Surprise! Le français est aussi une langue de pouvoir économique
François Normand|Publié le 02 avril 2022Contrairement à une idée reçue assez répandue au Québec, le français n’est pas une langue secondaire, ou simplement une langue de la culture ou de la diplomatie, comme on l’entend ou on le lit trop souvent. (Photo: 123RF)
ANALYSE ÉCONOMIQUE. Le français est la troisième langue des affaires dans le monde. Le français est la troisième langue des affaires dans le monde. Le français est la troisième langue des affaires dans le monde.
Rassurez-vous, ce n’est pas une erreur d’édition. J’ai écrit volontairement cette phrase trois fois – un procédé un peu inhabituel, j’en conviens – afin de m’assurer que nous retenions bien tous collectivement ce fait très méconnu au Québec.
Loin d’être une langue marginale, le français est la troisième langue la plus utilisée aux quatre coins de la planète pour brasser des affaires, et ce, après l’anglais et le mandarin (la principale langue parlée en Chine, et par une bonne patrie de la diaspora chinoise).
La nouvelle Alliance des patronats francophones (APF), dont le siège social est à Paris et dont le Conseil du patronat du Québec (CPQ) occupe l’un des neuf postes de vice-présidence, a mis l’accent sur ce rang de la langue de Molière lors de son lancement le 29 mars 2022.
L’Alliance regroupe 26 États comme la France, la Belgique, la Suisse, le Maroc, le Sénégal, le Liban, le Cambodge, le Laos et le Québec — dont le CPQ représentera les gens d’affaires francophones pour l’ensemble de l’Amérique du Nord.
20% des échanges mondiaux en français
En entrevue à Les Affaires en marge du lancement de l’APF, Karl Blackburn, PDG du CPQ, a également souligné que 20% des échanges commerciaux dans le monde se font entre des pays francophones et que la francophonie économique pèse pour 16,5% du revenu brut mondial.
Si on exclut la conduite des affaires, le français est la cinquième langue la plus parlée dans le monde, après l’anglais, le mandarin, l’hindi (la principale langue en Inde) et l’espagnol, selon l’Observatoire de la langue française (OLF).
Actuellement, on compte 321 millions de francophones dans le monde (dont 12,3 millions en Allemagne, seulement, davantage qu’au Québec!), dont 255 millions de locuteurs quotidiens, souligne l’OLF.
Bien entendu, l’anglais demeure la principale langue des affaires dans le monde.
Tous les entrepreneurs québécois savent fort bien qu’ils ont besoin de l’anglais pour brasser des affaires (même au Québec), et ce, des approvisionnements à la commercialisation, sans parler du service à la clientèle ou pour voyager afin de rencontrer des clients ou des fournisseurs.
Cela dit, contrairement à une idée reçue répandue, le français n’est pas non plus une langue secondaire, ou simplement une langue de la culture ou de la diplomatie, comme on l’entend ou on le lit trop souvent.
C’est aussi une langue de pouvoir économique.
Le déclin du français au Québec – comme l’ont confirmé en 2021 deux études de l’Office québécois de la langue française – contribue sans doute à renforcer cette perception négative.
De plus, si on s’informe exclusivement auprès de médias québécois, canadiens ou américains, on peut avoir l’impression que le français est relativement peu utile dans la mer anglo-saxonne nord-américaine.
Bref, ne comptez pas trop sur la Gazette, le Globe and Mail ou le Wall Street Journal pour vous dire que le français est une grande langue des affaires sur la planète.
Il faut aussi consulter de grands médias français internationaux, comme Le Monde, Le Figaro ou Le Monde diplomatique, un exercice qui change drôlement la perspective sur l’importance et l’influence du français dans le monde.
Le français connaîtra une croissance fulgurante
Une autre donnée est très intéressante pour mettre les choses en perspective à propos de la langue française: les prévisions de l’évolution de la population selon la langue officielle.
En vertu de l’espace linguistique, comparons 2020 à 2065, toujours selon les données de OLF (l’organisme ne donne pas de statistiques sur l’évolution de l’anglais et du mandarin).
2020
Francophones: 475 millions
Arabophones: 440 millions
Hispanophones: 475 millions
Lusophones: 282 millions
Germanophones: 111 millions
2065
Francophones: 1 023 millions
Arabophones: 711 millions
Hispanophones: 585 millions
Lusophones: 389 millions
Germanophones: 100 millions
On voit bien que le français connaîtra une croissance fulgurante, avec un nombre de locuteurs qui doublera en 45 ans, et ce, en grande partie en raison du boom démographique en Afrique subsaharienne.
Aussi, non seulement le français est une langue très importante dans le monde, mais elle le deviendra davantage dans les prochaines décennies.
Pendant ce temps, la Chine pourrait perdre près de 100 millions d’habitants d’ici 2050 en raison de son déclin démographique…
À bien y penser, les entrepreneurs québécois sont très chanceux, voire privilégiés.
Géographie oblige, ils maîtrisent pour la plupart la première langue (l’anglais) et la troisième langue (le français) des affaires dans le monde, qui sont, en plus, toutes les deux, les seules à être présentes sur les cinq continents.
Une situation qui leur procure un avantage important par rapport à bien d’autres entrepreneurs dans le monde, par exemple pour faire des affaires en Afrique ou en Asie du Sud-Est.
Il serait grand temps de le réaliser.