Les nombreuses embûches ont fait place à de petites victoires pour le professeur Karl Moore ce semestre. (Photo:123RF)
BLOGUE INVITÉ. Heureusement que la fin du semestre approche ! Ce semestre a été le plus difficile de ma carrière d’enseignant de 25 ans à McGill et à Oxford, et il a été encore plus difficile pour beaucoup de mes étudiants.
Ce semestre, j’ai donné trois cours sur Zoom. Notre cours « CEO Insights » qui permet aux élèves du MBA de McGill de rencontrer de grands dirigeants a eu lieu en personne pendant les six premières semaines de l’automne, puis nous avons dû continuer sur Zoom lorsque les cas de COVID-19 à Montréal ont commencé à augmenter. Les dirigeants voulaient visiter la salle de classe. Ils avaient hâte de se retrouver dans une grande salle où tout le monde était installé à une distance prudente et où ils pouvaient partager leurs expériences et leurs idées avec un public d’étudiants captifs. Ils étaient impatients de sentir l’énergie de la salle, d’être en personne et non sur Zoom ou Teams. Deux des invités, le PDG du Globe and Mail et la présidente de Loblaws, avaient hâte de prendre l’avion depuis Toronto, leur premier voyage d’affaires depuis des mois. Malheureusement, après six semaines d’enseignement en personne, nous avons dû abandonner ce projet. Tous sur Zoom, tout le temps.
Il est certain que Zoom et les autres plateformes de vidéoconférence ont amélioré la qualité du travail et de l’enseignement à distance par rapport à ce que nous aurions pu faire il y a dix ans. À l’époque, nous aurions pu envoyer des documents Word par courriel aux étudiants et parler occasionnellement à quelques personnes sur Skype, mais pas beaucoup plus.
Cependant, passer presque 7 jours complets par semaine sur l’ordinateur, c’est trop. Nous avons appris à faire des pauses, des étirements, à courir ou à marcher, mais l’épuisement causé par le fait de regarder un écran pendant des heures sans aucun contact physique en dehors de nos cercles immédiats a été très dur. Cet isolement a été particulièrement dur pour les personnes extraverties comme moi, mais les personnes introverties m’ont dit qu’elles aussi l’avaient trouvé usant au bout d’un certain temps.
En plus de nous familiariser avec le contenu des cours, les étudiants et moi avons dû apprendre à travailler sur de nouveaux logiciels, un processus qui a sa propre courbe d’apprentissage. Le fait d’entreprendre ce voyage avec des élèves particulièrement brillants a fait une différence. Ils se sont vraiment investis dans cette nouvelle façon d’apprendre et de vivre, mais même pour la plupart d’entre nous, cette adaptation nous a semblé excessivement difficile parfois.
Mes élèves et moi avons pu analyser l’expérience d’apprentissage à distance en tête-à-tête et en petits groupes. Ils savent que mes enfants sont également des étudiants de premier cycle, ce qui nous donne un autre point de référence commun. Dans l’ensemble, ils se sont montrés ouverts quant aux difficultés qu’ils éprouvaient à apprendre en ligne. Cela n’a été facile pour aucun d’entre nous !
Il y avait quand même un côté positif à l’apprentissage à distance. Comme je l’ai fait par le passé, j’ai co-enseigné mes cours de premier cycle avec Michael McAdoo, un partenaire du Boston Consulting Group (BCG) à Montréal. Le fait d’avoir deux professeurs a rendu l’expérience d’apprentissage plus riche pour les étudiants et m’a apporté un soutien indispensable pour animer notre classe en ligne. Grâce à nos efforts combinés, Michael et moi avons pu exploiter la puissance des discussions en petits groupes et des présentations des étudiants encore plus efficacement que je n’aurais pu le faire seul.
Un autre élément positif de l’apprentissage à distance a été la diversité des invités que nous avons pu inviter à se joindre à nous en classe. Maintenant que la géographie n’est plus un obstacle à la connexion, nous avons pu échanger avec des invités du monde entier via Zoom. Une de ces soirées a été particulièrement mémorable. Notre classe accueillait John McCall MacBain, co-fondateur de la Fondation McCall MacBain qui a donné $200 millions à McGill l’année dernière, qui nous a rejoints depuis Londres. Le même soir, l’ancien premier ministre Paul Martin nous a rejoints depuis sa maison de campagne au sud de Montréal. Il se trouve que les deux hommes avaient travaillé ensemble quelque 35 ans auparavant. Les étudiants et moi-même étions ravis de les avoir tous les deux dans notre classe virtuelle en même temps, pour commenter les idées de l’autre. John est resté debout jusqu’au petit matin à Londres, pour entendre M. Martin et réagir à son exposé. Une soirée à ne pas oublier qui n’aurait probablement pas pu avoir lieu sans l’enseignement à distance.
Ce semestre a sans aucun doute été l’un des plus difficiles de ma carrière jusqu’à présent, mais c’est aussi un semestre qui va changer la façon dont j’enseigne. Il ne me reste maintenant plus qu’à noter les innombrables travaux de fin d’année qui affluent avant que je puisse me détendre pour les vacances. Et même si j’ai certainement appris à sortir de ma zone de confort numérique ces derniers mois, je pense que je vais encore les noter avec un bon vieux stylo.
Karl Moore et Marie Labrosse. Karl est professeur associé à la Faculté de gestion Desautels et Marie est étudiante en maîtrise de littérature anglaise, tous deux à l’Université McGill.