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Secteur énergivore: c’est le bâtiment, stupide

François Normand|Publié le 24 octobre 2024

Secteur énergivore: c’est le bâtiment, stupide

Oubliez les entreprises étrangères qui s’établissent au Québec pour verdir leur production ou les efforts pour électrifier les transports: c’est avant tout l’électrification du chauffage des bâtiments aux quatre coins du Québec qui consommera le plus d’électricité d’ici 2050. C’est pourquoi il faut faire beaucoup plus d’efficacité énergétique dans ce secteur, qui carbure encore à 45% aux énergies fossiles.

Voilà le principal constat d’une étude que publie ce jeudi  l’Institut du Québec (IDQ), en collaboration avec la chaire de gestion de l’énergie à HEC Montréal.

Certes, la croissance économique et l’électrification des transports nécessiteront de gros blocs d’énergie dans les prochaines années. En revanche, c’est plutôt la «décarbonation de la province» qui sera énergivore, car elle exigera trois fois plus d’électricité que la croissance économique, selon l’IDQ.  

«Non seulement électrifier le mode de vie des Québécois exercera d’importantes pressions sur le réseau électrique, mais ces pressions proviendront surtout de l’électrification des bâtiments», souligne dans un communiqué la PDG de l’institut, Emna Braham.

Pour arriver à cette conclusion, l’IDQ a évalué les répercussions des «ambitions environnementales du Québec» sur la demande d’électricité d’ici 2050, et ce, à l’aide d’un simulateur développé par la chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal.

Les résultats de ces simulations sont éloquents, en analysant la pression sur les besoins en puissance électrique comparativement à la réduction des gaz è effet de serre (GES) en fonction des secteurs:

Électrification des transports

  • +6% de puissance électrique
  • -22% de réduction de GES

Électrification du chauffage des bâtiments

  • +32% de puissance (pointes hivernales)
  • -9% de réduction de GES

Il faut faire beaucoup plus d’efficacité énergétique

Comme les bâtiments résidentiels et commerciaux consomment encore 45% d’énergie fossile pour se chauffer, la possibilité d’y réduire les émissions de GES y est donc importante.

En revanche, électrifier cette consommation d’énergie sans faire d’abord des gains d’efficacité énergétique est un non-sens économique, selon Emna Braham.

«Électrifier les bâtiments sans d’abord améliorer leur efficacité énergétique exacerberait donc inévitablement les besoins en électricité. Voilà pourquoi il nous faudra produire plus d’énergie, mais surtout réaliser des gains sans précédent en matière d’efficacité énergétique pour remporter le pari de la décarbonation.»

L’étude de l’IDQ rappelle qu’Hydro-Québec compte réaliser des économies d’énergie de 21 térawattheures dans l’ensemble de l’économie, ce qui constitue un «objectif ambitieux», selon Anthony Migneault, économiste principal à l’institut.

Barrières à l’efficacité énergétique dans le bâtiment

Cela dit, il faut en faire plus pour réduire la consommation future d’électricité dans ce secteur. Et pour y arriver, il faut s’attaquer aux «barrières» à ces efforts qui persistent encore dans l’industrie.

  • La tarification: les bas tarifs d’électricité au Québec limitent le rendement sur l’investissement pour l’achat d’équipements visant à réduire la consommation d’énergie;
  • La tarification dynamique: la présente réglementation empêche de systématiser l’adoption de tarification en fonction de l’offre et de la demande durant la journée;
  • La réglementation de la performance énergétique des bâtiments: les coûts importants pour les propriétaires et les répercussions possibles sur les loyers pourraient en limiter la portée, surtout dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre;
  • Les subventions pour l’achat de technologies écoénergétiques (thermopompes, fenêtres haute performance): les programmes de subventions sont encore méconnus, sans parler du fait que les bas tarifs limitent le rendement sur l’investissement;
  • La sensibilisation: l’ensemble de la population semble croire qu’il y a une «certaine abondance» d’électricité au Québec. Or, cette perception conjuguée aux faibles tarifs fait en sorte qu’il est plus difficile de convaincre les Québécois de faire davantage d’efficacité énergétique.

Par conséquent, l’IDQ affirme que la transition énergétique nécessite des changements dans les lois et règlements, sans parler du fait de mieux communiquer aux citoyens les coûts de cette décarbonation, selon l’IDQ.