Tarifs d’électricité: les entreprises trouvent «inquiétants» les propos de Christine Fréchette
François Normand|Publié à 15h24 | Mis à jour il y a 15 minutesDans une table éditoriale à Les Affaires, Christine Fréchette a affirmé qu’il ne faut pas uniquement fixer le prix en fonction du coût de service, mais qu’il faut aussi tenir compte de la «valeur» de marché de l’énergie. (Photo: Martin Flamand)
L’Alliance pour la compétitivité énergétique du Québec (ACÉQ) critique vertement la position de la ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Christine Fréchette sur les prix de l’électricité facturés aux entreprises.
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Dans une table éditoriale à Les Affaires, la ministre a affirmé qu’il ne faut pas uniquement fixer le prix en fonction du coût de service, mais qu’il faut aussi tenir compte de la «valeur» de marché de l’énergie.
«En fait, il faut établir la valeur de notre électricité, de notre énergie. Pas seulement, je considère, sur la base des coûts de service», a-t-elle déclaré en entrevue.
Cette sortie a fait réagir l’un des porte-parole de l’ACÉQ, Jocelyn B. Allard, président de l’Association québécoise des consommateurs industriels d’électricité (AQCIÉ), l’un des sept regroupements d’entreprises formant l’Alliance.
À ses yeux, les propos de la ministre sont «particulièrement inquiétants», en plus de créer de «l’incertitude» auprès des entreprises consommatrices d’électricité et de celles qui songeraient à s’établir au Québec.
Une «grande insécurité»
«Ça va créer une grande insécurité, affirme Jocelyn Allard. Ça vient miner la confiance des investisseurs et des gens d’affaires au sujet de la façon de faire au Québec pour la fixation des tarifs. Ça n’a aucun bon sens.»
Au début du mois de novembre, six regroupements d’entreprises (un septième s’est rajouté depuis) ont formé l’ACÉQ, alors que le gouvernement Québec étudie le projet de loi 69 sur la réforme du secteur de l’énergie.
Il s’agit du Conseil du patronat du Québec (CPQ), de Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ), de l’Association québécoise des consommateurs industriels d’électricité (AQCIÉ), de l’Association de l’aluminium du Canada (AAC), du Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) ainsi que de l’Association canadienne de l’industrie de la chimie (ACIC).
Le Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ) est le nouveau membre de l’Alliance.
Des hausses de tarifs de 50% d’ici 2035
Selon les sept regroupements, dans sa forme actuelle, le projet de loi 69 fera augmenter d’au moins 50% les tarifs d’électricité de leurs membres d’ici 2035, ce qui fera perdre la compétitivité énergétique du Québec, en plus de plomber l’économie des régions.
Dans le cas du tarif L grande puissance des industriels, les hausses pourraient atteindre 60%, selon les estimations de l’ACÉQ, effectuées à partir des données d’Hydro-Québec.
D’ici 2035, la société d’État investira de 155 à 185 milliards de dollars pour accroître sa capacité, ce qui exercera inévitablement une pression à la hausse sur les tarifs d’électricité.
Le coût de service (ou le coût réel) est le coût assumé par Hydro-Québec pour livrer son électricité à ses clients, incluant un rendement sur le capital. La valeur de marché tient compte de l’offre et de la demande d’électricité. Elle est donc supérieure au coût de service.
Aux yeux de Christine Fréchette, se limiter à la notion de coût de service pour fixer des prix de l’électricité empêche le Québec de tirer le maximum de la valeur de son énergie renouvelable, une énergie verte qui est en forte demande partout dans le monde.
«On a une électricité qui est prisée parce qu’elle est produite à base de sources renouvelables. Cela a de la valeur dans un contexte de transition énergétique, alors que de plus en plus d’entreprises se dotent d’objectifs de carboneutralité», a déclaré la ministre en entrevue.
C’est la raison pour laquelle est estime qu’il faut aussi tenir compte de la valeur de marché de notre électricité.
Monopole et mécanisme de marché
Jocelyn Allard fait remarquer que la notion de prix de marché est tout à fait justifiable dans un marché libre où il y a de la concurrence. Un marché où la présence de plusieurs producteurs d’électricité assure que les prix demeurent concurrentiels malgré tout.
Or, il rappelle que le marché de la production de l’électricité au Québec est contrôlé par un monopole, en l’occurrence Hydro-Québec, même si d’autres petits producteurs gravitent autour de la société d’État.
C’est pourquoi un régulateur indépendant comme la Régie de l’énergie existe – comme du reste dans toutes les juridictions où il y a des monopoles – pour déterminer le prix de l’énergie, et ce, en fonction du coût de service et d’un rendement raisonnable sur le capital, explique le porte-parole de l’Alliance pour la compétitivité énergétique du Québec.
Aux yeux de Jocelyn Allard, la ministre Fréchette semble vouloir «le beurre et l’argent du beurre» pour la fixation des prix de l’électricité facturés aux entreprises au Québec.
«On veut garder le monopole et garder les clients captifs, dont les industriels et les clients commerciaux. Mais en même temps, on voudrait voir comment on pourrait faire pour leur vendre au maximum en fonction de la valeur, comme si on était dans un marché compétitif», déplore-t-il.