir avec le monopole québécois.

Le rapport de la VG permet de constater que la rémunération des hauts dirigeants des SEVC est le double de celle des cadres supérieurs des SESBL, des sous-ministres et des dirigeants des établissements de santé et d’enseignement supérieur ainsi que des autres organismes du secteur public. Une iniquité semblable existe aussi dans la rémunération des membres des CA des sociétés d’État et des autres entités du gouvernement. Alors que l’État rémunère les administrateurs des SEVC (les trois susmentionnées ainsi que la Caisse dépôt, Hydro-Québec et la SAAQ) ainsi que ceux de la Société québécoise des infrastructures et de l’Agence du revenu du Québec, ceux des SESBL, des établissements de santé et d’enseignement supérieur et d’autres organismes publics ne reçoivent aucune rémunération pour leur apport à la saine gouvernance de ces entités.

Pour tenter d’expliquer cette incohérence, un dirigeant politique a dit, il y a quelques années, que les SEVC avaient besoin d’administrateurs compétents, comme quoi cela n’était pas aussi important pour les autres entités de l’État même si certaines d’entre elles administrent des budgets de plusieurs centaines de millions de dollars. C’était à une époque où l’un des critères de sélection des administrateurs des SEVC était leur affinité avec le parti politique au pouvoir. Ce critère est moins prépondérant aujourd’hui, mais rien n’a changé sur l’iniquité dans la rémunération des administrateurs du secteur public.

Pour une gouvernance renforcée

Au regard du rapport de la VG, le président du Conseil du Trésor, Christian Dubé, a promis de mieux encadrer les pratiques de gestion des sociétés d’État et de les obliger à plus de rigueur et de transparence. C’est un minimum.

Certes, il importe que l’État s’assure de recruter et de retenir des gestionnaires de premier niveau, mais il ne faut pas non plus perdre de vue la notion de service public, comme le prouvent eux-mêmes certains élus en acceptant une rémunération bien inférieure à celle qu’ils pourraient obtenir dans le privé.

Il a été maintes fois suggéré au gouvernement de mettre de l’ordre dans la rémunération de ses hauts dirigeants. Maintenant que les finances de l’État le permettent, celui-ci n’a plus d’excuse pour ne pas passer à l’action.

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