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Dominique Beauchamp

La Sentinelle de la Bourse

Dominique Beauchamp

Analyse de la rédaction

SNC-Lavalin: une aubaine ou encore un piège?

Dominique Beauchamp|Publié le 29 janvier 2019

SNC-Lavalin: une aubaine ou encore un piège?

(Photo: LesAffaires.com)

La Caisse de dépôt a beau renouveler sa confiance en SNC-Lavalin, les investisseurs ne se sont pas rués sur le titre malgré sa valeur d’aubaine apparente.

Il est faut dire qu’il est encore une fois difficile de jauger si le titre est une véritable aubaine ou un autre piège.

Abstraction faite de la valeur de 28$ par action de son placement de 16,8% dans l’autoroute torontoise 407 (et 3$ pour d’autres concessions), l’action de SNC-Lavalin(SNC, 35,01$) se négocie à un multiple d’à peine 3,3 fois le bénéfice révisé de 1,20$ par action prévu pour ses activités principales, après la chute boursière de 28% du 28 janvier.

Le titre a glissé sous le plancher qu’il avait atteint en 2015 lors de l’éclatement du scandale de fraude et de corruption dont le procès s’est amorcé.

Au cours actuel, le titre donne «une valeur qui oscille entre moins 1,60$ et plus 4$ par action au carnet de commandes de 15 milliards de dollars», écrit Maxim Sytchev, de la Financière Banque Nationale, dans une note préliminaire publiée en matinée. Pourtant, ces contrats recèlent une certaine valeur de remplacement, dit-il.

Table rase?

Pour préparer les investisseurs, SNC-Lavalin s’est empressée de dévoiler à l’avance trois mauvaises nouvelles, moins d’un mois avant ses résultats annuels, mais l’appel-conférence a peu éclairé les financiers.

Il leur faudra attendre les résultats du 22 février a répété à plusieurs reprises le PDG Neil Bruce.

La dévaluation de 1,24 milliard de dollars de la division pétrolière et des profits charcutés de 58% peuvent signaler un ménage comptable prudent de fin d’année.

Par contre, M. Bruce n’a pas voulu garantir que la 407 serait vendue bientôt tandis que le chef de la direction financière Sylvain Girard a indiqué que les flux de trésorerie de 2018 retarderont la réduction prévue de sa dette.

Pour couronner le tout, SNC-Lavalin passe en revue toutes les spécialités et les régions du groupe pour établir lesquelles offrent les perspectives les plus «visibles».

Le PDG a confié cette mission au tout nouveau chef de l’exploitation, Ian Edwards, qui a été promu après avoir redressé la division des infrastructures qu’il dirigeait depuis quatre ans.

Règles comptables strictes

Le PDG n’a pas fermé la porte non plus à un retrait possible de SNC-Lavalin de l’Arabie Saoudite où 9000 de ses quelques 50000 employés travaillent. Ce pays lui a aussi procuré 11% de ses revenus en 2017.

La détérioration des tensions diplomatiques entre le Canada et l’Arabie Saoudite empêche la société de décrocher de nouveaux contrats dans ce pays, a expliqué M. Bruce. Les clients se font aussi moins dépensiers.

Les règles comptables obligent toute société à revoir la valeur d’un actif si elle juge que ses perspectives sont entachées pour longtemps, d’où la décision de SNC-Lavalin d’amputer 1,2G$ de 7,06$ par action de la valeur attribuée à sa division pétrolière.

Rappelons qu’en avril 2014, SNC-Lavalin avait allongé 2,1G$ pour la Britannique Kentz qui avait fait passer de 7 à 24% la proportion de ses revenus réalisés par sa spécialité pétrolière. La société a aussi avalé Atkins en 2017 avec l’appui de la Caisse de dépôt. Atkins réalisait alors 16% de ses revenus en Arabie Saoudite.

Mauvais déjà-vu

Dans un carnet de commandes de 15 milliards de dollars, les ratés sont toujours possibles, mais la mauvaise gestion d’un contrat (pour la construction de deux usines d’acide sulfurique pour Codelco au Chili) a pris de cours le PDG, qui s’est dit «profondément déçu» par la tournure des événements.

Dans son zèle pour compléter le contrat à temps, l’équipe locale aurait retenu les services de sous-traitants et acheté des biens sans la documentation appropriée et sans l’accord préalable du client.

SNC-Lavalin a donc des coûts additionnels à absorber sans savoir si le client les acceptera.

«En collaboration, Ian et moi entreprendrons un examen de notre capacité d’exécution opérationnelle afin d’assurer une uniformité de notre approche en matière de gestion de contrats et du risque», a écrit M. Bruce par voie de communiqué.

Pourtant, tous croyaient que SNC-Lavalin avait resserré ses pratiques internes dans la foulée des accusations de fraude et de corruption, il y q quatre ans. 

Il est possible que la société récupère éventuellement des sommes, mais pour l’instant les règles comptables IRFS l’empêchent de comptabiliser certains revenus à temps pour la fin de l’exercice actuel.

À chaque année, les analystes misent sur le redressement de SNC-Lavalin qu’ils considèrent sous-évalué. Et chaque fois, une nouvelle bévue éclate au grand jour.

Espérons que la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui a accumulé 20% des actions afin de protéger la société contre une offre hostile, ait raison de voir dans les dernières révélations de simples «soubresauts ponctuels dans le marché qui n’ébranlent pas son évaluation».