Le gouvernement fédéral l’a dit: dans deux ans, votre facture de sans-fil devra être 25 pour cent moins élevée qu’elle l’est à l’heure actuelle. À forfait égal, s’entend. De son côté, et en plus de ce que compte bien faire Ottawa pour remplir sa promesse, le CRTC tient depuis la semaine dernière des audiences afin de déterminer quelles mesures prendre pour rendre le marché du sans-fil plus concurrentiel.
Évidemment, les options pourraient aller dans tous les sens, mais l’actualité du moment force à se concentrer sur trois principaux points: devrait-on privilégier l’introduction de nouveaux fournisseurs nationaux indépendants pour rivaliser avec à armes égales avec Bell, Rogers et Telus? Devrait-on plutôt faciliter l’investissement pour accélérer la mise en place de la prochaine génération des réseaux sans fil, la fameuse 5G? Ou devrait-on faire comme on l’a fait du côté de l’Internet résidentiel, et forcer les acteurs en place à agir comme grossistes auprès de tiers afin de simuler une concurrence plus ou moins artificielle?
Du côté de l’Internet résidentiel, cette approche s’est avérée tout un succès. On a vu émerger quelques fournisseurs indépendants un peu partout au pays, et comme par magie, les prix payés par les consommateurs ont baissé. Il a fallu taper sur les doigts de certains des plus gros fournisseurs afin qu’ils ajustent leurs prix de gros, ce qui continue d’être un enjeu encore aujourd’hui, puisque les mesures ayant favorisé l’élargissement de ce marché sont contestées par ces derniers.
Un opérateur virtuel, c’est quoi?
Il y a une différence majeure entre un fournisseur indépendant pour l’Internet câblé et pour des services sans-fil: dans le premier cas, on peut très bien se limiter géographiquement à une ville, une région ou une province. Dans le second, il ne s’agit pas de services mobiles pour rien: il faut qu’ils soient disponibles à l’échelle du pays. Sinon, ça prend une force d’attraction assez unique pour connaître du succès.
Et être un opérateur virtuel, ou même un revendeur, ce n’est pas si simple.
L’exemple de Vidéotron est cité comme preuve qu’il est possible de percer le marché du sans-fil et d’avoir un effet baissier sur les prix, mais ça ne s’est pas fait tout seul. Et le fait que Québecor pèse aussi lourd au Québec lui a permis d’aller chercher 1,25 million de clients, ce qui n’est pas donné à tous les nouveaux joueurs.
Pour les aider, le CRTC suggère de forcer l’entrée en scène d’opérateurs de réseau mobile virtuels, ou Mobile Virtual Network Operators (MVNO). Il s’agit de fournisseurs de services sans fil qui pourraient vendre directement aux consommateurs les mêmes services que Bell, Rogers et Telus sans posséder d’infrastructure réelle. Ils emprunteraient celle déjà mise en place par ces plus gros joueurs.
À Gatineau la semaine dernière, les trois fournisseurs nationaux se sont fermement opposés à cette mesure. À plus forte raison si elle permet à leurs homologues étrangers d’entrer au pays!
Selon eux, ça freinerait leur investissement dans l’entretien et l’amélioration de leur technologie de façon si importante que ça retardera sensiblement l’arrivée massive de la 5G. Selon Darren Entwistle, PDG de Telus, ça risque même d’entraîner des milliers de mises à pied.
Pourtant, des opérateurs virtuels, il y en a déjà. Koodo, Public Mobile, Virgin Mobile, Fido, Chatr et Fizz en sont. Leur particularité est qu’ils appartiennent tous à Telus, Bell, Rogers ou Vidéotron. La formule fonctionne car le Canadien moyen ne sait pas que ces réseaux sont des filiales, et non pas des joueurs indépendants. C’est donc une concurrence purement fictive, puisque les prix et les offres sont dictés par les mêmes personnes.
Vers un seul et unique opérateur virtuel national?
Ce que tout ça signifie, c’est qu’il y a déjà des opérateurs virtuels au Canada. Et, donc, techniquement, qu’il pourrait y en avoir d’autres. Mais devant la menace de couper dans les investissements, le CRTC pourrait mettre de l’eau dans son vin, et proposer une mesure mitoyenne.
Comment? En suggérant qu’on «nationalise» les opérateurs régionaux. Qu’on demande un partage des infrastructures qui permettrait, par exemple, à Vidéotron de vendre ses cellulaires et des forfaits aussi bien en Colombie-Britannique que dans la totalité de l’Ontario, en plus du Québec. Il pourrait en être de même pour Freedom Mobile, l’enseigne mobile de Shaw, dans l’ouest, à qui pourrait s’ouvrir le marché du Québec, entre autres. Ça pourrait aussi s’imbriquer dans une volonté de redistribuer des fréquences sans fil, une nouvelle enchère étant prévue cet été.
Ce serait probablement le meilleur compromis, car même le CRTC cite en exemple l’effet qu’a eu l’entrée de Vidéotron dans le mobile, il y a 10 ans. Les prix moyens au Québec pour les forfaits sans fil sont les moins élevés au pays. Le revenu moyen par utilisateur, qui sert de compas pour la santé financière dans les télécoms, est moins élevé chez nous qu’ailleurs au Canada, mais est en train de rattraper la moyenne.
Pourquoi? Parce qu’au Québec, Vidéotron fait désormais partie des grands. En lui ouvrant les portes du reste du pays, peut-être le réseau retrouverait-il son ambition du début. Peut-être qu’en laissant Freedom Mobile débarquer au Québec, on verrait les prix redescendre.
Et tout ça se ferait sans menacer de façon majeure l’investissement de l’industrie dans les technologies de prochaine génération.
Vidéotron, d’un océan à l’autre? Étonnamment, ce serait probablement le meilleur de tous les mondes dans la mobilité.
Et ça aurait même un effet bénéfique sur le parc de véhicules électriques de l’Alberta…