Photo : Nathan Dumlao pour Unsplash.com
EXPERT INVITÉ. En tant qu’entrepreneur, vous êtes constamment confronté à des décisions difficiles. Beaucoup de ces décisions exigent que vous soyez honnête avec vous-même et avec les autres. L’honnêteté est un élément essentiel de l’entrepreneuriat.
Malheureusement, trop souvent, les entrepreneurs préfèrent être positifs plutôt qu’honnêtes, que ce soit avec eux-mêmes, leurs investisseurs ou leur équipe. Quoique le positivisme est quelque chose de crucial pour être en mesure d’affronter les montagnes russes que représente l’aventure entrepreneuriale, l’honnêteté devrait toujours primer.
Cela vient peut-être des nombreuses répétitions de phrases telles que « fake it until you make it » («fais semblant jusqu’à ce que tu y arrives») que nous entendons dans l’écosystème des start-ups et qui tente de convaincre que l’illusion peut souvent être rationalisée comme le prix à payer pour faire des affaires et que le mensonge est un mal nécessaire lorsqu’on tente d’atteindre des objectifs audacieux.
C’est aussi l’argumentaire que nous avons entendu dans plusieurs dossiers ces dernières années, débutant par Elizabeth Holmes de Theranos qui justifiait ses mensonges par l’importance de son projet ou encore d’Adam Neumann de WeWork qui était un champion du positivisme à l’outrance.
Honnêteté versus positivisme
Il est tout d’abord important de comprendre la différence entre l’honnêteté et le positivisme.
L’honnêteté est, selon le dictionnaire, d’être exempt de tromperie; être sincère; véridique, digne de confiance; sans réserve; digne. Cela veut par conséquent aussi dire d’admettre ses erreurs. L’honnêteté peut être présente autant dans ce que vous dites que dans ce que vous faites!
Contrairement à l’honnêteté, le positivisme est décrit comme une attitude ou une mentalité axée sur le fait de voir le bon côté des choses de rechercher des solutions optimistes et d’adopter une perspective favorable dans les situations difficiles. C’est une approche qui encourage la pensée positive, la motivation et l’optimisme face aux défis et aux obstacles.
Pour ma part, je dois avouer que j’ai souvent de la difficulté à rester dans l’honnêteté et ne pas tomber dans le positivisme. Je blague souvent que « le déni est clairement plus confortable ». Par moment, cela m’aide aussi à traverser des tempêtes.
J’ai cependant la chance d’être entouré d’une équipe de gestion chevronnée qui s’assure que nos décisions sont basées sur des faits et des données plutôt que sur l’envie de voir la vie en rose. Le problème est que beaucoup d’entrepreneurs s’entourent de gens qui n’oseront pas les contredire et dans ce cas, le manque d’honnêteté deviendra rapidement un grand problème dans l’organisation!
C’est aussi un grave problème lorsqu’on tente d’être positif avec un employé non performant plutôt qu’honnête avec celui-ci. Lorsque le point critique arrivera et que vous déciderez de le mettre à pied, il sera surpris. Il n’aura pas eu la chance de s’améliorer sans avoir reçu de commentaires et critiques constructives et honnêtes de votre part..
La positivité toxique
Il n’est pas surprenant que la positivité toxique, que nous pourrions aussi décrire comme de la tromperie, soit devenue une partie indésirable de l’entrepreneuriat.
Tout en présentant des idées, en discutant de leur portée et en recherchant des investissements en capital, les entrepreneurs ont tendance à exagérer, à falsifier et à déformer la réalité pour convaincre. Le pouvoir de persuasion est souvent présenté comme essentiel à la croissance de tout entrepreneur. En fait, certains des plus grands entrepreneurs ont été célébrés pour cela, y compris Steve Jobs qui aurait le pouvoir de convaincre n’importe qui de n’importe quoi.
Les dernières années ont été remplies d’histoires d’entrepreneurs et de start-ups, capitalisés à coup de centaines de millions de dollars qui représentaient bien la positivité toxique. De nombreux entrepreneurs, plutôt que d’adopter la « franchise radicale » comme moyen d’arriver à une vision pratique de la réalité, préféraient de loin profiter de cette bulle en prétendant que tout était génial, tout le temps, jusqu’au moment où il est trop tard et qu’ils ne peuvent plus cacher la réalité qui est beaucoup plus sombre.
De nombreux investisseurs semblaient préférer y croire plutôt que de se rappeler que « si c’est trop beau pour être vrai, ce n’est probablement pas vrai ». Suffit de penser à Fyre Festival, l’événement qui a viré au fiasco aux Bahamas.
La vérité : la positivité peut être motivante, stimulante et excitante. Elle peut amener les gens à essayer des choses qu’ils n’auraient pas tentées autrement, comme se lancer en affaires. Elle peut permettre de rallier les équipes pour respecter les délais de développement d’un produit, accepter une rémunération inférieure dans l’espoir de créer une valeur nette à long terme. Plus important encore, elle permet de croire dans l’impossible et donc, de tenter d’y arriver. Lorsqu’elle est basée sur la réalité, la positivité peut être une force incroyable.
À court terme, la positivité peut donner des résultats, mais elle peut aussi se transformer en catastrophes lorsqu’il n’y a pas de vérité et de substances pour étayer les pics émotionnels, la rhétorique et la mythologie. L’industrie du capital-risque est jonchée d’exemples de positifs-toxiques, comme Fyre Festival, Theranos, WeWork, FTX et bien d’autres qui ont échoué à l’épreuve du temps.
C’est là que l’honnêteté entre en jeu. Tout dans la vie a du bon et du mauvais, en particulier les start-ups. Être positif sans se concentrer sur ce qui peut être corrigé et amélioré rend vulnérable. L’honnêteté peut et doit être appliquée lors de l’embauche et la mise à pied, lors de la prise de décisions d’investissement, lors de l’établissement de la stratégie, et autant durant la croissance que durant les crises. L’honnêteté doit être constante et présente partout.
Les trois principes de l’honnêteté entrepreneuriale
Selon moi, l’honnêteté entrepreneuriale nécessite l’adoption de trois principes :
1 – Dépasser la peur du conflit et arrêter d’essayer d’être populaire.
2 – Adopter une vision « basée sur les données » des faits en intégrant de multiples perspectives.
3 – Utiliser l’empathie et la compassion pour traiter les gens avec humanité, mais jamais comme excuse pour éviter d’affronter la réalité et de prendre des décisions difficiles.
Le dernier est particulièrement difficile, car le positivisme nous permet souvent de repousser des décisions difficiles. Mais la réalité est que même dans les pires circonstances possibles, comme une mise à pied, l’honnêteté est préférable.
Par exemple, selon Patty McCord, ancienne directrice des talents de Netflix, «les gens poursuivent leurs employeurs parce qu’ils pensent qu’ils ont été traités injustement… parce qu’on ne leur a pas dit la vérité alors qu’ils auraient dû l’être à propos de leur performance».
En tant qu’entrepreneur, il est essentiel de voir les choses telles qu’elles sont vraiment, pas seulement telles que nous souhaitons qu’elles soient. Si nous voulons nous améliorer sur le long terme, l’honnêteté est une nécessité. Même et surtout quand c’est inconfortable.