Il serait avantageux de trouver des manières d'augmenter la durabilité des appareils. (Photo: 123RF)
INGÉNIEURS. La quantité de déchets électroniques produite annuellement pourrait atteindre 74 millions de tonnes d’ici 2030, prévoit les Nations unies. Les différents acteurs du milieu du génie pourraient bien jouer un rôle dans la résolution de ce problème.
Une chose est sûre, il y a du travail à faire en amont, estime Karel Ménard, le directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED). Si le recyclage – la dernière étape du cycle de vie d’un appareil – est important, son processus est complexifié par la conception des appareils. Celle-ci se produit au début du cycle de vie de l’objet. Le design des appareils rend aussi leur réparation plus difficile. «Actuellement, l’industrie de l’électronique fonctionne beaucoup sur un modèle « consommer-jeter », note Karel Ménard. On mise souvent sur l’obsolescence programmée pour inciter les gens à renouveler leurs appareils. Il faut changer ce modèle.»
À son avis, il serait avantageux de trouver – dès la table à dessin – des manières d’augmenter la durabilité des appareils et de les rendre plus faciles à réparer. Les acteurs du milieu du génie auraient donc, selon le directeur général du FCQGED, tout avantage à s’intéresser davantage à l’écoconception.
Des universitaires à la rescousse
Polytechnique Montréal annonçait d’ailleurs, en août dernier, qu’elle lançait un programme de recherche afin d’améliorer la production et le recyclage des déchets électroniques.
L’initiative, nommée Collaborative Research and Training Experience in Sustainable Electronics and Eco-Design (Create Seed), repose sur la collaboration entre cinq universités canadiennes. Plusieurs entreprises et partenaires du domaine des technologies et du recyclage provenant du Canada et de l’étranger.
«La formation a une place primordiale dans cette initiative», explique celle qui pilote Create Seed, Clara Santato, professeure au Département de génie physique de Polytechnique Montréal. Elle souhaite donc améliorer la formation des ingénieurs, de sorte qu’ils soient davantage au fait des enjeux de durabilité dans la fabrication d’appareils électroniques. «Nos technologies doivent être performantes d’un point de vue technique, mais aussi sur le plan de l’environnement et de la santé humaine», précise Clara Santato.
Questionnée sur le sujet, elle reconnaît toutefois que les ingénieurs seront moins susceptibles d’adapter leurs façons de faire tant que l’industrie et ses dirigeants ne seront pas incités à demander d’eux des changements en ce sens. «C’est pour cette raison que nous avons aussi, dans le cadre de l’initiative, des collègues qui font de la recherche liée aux mesures incitatives et à de potentielles nouvelles politiques publiques, fait-elle remarquer. On en a besoin.»
L’électronique, version compostable
Un autre volet de Create Seed, dont les retombées seraient à plus long terme, pourrait contribuer à régler à la source le problème des déchets électroniques. Il consiste à étudier les matériaux organiques et biodégradables – un champ d’expertise dans lequel se spécialise Clara Santato – dans le but d’y recourir éventuellement pour concevoir des appareils électroniques.
«Nous sommes au début de ces technologies, rappelle-t-elle. Nous avons fait du chemin depuis trois à cinq ans, et les meilleures écoles du monde travaillent sur le sujet, mais il faudra peut-être une dizaine d’années avant de voir apparaître des applications grand public.»
D’ici là, l’initiative mise de l’avant par Polytechnique Montréal vise aussi à optimiser la récupération de matériaux comme le platine, le palladium et l’or, qui sont en forte demande. Clara Santato mentionne par exemple le développement de méthodes hydrométallurgiques, qui permettent de dissoudre et de séparer différents métaux.
C’est que la récupération et le recyclage des matériaux précieux, qui promet des impacts positifs à court terme, vont presque de soi : une tonne de téléphones portables, par exemple, renferme une centaine de fois plus d’or qu’une tonne de minerai.
«À ce point-ci, nous sommes presque forcés de mieux recycler, constate la professeure. Ce ne serait pas intelligent de ne pas s’attaquer au problème. Le recyclage s’impose, d’autant plus que les ressources naturelles sont en quantité finie.»