Une des solutions qui a bien fait jaser est un programme universel d’alimentation scolaire, qui permettrait notamment de lutter contre l’insécurité alimentaire chez les enfants. (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Il faut «transformer notre relation à l’alimentation vers une seule santé, celle des populations et des écosystèmes dans lesquels elles habitent». L’appel a été lancé par près de 400 acteurs du milieu de l’alimentation au Québec et qui se sont réunis les 15 et 16 novembre dernier, à Victoriaville, dans le cadre du premier Forum sur les systèmes alimentaires territoriaux (SAT).
L’événement, auquel j’ai pris part, a eu le mérite de réunir des personnes provenant des 17 régions administratives du Québec et de communautés autochtones — une véritable première — et de les fédérer autour d’une déclaration commune à partir de l’approche des SAT qu’«on ne veut pas définir de façon figée, mais qui repose sur un ancrage territorial, une vision systémique qui intègrent des enjeux comme la santé et les inégalités sociales et une perspective de transition socioécologique», précisait d’entrée de jeu Vincent Galarneau, directeur du volet systèmes alimentaires de proximité pour Vivre en ville, une des organisations partenaires du forum.
Si les particularités de chaque région ont été mises de l’avant pendant ces deux jours, il en ressort néanmoins que de nombreux défis et solutions sont communs à l’ensemble des territoires et nécessitent des efforts collectifs et concertés pour contribuer à la transition socioécologique des systèmes alimentaires au Québec.
Le premier Forum sur les systèmes alimentaires territoriaux a eu lieu les 15 et 16 novembre à Victoriaville. (Photo: Matthew Gaines)
Par exemple, une solution transversale dont il a été question à plusieurs reprises est la mise en œuvre d’un revenu de base. Cette solution assurerait aux populations à faible revenu une meilleure sécurité alimentaire en leur permettant de se nourrir adéquatement et selon leurs préférences, en dehors de toute stigmatisation qui peut être associée à l’aide alimentaire, contribuant par le fait même à ce que le droit à l’alimentation de tous et toutes soit respecté. La mise en place d’un revenu de base pourrait également venir répondre aux difficultés financières que connaissent de nombreux producteurs et productrices.
Une productrice maraîchère des Îles-de-la-Madeleine le soulignait en plénière: il ne faut pas oublier que la production alimentaire est insérée dans une dynamique mercantile à laquelle on peut difficilement se soustraire. Les acteurs de la production doivent être intégrés aux nouvelles instances de gouvernance des systèmes alimentaires créées pour soutenir les transformations, a-t-elle ajouté. Ainsi, la coordonnatrice du Conseil du Système alimentaire montréalais, Anne Marie Aubert, reconnaissait que, pour l’île de Montréal, «la prochaine étape est de créer plus de ponts avec les producteurs et productrices de la région périurbaine».
Une autre solution qui a bien fait jaser est un programme universel d’alimentation scolaire, qui permettrait notamment de lutter contre l’insécurité alimentaire chez les enfants. Interpellé sur le sujet lors d’un panel intitulé «Dialogue avec les instances publiques», Horacio Arruda, sous-ministre adjoint à la Direction générale de la santé publique du ministère de la Santé et des Services sociaux, a reconnu que plusieurs ministères devaient se saisir de ce dossier, car «c’est vrai que ça coûte cher, mais ce sont des investissements pour le futur et, quand les enfants décrochent, ça coûte encore plus cher».
Plusieurs concepts clés très utilisés ces dernières années, comme l’«alimentation locale» et l’«autonomie alimentaire», sont aussi revenus fréquemment dans les discussions tout au long du forum. Dans une allocution visant à synthétiser les grandes idées discutées lors de ces deux journées, le professeur à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval, Patrick Mundler, s’est permis de s’interroger sur ces concepts. «Sommes-nous autonomes si on importe les outils, la machinerie, les compétences et la force de travail pour produire nos aliments et si environ 80% des céréales qu’on produit servent à nourrir des animaux?» Il a également tenu à rappeler que «local» ne veut pas nécessairement dire «meilleur pour l’environnement» et que les acteurs des circuits courts dans certains secteurs ne sont pas toujours en mesure de répondre à la demande. On l’a vu par exemple avec la flambée des abonnements aux paniers des fermiers de famille au printemps 2020, alors que plusieurs agriculteurs n’avaient pas la capacité d’augmenter leur production en conséquence.
Ces réflexions mettent en évidence toute la complexité des changements qu’il faut enraciner et accélérer dans les systèmes alimentaires partout au Québec. Elles font ressortir que les acteurs de tous les domaines de la société, alimentaires ou non, tels que les gouvernements, les entreprises collectives et privées, les institutions, le milieu de la recherche et de l’enseignement, les organismes, etc., ont un rôle à jouer dans cette transition et qu’il faut nous donner les moyens de nos ambitions.