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Jean-Paul Gagné

Droit au but

Jean-Paul Gagné

Analyse de la rédaction

Semonce justifiée de Doug Ford aux dirigeants d’Hydro One

Jean-Paul Gagné|Édition de la mi‑mars 2019

Semonce justifiée de Doug Ford aux dirigeants d’Hydro One

CHRONIQUE  «Faire le ménage à Hydro One (HO), congédier l’homme de 6 millions de dollars et réduire les tarifs d’électricité de 12 % », a promis Doug Ford au cours de la campagne électorale qui l’a fait élire le 12 avril 2018.

Ce message a porté. Les électeurs ont fait un lien entre la hausse de leurs tarifs d’électricité et la hausse de la rémunération des dirigeants du transporteur et distributeur d’électricité de l’Ontario. Ignorant les contraintes financières du monde ordinaire et la réalité électorale, les dirigeants d’HO venaient de se voter de fortes augmentations.

En trois ans, Mayo Schmidt, président et chef de la direction, a vu sa rémunération totale passer de 1,4 M$ à 4,5 M$ et à 6, 2 M$ en 2017. Toute proportion gardée, les cadres supérieurs ont bénéficié du même débordement. De même, les administrateurs millionnaires qui ont accordé ces hausses ne se gênent pas non plus pour se récompenser. Le président du conseil a reçu une rémunération de 260 000 $ en 2017, et les présidents de comité, 180 000 $, comparativement à 155 000 $ et à 82 000 $ respectivement en 2015, année où la rémunération a été revue.

Menacés de congédiement par Doug Ford, Mayo Schmidt (qui aurait reçu une allocation de départ de 9 M$) et les administrateurs ont démissionné le 11 juillet dernier. Un nouveau conseil, composé de six hommes et quatre femmes (au lieu de 14), a été formé et les rémunérations ont été revues. Celle du président qui assure l’intérim a été abaissée à 2 775 000 $, mais Doug Ford lui a dit de la ramener à 1 550 000 $. C’est ce que reçoit le président d’Ontario Power Generation (OPG), la société d’État qui produit l’électricité transportée et distribuée par HO. Les deux sociétés ont des revenus semblables (6 milliards de dollars), mais l’actif d’OPG est le double (51 G$) de celui d’HO.

Pour mesurer l’excès de la rémunération des dirigeants de cette dernière, il suffit de la comparer à celle qui est en place à Hydro-Québec (HQ), dont le président, Éric Martel, donne son plein rendement avec une rémunération de 835 000 $ en 2018. HQ compte 19 900 employés, a un actif de 77 G$ et a réalisé en 2018 des revenus de 15 G$ et un bénéfice net de 3,2 G$. Chez BC Hydro, dont la taille représente environ 50 % de celle d’HQ, le président a gagné environ 400 000 $. Pour sa part, HO, qui n’a pas d’activité de production, compte 7 400 salariés, a un actif de 26 G$ et a réalisé des revenus de 6 G$ et un bénéfice net de 778 M$ en 2018. Doug Ford a bien raison d’y faire un certain ménage.

Enfin la manne

Cette flambée des émoluments des hauts dirigeants d’HO s’explique par deux facteurs :

1. Sa privatisation partielle. Autrefois division de l’ancienne Ontario Hydro, HO a vendu en trois étapes, de 1975 à 1977, 51 % de ses actions dans le public. Inscrit en Bourse en 2015 à 20,50 $, son titre s’échange au même prix aujourd’hui et donne un rendement de 4,4 %.

2. Après cette inscription, les administrateurs ont voulu comparer leur rémunération avec celle d’un panier de sociétés comparables aussi inscrites en Bourse. Ils ne voulaient plus se comparer avec de minables sociétés d’État comme HQ, BC Hydro ou encore OPG.

Comme on le fait dans ce grand monde, le conseil d’administration a retenu les services des grands prestidigitateurs de la rémunération des hauts dirigeants. Selon la dernière circulation de sollicitation de procurations d’HO, deux grands noms de cette science, Hugessen Consulting et Willis Towers Perrin ont reçu 259 816 $ pour leurs précieux services en 2017, alors qu’ils avaient encaissé 124 369 $ en 2016.

Pour avoir une bonne idée de la complexité des systèmes de rémunération imaginés par ces experts, il suffit de constater que la partie consacrée à la rémunération dans la circulaire de HO s’étend sur 53 pages sur un total de 102 pages. Cela ressemble à ce qui se fait ailleurs. C’est du chinois pour le commun des mortels et des administrateurs avouent n’y rien comprendre.

Cette industrie a explosé depuis que la rémunération des cinq plus hauts dirigeants des sociétés inscrites en Bourse est publique. Alors que ceux-ci comparent leur rémunération avec leur vis-à-vis de sociétés comparables, les conseillers experts rivalisent d’imagination pour créer des formules, des indicateurs, des primes et des allocations de toute sorte pour flatter l’ego de ceux qui achètent leurs services. La rémunération a pris une telle valeur chez certains chefs de la direction que plusieurs retiennent de leur côté les services d’autres experts en rémunération pour s’assurer que rien ne leur échappe.

Cette compétition malsaine est le principal facteur de l’explosion de la rémunération des hauts dirigeants, qui augmente depuis plusieurs années, souvent du double ou du triple de celle des autres salariés de l’entreprise.

Ce cercle vicieux, qui creuse les inégalités, doit être brisé. À part celle de Doug Ford, peu d’interventions se font en Amérique du Nord par rapport à cet enjeu. Heureusement, certains pays d’Europe s’attaquent à ce fléau. On en bénéficiera peut-être éventuellement.

J’aime
Grâce à la pression du public, une brèche vient enfin d’apparaître dans la muraille corporatiste du corps médical. Les infirmières praticiennes spécialisées peuvent maintenant diagnostiquer six maladies chroniques. Malheureusement, contrairement aux autres provinces, le Québec compte très peu de telles infirmières, car les médecins n’en voulaient pas.

Je n’aime pas
Pour les médias écrits, la facture du papier récupéré varie inversement avec la quantité du papier à recycler. C’est l’envers du gros bon sens. En effet, alors qu’il y a moins de journaux et que le volume du papier récupéré a baissé de 68 % depuis 2010, il en coûte 950 % plus cher pour les survivants. Selon cette logique infernale, quand il ne restera plus qu’un journal, il paiera une facture qui l’étouffera sans aucune chance de rémission.