Robby Hoffman (Photo: tirée de sa page IMDB)
Avec Marie Labrosse
BLOGUE INVITÉ. Robby Hoffman n’a jamais vraiment pu s’identifier à une seule et unique communauté. Originaire de New York et élevée à Montréal par une mère monoparentale en compagnie de neuf frères et sœurs, queer et ex-hassidique, cette humoriste jongle avec plusieurs identités.
Au Canada, les gens remarquaient souvent son accent américain, et, maintenant qu’elle vit à Los Angeles, c’est son accent canadien qu’on distingue. Elle est en quelque sorte une étrangère dans son pays ici comme au sud de la frontière, ce qui peut être un atout important pour une artiste de la scène.
C’est ce qui pourrait expliquer le succès de tant d’humoristes canadiens aux États-Unis. Ils s’intègrent bien chez nos voisins du Sud, tout en étant attentifs aux travers de la société.
Sa diversité est sans contredit une force. Lauréate d’un prix Emmy, Robby Hoffman a participé à trois émissions et spectacles, y compris lors du Festival Juste pour rire 2019, à Montréal, et s’impose comme une auteure et humoriste accomplie.
« Je suis une nomade, lance-t-elle. C’est sur scène que j’incarne ma véritable identité. »
Ayant grandi avec une mère bénéficiaire de l’aide sociale, Robby Hoffman espérait que l’obtention d’un diplôme d’une université renommée pouvait lui offrir la possibilité de mener la vie stable dont elle s’est mise à rêver au début de l’âge adulte. Elle a soumis une demande d’admission dans une seule université : McGill, car c’est là où les frais d’admission étaient les moins élevés parmi tous les choix qu’elle avait envisagés.
« Je n’allais pas être de ces artistes qui meurent de faim, poursuit-elle. Je n’aimais pas vivre dans la pauvreté. J’aime dormir sans avoir l’esprit troublé par les soucis financiers. Je voyais les études comme un passeport vers une vie meilleure. »
Cela dit, même lorsqu’elle essayait d’entrer dans le moule professionnel classique, elle entendait toujours l’appel de la scène. À McGill, la future humoriste préférait les cours qui comportaient des présentations, qui lui permettaient d’exprimer son talent d’oratrice. Elle a suivi l’un de mes cours il y a une dizaine d’années, et je me souviens encore à quel point sa présentation a fait rire l’auditoire.
Elle avait beau tenter de le nier, il était clair pour tous que Robby Hoffman se destinait à devenir humoriste. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’elle avoue son désir d’écrire des textes humoristiques, au début de la vingtaine.
« Durant un repas avec des amis, je mangeais machinalement, absorbée par mes pensées, se souvient-elle. Puis, tout à coup, j’ai déclaré “Je vais devenir humoriste!ʺ. Et mes amis n’ont pas du tout semblé perturbés par cette annonce. »
La réaction favorable de son entourage et le succès qu’elle connaît maintenant lui ont prouvé l’importance d’être à l’écoute de sa voix intérieure. En effet, depuis qu’elle a lancé sa carrière humoristique, Robby a appris à mieux suivre son instinct.
« Vous devez vivre votre passion, plaide-t-elle. J’ai eu la chance de trouver la mienne. En fait, c’est un peu elle qui m’a trouvée, et au début, j’ai tenté de l’ignorer. J’avais peur de me lasser, mais, en réalité, on doit accueillir sa passion et être prêt à prendre des risques. »
Dans son cas, cette révélation s’est manifestée de manière plutôt dramatique. Après l’obtention de son baccalauréat à l’Université McGill, elle y a été admise à un programme d’études supérieures en comptabilité publique.
Or, le premier jour, quelques heures seulement après le début des cours, elle est allée annoncer à la direction qu’elle abandonnait le programme, préférant se diriger vers l’humour. Depuis quelques années, j’ai pris l’habitude de demander aux dirigeants qui participent au cours « CEO Insights » à McGill quelle est leur passion, à quel moment ils l’ont trouvée et si elle a évolué.
Les étudiants au MBA, dont la moyenne d’âge est de 28 ans et qui peuvent être nombreux à chercher leur passion, s’avancent alors sur le bout de leur siège pour entendre les réponses de nos invités. Ayant rencontré des centaines de dirigeants au fil des ans, je sais que rares sont ceux qui ont découvert leur passion à un âge aussi jeune.
Mes étudiants au MBA et moi estimons généralement que cette réalité est encourageante, bien qu’ils aiment voir quelqu’un afficher des idées aussi claires que celles de Robby.
Robby Hoffman a écrit son premier spectacle en un éclair, débitant son texte à une vitesse vertigineuse. Bien qu’il n’ait pu prendre son envol, ce spectacle lui a permis de se faire un nom dans le milieu. Ce premier effort visant à intégrer le monde de l’écriture a suscité l’intérêt du réseau PBS, qui diffuse l’Organisation super insolite (Odd Squad), une émission de télé pour enfants qui lui a valu un Emmy pour son écriture en 2019.
Robby mène sa carrière toujours de la même façon, se laissant guider par son inspiration. La matière lui vient naturellement, apparemment sans effort.
« J’essaie toujours d’être créative, soutient-elle. En humour, on peut continuellement développer son potentiel. Cela dit, cette aisance sur scène, elle ne se commande pas. »
La faculté de Robby Hoffman de lancer des remarques amusantes pratiquement à volonté est tout particulièrement phénoménale lorsqu’elle présente un numéro d’humour. Certes, elle prépare ses sujets avant de monter sur scène, mais elle préfère voir l’humour comme un dialogue et non un monologue. Chaque soir, elle s’adapte à son auditoire pour entreprendre un échange.
« Avant de monter sur scène, je ne sais pas du tout à quoi ressemblera l’auditoire. Puis, dans les dix premières secondes, j’emmagasine une très grande quantité d’information, explique-t-elle. Ça me permet d’avoir une bonne idée de l’orientation que je donnerai à mon spectacle. Le contenu restera le même, mais j’augmenterai ou réduirai le débit, j’ajouterai ou retirerai certains éléments et verrai si je dois rester sobre ou si je peux me permettre d’être un peu plus crue… »
Cette démarche m’a amené à réfléchir aux moyens que je pouvais, moi-même, prendre pour mieux présenter mes recherches portant sur la génération du millénaire (les « Y ») et sur les dirigeants introvertis ou extravertis.
Depuis quelque temps, j’essaie de faire valoir l’idée que les baby-boomers, dont je fais partie, pourraient tirer profit d’un mentorat inversé de la part des générations Y et Z, au moins une fois sur quatre! C’est notamment le cas de Robby, qui est l’une de mes anciennes étudiantes et qui m’enseigne à son tour.
Malgré la place importante qu’elle accorde à l’improvisation dans ses spectacles, Robby Hoffman respecte une éthique de travail rigoureuse. Lorsqu’elle partage son temps entre l’écriture pour la télévision et la scène, elle est la dernière à quitter la salle de rédaction et la première à arriver à la salle de spectacle en soirée.
« Je dis souvent que j’ai un quart de jour et un quart de soir, blague-t-elle. Je me rends sur les lieux de l’émission de 10 h à 19 h, avant de revenir souper à la maison, puis de monter sur scène à 21 h. »
Sa décision de se lancer en humour a porté ses fruits. Après avoir travaillé comme comptable dès sa sortie de l’université, Robby embrasse désormais une carrière qui la passionne vraiment. Elle se consacre assidûment à son art, non pas parce qu’elle y est obligée, mais bien parce qu’elle le peut.
« J’adore mon métier. Je n’ai jamais manqué un jour ni même une heure de travail. J’aime ce que je fais, et c’est le plus grands des privilèges. »
Lien vers le balado (en anglais seulement)
Le présent article est une transcription condensée et modifiée d’une entrevue animée par Karl Moore, professeur agrégé à l’Université McGill, dans le cadre de l’émission The CEO Series, présentée sur les ondes de CJAD et produite par Marie Labrosse, étudiante à la maîtrise en langue et littérature anglaises à l’Université McGill.. L’entrevue intégrale fait partie de la plus récente saison de The CEO Series et est disponible en baladodiffusion.