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Serez-vous sobre en 2022?

Claude Maheux-Picard|Publié le 21 Décembre 2021

Serez-vous sobre en 2022?

(Photo: Mollie Sivaram pour Unsplash)

BLOGUE INVITÉ. Avez-vous déjà réfléchi à l’impact environnemental de votre comportement numérique? Si, comme moi, vous avez délaissé la télé câblée pour les plateformes de streaming, une réflexion s’impose.

Au cours des dernières années, chercheurs et journalistes ont documenté l’impact croissant des technologies numériques sur l’émission de gaz à effet de serre (GES), cause numéro un des changements climatiques.

On les classifie en deux catégories : les gaz émis lors de leur fabrication et ceux émis au cours de leur utilisation.

 

Un référentiel pour calculer l’empreinte environnementale du numérique

« Selon les sources, on estime que de 40% à 90% des impacts environnementaux proviennent de l’étape de fabrication des appareils », indique Martin Deron, chargé de projet défi numérique pour Chemins de transition. 

« À titre d’exemple, une puce de seulement 2 g mobilise environ 32 kg de matières premières. Et nous renouvelons nos téléphones intelligents aux 2 ans en moyenne. »

Le collectif français NegaOctet a diffusé au début du mois de décembre 2021 le fruit de près de 3 ans de travail sur le sujet. 

Le résultat? Un outil de référence robuste qui identifie, pour chaque équipement, tout au long de son cycle de vie, dix indicateurs d’impact environnemental. Il tient compte de l’extraction des ressources nécessaires à la fabrication, jusqu’à la gestion en fin de vie. 

Créée à partir de fonds publics, une fraction de cette base de données de 15 000 entrées est disponible gratuitement via le site Impact de l’ADEME (le pendant français de RECYC-QUÉBEC), en prévision d’une éventuelle obligation d’affichage environnemental.

 

Une utilisation également énergivore

Pour ce qui est de la période d’usage de ces appareils, l’impact environnemental est moindre que pour la fabrication. Néanmoins, chaque envoi de données (courriel, texto, fichiers, vidéos) consomme de l’énergie. 

L’Agence internationale de l’énergie évalue qu’une heure de streaming en HD (soit 1 gigaoctet) génèrerait jusqu’à 65 g de CO2, selon le mix énergétique et le type d’appareil utilisé. Le visionnement de vidéos en ligne, responsable de 60% du flux mondial de données, serait un contributeur important à cette pollution numérique.

Le groupe de travail The Shift Project estimait qu’en 2019 la consommation d’énergie combinée des appareils (téléphones intelligents, tablettes, ordinateurs), des centres de données et de toute l’infrastructure réseau (câbles de transmission, antennes de réseaux mobiles, fibres optiques), était responsable de 4% de tous les GES émis dans le monde. 

C’est le double de ce qu’émet le transport aérien! Et on s’attend à ce que cette proportion ait doublé d’ici 2025 si rien n’est fait.

Bien sûr, cette énergie consommée provient, dépendamment des pays et des infrastructures de stockage, de centrales au charbon, au gaz, d’installations nucléaires, hydroélectriques ou de sources renouvelables. Mais qui de nous peut franchement prétendre savoir où sont hébergées ses données? Pas moi en tout cas.

 

Horizon 2040

Le projet Chemins de transition, initié par l’Université de Montréal et Espace pour la vie, explore les futurs possibles pour une transition numérique juste et écologique. 

En combinant les expertises et points de vue de nombreux chercheurs, citoyens et autres parties prenantes, le projet veut identifier les meilleures options pour affronter la crise écologique.

« Les outils numériques ont sans conteste leur utilité. Ils nous permettent d’améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, d’optimiser la production agricole, de réduire le gaspillage alimentaire, explique Mélanie McDonald, responsable du projet Chemins de transition. Mais avec la raréfaction des ressources naturelles, sommes-nous certains que nous aurons encore accès aux métaux nécessaires pour les fabriquer? Nos travaux visent à identifier les moyens pour que chacun puisse tirer profit au mieux de ces précieux outils, tout en réduisant leur impact environnemental.» 

Quand on sait que la France a lancé sa Feuille de route Numérique et environnement en février dernier, les travaux de ces chercheurs tombent à pic.

 

Au-delà de l’énergie

L’auteure américaine Kate Crawford, chercheure senior principale chez Microsoft Research, fait le bilan de toutes les externalités associées à l’intelligence artificielle et à l’industrie numérique dans son livre Atlas of AI, publié plus tôt cette année. 

Elle décrit, avec moult détails et références, l’impact de l’extraction des minéraux critiques, de la consommation d’eau, d’énergie et de ressources humaines de ce secteur d’activités. Le bilan donne la frousse et porte à réfléchir sur notre propre consommation.

L’arrivée prévisible de la 5G et des objets connectés, malgré toutes les promesses d’amélioration de notre qualité de vie, peuvent laisser craindre des dérives. Des pistes pour optimiser l’usage de nos ressources existent: distinguer les usages réellement utiles des technologies numériques de ceux relevant du pur divertissement; établir collectivement des priorités; construire ces systèmes numériques de manière plus sobre. 

 

Un premier pas vers la sobriété

En attendant qu’une réelle transition vers la sobriété numérique s’opère, nous avons la possibilité de réduire notre impact individuel et collectif. Et si on se donnait pour objectif de réduire notre empreinte numérique pour 2022?

Je vous lance le défi. 

Gardez vos appareils le plus longtemps possible. Prenez-en soin, et réparez-les.

Privilégiez le matériel usagé ou reconditionné au matériel neuf. Réduisez la taille de vos écrans. C’est là que vous aurez le plus d’impact. Et c’est la base même de l’économie circulaire.

Vous pouvez aussi réduire la quantité de données stockées sur le nuage. Vieux courriels, photos en triplicatas, fichiers PDF désuets et vidéos en tous genres peuvent être effacés d’un simple clic. 

Vous aurez fait un pas de plus vers la sobriété.

 

Avez-vous déjà réfléchi à l’impact environnemental de votre comportement numérique? Si, comme moi, vous avez délaissé la télé câblée pour les plateformes de streaming, une réflexion s’impose.
Au cours des dernières années, chercheurs et journalistes ont documenté l’impact croissant des technologies numériques sur l’émission de gaz à effet de serre (GES), cause numéro un des changements climatiques.
On les classifie en deux catégories : les gaz émis lors de leur fabrication et ceux émis au cours de leur utilisation.
Un référentiel pour calculer l’empreinte environnementale du numérique
« Selon les sources, on estime que de 40% à 90% des impacts environnementaux proviennent de l’étape de fabrication des appareils », indique Martin Deron, chargé de projet défi numérique pour Chemins de transition. 
« À titre d’exemple, une puce de seulement 2 g mobilise environ 32 kg de matières premières. Et nous renouvelons nos téléphones intelligents aux 2 ans en moyenne. »
Le collectif français NegaOctet a diffusé au début du mois de décembre 2021 le fruit de près de 3 ans de travail sur le sujet. 
Le résultat? Un outil de référence robuste qui identifie, pour chaque équipement, tout au long de son cycle de vie, dix indicateurs d’impact environnemental. Il tient compte de l’extraction des ressources nécessaires à la fabrication, jusqu’à la gestion en fin de vie. 
Créée à partir de fonds publics, une fraction de cette base de données de 15 000 entrées est disponible gratuitement via le site Impact de l’ADEME (le pendant français de RECYC-QUÉBEC), en prévision d’une éventuelle obligation d’affichage environnemental.
Une utilisation également énergivore
Pour ce qui est de la période d’usage de ces appareils, l’impact environnemental est moindre que pour la fabrication. Néanmoins, chaque envoi de données (courriel, texto, fichiers, vidéos) consomme de l’énergie. 
L’Agence internationale de l’énergie évalue qu’une heure de streaming en HD (soit 1 gigaoctet) génèrerait jusqu’à 65 g de CO2, selon le mix énergétique et le type d’appareil utilisé. Le visionnement de vidéos en ligne, responsable de 60% du flux mondial de données, serait un contributeur important à cette pollution numérique.
Le groupe de travail The Shift Project estimait qu’en 2019 la consommation d’énergie combinée des appareils (téléphones intelligents, tablettes, ordinateurs), des centres de données et de toute l’infrastructure réseau (câbles de transmission, antennes de réseaux mobiles, fibres optiques), était responsable de 4% de tous les GES émis dans le monde. 
C’est le double de ce qu’émet le transport aérien! Et on s’attend à ce que cette proportion ait doublé d’ici 2025 si rien n’est fait.
Bien sûr, cette énergie consommée provient, dépendamment des pays et des infrastructures de stockage, de centrales au charbon, au gaz, d’installations nucléaires, hydroélectriques ou de sources renouvelables. Mais qui de nous peut franchement prétendre savoir où sont hébergées ses données? Pas moi en tout cas.
Horizon 2040
Le projet Chemins de transition, initié par l’Université de Montréal et Espace pour la vie, explore les futurs possibles pour une transition numérique juste et écologique. 
En combinant les expertises et points de vue de nombreux chercheurs, citoyens et autres parties prenantes, le projet veut identifier les meilleures options pour affronter la crise écologique.
« Les outils numériques ont sans conteste leur utilité. Ils nous permettent d’améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, d’optimiser la production agricole, de réduire le gaspillage alimentaire, explique Mélanie McDonald, responsable du projet Chemins de transition. Mais avec la raréfaction des ressources naturelles, sommes-nous certains que nous aurons encore accès aux métaux nécessaires pour les fabriquer? Nos travaux visent à identifier les moyens pour que chacun puisse tirer profit au mieux de ces précieux outils, tout en réduisant leur impact environnemental.» 
Quand on sait que la France a lancé sa Feuille de route Numérique et environnement en février dernier, les travaux de ces chercheurs tombent à pic.
Au-delà de l’énergie
L’auteure américaine Kate Crawford, chercheure senior principale chez Microsoft Research, fait le bilan de toutes les externalités associées à l’intelligence artificielle et à l’industrie numérique dans son livre Atlas of AI, publié plus tôt cette année. 
Elle décrit, avec moult détails et références, l’impact de l’extraction des minéraux critiques, de la consommation d’eau, d’énergie et de ressources humaines de ce secteur d’activités. Le bilan donne la frousse et porte à réfléchir sur notre propre consommation.
L’arrivée prévisible de la 5G et des objets connectés, malgré toutes les promesses d’amélioration de notre qualité de vie, peuvent laisser craindre des dérives. Des pistes pour optimiser l’usage de nos ressources existent: distinguer les usages réellement utiles des technologies numériques de ceux relevant du pur divertissement; établir collectivement des priorités; construire ces systèmes numériques de manière plus sobre. 
Un premier pas vers la sobriété
En attendant qu’une réelle transition vers la sobriété numérique s’opère, nous avons la possibilité de réduire notre impact individuel et collectif. Et si on se donnait pour objectif de réduire notre empreinte numérique pour 2022?
Je vous lance le défi. 
Gardez vos appareils le plus longtemps possible. Prenez-en soin, et réparez-les.
Privilégiez le matériel usagé ou reconditionné au matériel neuf. Réduisez la taille de vos écrans. C’est là que vous aurez le plus d’impact. Et c’est la base même de l’économie circulaire.
Vous pouvez aussi réduire la quantité de données stockées sur le nuage. Vieux courriels, photos en triplicatas, fichiers PDF désuets et vidéos en tous genres peuvent être effacés d’un simple clic. 
Vous aurez fait un pas de plus vers la sobriété.