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RPA: souffler le chaud et le froid

Maxime Bilodeau|Édition de la mi‑novembre 2023

RPA: souffler le chaud et le froid

Dans la région de Québec, par exemple, le quotidien Le Soleil rapportait en juillet dernier qu’une trentaine de RPA avaient mis la clé sous la porte ou étaient sur le point de le faire depuis 2021. (Photo: 123RF)

RÉSIDENCE POUR AÎNÉS. Dure période pour investir dans un projet de résidence privée pour aînés ? La réponse varie en fonction de la personne à qui on pose la question.

Richard Perreault se spécialise dans l’achat et la vente de résidences privées pour aînés (RPA) depuis plus de trois décennies. À ses débuts, dans les années 1990, on parlait encore de maison de retraite, de foyer, voire d’hospice plutôt que de RPA, une appellation réservée depuis 2011 seulement. C’est donc dire qu’il a vu de l’eau couler sous les ponts.

Son constat en cet automne 2023 ? « Le marché des RPA tourne au ralenti, tranche le courtier immobilier agréé. Les difficultés au chapitre des opérations et de la gestion se répercutent sur les transactions commerciales. » Les turbulences remontent à bien avant la pandémie de COVID-19, même si cette dernière les a exacerbées.

Dans certaines régions, comme l’Outaouais et la Mauricie–Centre-du-Québec, aucune nouvelle RPA n’était en chantier ou projetée au premier trimestre de l’année. En cause : le financement difficile à obtenir aussi bien auprès des prêteurs institutionnels que ceux plus traditionnels.

« La Société canadienne d’hypothèques et de logement semble avoir délaissé les RPA pour se concentrer sur la construction de logements neufs, raconte Richard Perreault. Cela nous force à nous tourner vers les prêts non assurés, donc à essuyer des refus de financement à répétition, comme je l’ai vécu récemment. »

La frénésie de la décennie 2010 est indéniablement chose du passé. Autant les acheteurs que les vendeurs seraient en attente de taux d’intérêt plus avantageux qu’ils ne le sont à l’heure actuelle. « Il semble y avoir un frein psychologique à l’heure actuelle. “Ça va se placer”, on l’entend beaucoup… »

 

Assurer la rentabilité

La situation diffère toutefois selon les marchés. Dans la région de Québec, par exemple, le quotidien Le Soleil rapportait en juillet dernier qu’une trentaine de RPA avaient mis la clé sous la porte ou étaient sur le point de le faire depuis 2021. Plus tôt cette année, une énième RPA y annonçait reconvertir ses appartements en logements locatifs.

Pourtant, de l’autre côté du fleuve Saint-Laurent, à Lévis, une nouvelle RPA est sur le point de voir le jour. La résidence L’Aubier comptera 340 logements ainsi que 36 unités de soins, réparties sur 12 étages. Située dans l’arrondissement Desjardins, à un jet de pierre des Galeries Chagnon et de plusieurs services essentiels, elle sera inaugurée l’été prochain.

C’est la localisation avantageuse du terrain sur lequel le complexe est en cours de construction qui a incité le promoteur, constructeur et développeur immobilier EMD-Batimo à lancer ce projet. Le groupe Chartwell en assurera quant à lui la gestion des opérations en vertu d’un partenariat qui unit les deux entreprises.

« Les ventes vont bon train. Environ 20 % des logements ont trouvé preneur depuis l’ouverture du bureau de location en mars dernier », indique Judith Neveu, vice-présidente aux ventes, au marketing et à l’exploitation chez EMD-Batimo. La tendance devrait s’accélérer lorsque les espaces communs seront accessibles, prévoit-elle.

Avec son portfolio constitué à la fois de RPA, de condos ainsi que d’immeubles locatifs, de bureaux et commerciaux, EMD-Batimo revendique une solide expérience dans le domaine de l’immobilier. C’est ce qui lui permet d’assurer la rentabilité d’un projet comme celui de L’Aubier.

« Comme nous sommes intégrés verticalement, nous possédons une vue d’ensemble. Partir un projet de RPA exige actuellement d’en optimiser chacun des pans pour dégager un profit », explique Judith Neveu. Un avantage qui échappe aux RPA de petite et de moyenne taille, souvent détenues par des indépendants.

C’est entre autres ce qui expliquerait pourquoi les rares projets de nouvelles résidences comptent plusieurs centaines de logements. « Nous calculons que cela est nécessaire pour réaliser des économies d’échelle, synonymes de rentabilité, indique-t-elle. Le cadre réglementaire nous y force en quelque sorte. »

 

Concentration

Ces discours contrastés font dire à Emmanuel Paquette, directeur des études de marché chez Côté Mercier Conseil immobilier, que l’industrie traverse davantage un creux de vague qu’une véritable crise. « Nous sommes dans une phase de transformation », résume-t-il.

Si le passé est garant de l’avenir, la concentration du marché entre les mains d’un petit nombre d’acteurs devrait cependant se poursuivre. Au Québec, plus d’une RPA sur trois appartient à l’un des cinq grands groupes dominants de l’industrie, selon des chiffres du Collectif de recherche-action sur le travail et l’association socioéconomique de 2021.